lundi 24 novembre 2014

Le mythe d'Orphée au Sud du Tchad (par Pascal Djimoguinan)



(La légende d’Orphée est considérée comme un chef-d’œuvre de la mythologie grecque. Orphée, perd sa femme, mordue par une vipère. Par amour, il le suivra jusqu’au royaume des Enfers et persuadera Hades de lui rendre sa femme. Une seule condition lui est posée. Il ne devra pas se retourner pour regarder sa femme qui le suit jusqu’à ce qu’ils soient revenus tous les deux au royaume des vivants. Il respecta la consigne jusqu’au dernier moment mais alors qu’il s’apprêtait à sortir des Enfers, comme il n’entendait pas les pas de sa bien-aimée, il se retourna pour la voir, la perdant ainsi pour toujours. Dans la littérature négro-africaine, nous retrouvons la même histoire avec des variantes. Ici, il s’agit d’un conte du sud du Tchad)

Dans un village, il y  avait une jeune fille qui aimait beaucoup sa mère et la mère également aimait beaucoup. Mais un jour, sa mère mourût. La mort de sa mère l’affligea beaucoup et elle n’arrivait pas à cesser de pleurer.
            Elle sut qu’un vieux sorcier du nom de Gadjiguirgueu est celui qui qui rappeler ceux qui sont morts depuis longtemps pour qu’ils ressuscitent. Mais c’était très difficile de retrouver la demeure de Gadjiguirgueu.
            Le décès de sa mère lui faisait tellement mal que si elle avait pu, elle aurait voulu mourir. Très tôt le matin, elle prit la route et alla son chemin ; elle marcha jusqu’au coucher du soleil.
            Elle rencontra des jeunes filles de son âge, en train de piler. Quand elles l’appelèrent pour venir piler le mil avec elles, la jeune fille ne refusa pas. Elle pila avec elle jusqu’au soir mais refusa de manger la boule.
            Les jeunes filles la bénirent en disant : « do-i ngang jouk jouk, ouweu me-i ngang da, a tin ! Que ta tête soit bien forte, sois courageuse et tu arriveras à tes fins ! »
            Le lendemain, elle marcha dès l’aube très longtemps et tomba sur un groupe de pleureuses. Sans que personne ne le lui demande, elle alla vers elles et pleura avec elles.
            Lorsqu’elle pleura jusqu’au soir, elle fut encore bénie par les pleureuses. Elle marcha, marcha, marcha et trouva une vieille femme dont la peau était mangée par les vers. Elle s’approcha d’elle et lui frotta le dos avec un morceau de calebasse, l’oignit d’huile et l’amena dans sa case.
            La femme la bénit en disant : « Va, si tu trouves la case de Gadjiguirgueu, si un tout petit enfant te demande de l’accompagner pour faire les selles, ne refuse pas. »
            Elle reprit sa marche, et marcha, marcha, marcha ; après trois jours, elle trouva la case de Gadjiguirgueu ; dès qu’elle voulut s’asseoir, un enfant sortit pour lui demander de l’accompagner pour faire les selles ; elle se leva aussitôt pour l’accompagner.
            A l’arrivée au lieu choisi, l’enfant refusa de se soulager mais lui dit : « Si ma mère te demande d’attraper les oiseaux qui sont sur sa tête et de les frire pour elle, fais-le mais n’en mange pas toi-même. Si mon père, en revenant de la brousse tourne sur ses fesses puis tourne sur sa tête, va prendre l’herbe qu’il porte. S’il te dit de donner du fourrage aux chevaux, donne-le aux poules ; s’il te demande de donner des feuilles aux cabris, donnes-en aux poules.
            Peu de temps après, Gadjiguirgueu arriva, tournant ses fesses par-ci, roulant sa tête par-là ; en le voyant, elle se leva rapidement, prit la botte de fourrage et de feuilles sur sa tête et fit que l’enfant lui avait demandé.
Elle entra dans la maison ; elle vit une femme agée et dont les oiseaux tournoyaient autour de sa tête joug joug. La jeune fille les attrapa, les fit frire et les donna à manger à la vieille.
            Peu après, Gadjiguirgueu l’appela : « Mon enfant, tu es une fille très courageuse ; je t’ai tentée sur la route, tu es une bonne enfant ; je t’aurais envoyée chercher de la terre sur laquelle aucune fourmi n’a marché, un mortier et un pilon qu’’on n’a encore jamais utilisé pour piler, pour ressusciter ta mère, mais j’irai moi-même chercher tout cela. »
Il apporta de la terre, la versa dans le mortier et pila ! Les gens sortirent boul boul ; elle les regarda mais ne vit pas sa mère parmi eux ; ces gens disparurent. Il pila de nouveau ; elle ne vit pas sa mère. Pour la troisième fois, il pila. La mère de la fille sortit enfin.
Cependant, avant que sa mère ne reparte avec elle, le vieux sorcier lui dit : « Rentre chez toi avec ta mère ; si quelque chose se passe sur la route, ne te retourne pas, continue tout droit ton chemin, n’entre pas en brousse pour manger des fruits ; sois persévérante, ne te retourne pas jusqu’à chez toi. » La jeune fille respecta la consigne jusqu’au bout et ramena sa mère à la maison.
Quand toi Sou, tu vis cela, tu attrapes ta grand-mère et tu la tues puis tu te rends chez Gadjiguirgueu. Il rencontra les pileuses sur sa route mais passa son chemin. Il vous rencontre, vous les pleureuses, il se met à se moquer de vous. Quand il vit la femme aux vers, il se boucha le nez et continua son chemin.
Arrivé chez Gadjiguirgueu, lorsqu’il vit sa femme avec des oiseaux au-dessus de sa tête, il éclata de rire ; il s’approcha doucement des oiseaux, les attrapa et fit rôtir puis les mangea seul.
Le petit enfant sortit et lui demanda de l’accompagner aux selles mais Sou l’insulta : «Je ne suis pas venu ici pour accompagner des nabots aux selles, que crois-tu ? »
Sur ces entrefaites, arriva le vieux sorcier, et Sou se mit à se moquer de toi jusqu’à se rouler par terre : « Celui-là, c’est quelle sorte d’homme qui marche sur sa tête et sur ses fesses comme ça ? »
Sou aida le vieux décharger sa botte mais ne distribua pas bien : il donna le fourrage aux chevaux, donna les grains aux poules et les feuilles aux cabris.
Lorsque Gadjiguirgueu lui demanda d’aller chercher le mortier, le pilon et de la terre que personne n’a encore touchés, Sou lui répondit : « Suis-je venu chercher les pilons et les mortiers pour ta femme ? Je suis venu chercher ma grand-mère. »
Le vieux sorcier alla lui-même chercher le mortier, le pilon et de la terre, puis pila et la grand-mère de Sou ressuscita. Alors qu’il commençait à lui faire de recommandations, Sou partit avec sa grand-mère sans plus écouter.
Ils ne sont même pas encore arrivés sur la route que Sou entra dans la brousse pour cueillir les fruits, du mougni et du djimkiteu et il en mangea. Le lion n’a pas encore rugi que Sou se retourna et plongea par terre, ne pensant qu’à lui-même, sans penser à sa grand-mère. Sa grand-mère disparut et Sou rentra seul chez lui.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire