jeudi 22 juin 2017

TCHAD : Quand Bedaya m’est conté (par Pascal Djimoguinan)

            (Au Sud du Tchad, en plein pays sar, à 33 kms de Koumra, il y a une chefferie traditionnelle  qui a une très grande influence sur tous les sars de la région. Alors que le grand groupe Sara est connu pour être une société acéphale, Bédaya fait partie de ces exceptions qui viennent toujours déranger toute systématisation totale de la réalité. Il est intéressant de s’intéresser aux origines de cette particularité.)
            Selon la tradition orale, les habitants de Bédaya viendraient du côté de Békamba. On y trouvait un puits appelé « le puits du roi » qui se trouvé dans un espace arboré. Les habitants étaient des chasseurs. Ils décidèrent de migrer en suivant la voie d’eau appelée Hor. Ils arrivèrent à Ngondéré, appelé alors Békégné, appartenant à Ngague. Ils lui demandèrent d’y installer leur village. On n’est pas sûr si une permission ferme leur a été accordée. Le roi de ces migrants s’appelait alors KUOLIYO (« oiseau –milan ») ou bien MBASIRAGUE.
            Cette même tradition orale de 1969 donne la liste de 18 rois (Mbang) :
1 Massirague (Kuoliyo)                   
2 Mbandédjigué, son fils
3 Mbakeygué, frère de Lbandéjigué
4 Mbamoudjigue, leur frère dont le surnom est : Bera dog
5 Mbayargue, son fils aîné
6 Mbatoumgué, son fils cadet
7 Mbarague, fils ainé du précédent
8 Borogue, son fils cadet (un témoignage assez dit de foi parle de lui en 1855)
9 Mougode, fils de Borogue
10 Barde, fils de Borogue
11 Assede, fils de Mougode
12 Mode, fils de Mougode
13 Yande, fils de Mougode
14 Kemtemadji, fils de Barde
15 Solengar, fils de Mougode
16 Ngariba, fils de Yande
17 Djidabay, fils de Mode
18 Ngaral, fils de Mode
            Selon la tradition orale, le Ngako Orentangar, fils de Kemtemadji, aurait dû être choisi comme roi en 1956 mais le chef de canton Midana l’aurait fait écarter au profit de son frère Ngaral.
            La tradition dit que Mbassirangue ou Kuoliyo, n’aurait pas été initié et que ce serait son successeur, Mbadédjigué qui aurait acheté l’initiation et qui aurait fait faire les marques tribales à son fils.
L’itinéraire et l’installation des migrants à Bédaya :
            En consultant d’autres témoignages, il est possible de compléter le récit de la migration de ce peuple.
            Le peuple en marche suivait la voie d’eau appelée Hor et est arrivé à Ndila. De là, il a passé le Mandoul et par la rive droite, a pénétré dans le canton day de Ngalo. A Buwa où le fleuve est très profond, et où se trouvait le village de Békégné, le peuple en marche a rencontré Ngakel en train de pêcher. A cause de leur nombre, il ne pouvait faire passer le peuple dans sa pirogue alors il lui a conseillé de continuer jusqu’à Ngandoge où il pourrait rencontrer le seigneur du lieu, le Sire de Békégné.
            Comment va se faire l’installation et le partage de la terre ? Ecoutons quelques témoignages des anciens :
- Le Sire de Békégné dont les terres sont sur les bords du Mandoul (très poissonneux) va laisser les étrangers s’établir sur les terres de son voisin le Sire de Ngandenga.
            Quand il est arrivé dans le pays, le roi a demandé à ses gens de défricher la terre, pour y construire sa hutte, mais lui restait assis sur son tambour. Avec la hache et la houe que leur a données le forgeron, ses hommes ont coupé la paille rouge et ils ont tressé une natte pour que le roi puisse s’asseoir dessus.
            Les gens du Sire de Békégné, qui étaient pêcheurs et fabriquaient du sel avec les cendres d’herbes aquatiques ont offert au roi et à ses gens du poisson et du sel.
- Le Mbang est un homme important et ses gens sont très nombreux : lors donc qu’il est venu et resté, les gens de Békégné reculèrent et le Mbang qui était puissant leur prit le pouvoir et ne le partagea plus avec eux. Le Sire de Békégné est devenu son padja.
            C’est le même processus à Bénguwé. Ngaagué, premier compagnon de Kuoliyo au pays nar vient s’installer vers la même période. Il trouve un chef déjà établi, Toogue, qui est possesseur de la terre. Il le supplante et peu à peu accapare le pouvoir.
- Le Mbang désigne son fils et lui dit : le village de Béko est très ancien. « Tu y vas car les gens y sont très riches ; il y a du gibier, le poisson et d’autres choses. Il n’est pas normal que tant de richesses n’appartiennent qu’au Ngako ke Mana. Il ne doit pas y avoir d’homme têtu, indépendant qui puisse le dépasser, lui le Mbang. » Ainsi, le fils du Mbang va s’installer à Béko, au-dessus du Ngorgue, le Ngombang et tous les gens.

            Le roi de Bédaya installa très tôt ses représentants à Kera et à Dokassi qui est devenu un des sanctuaires de l’initiation.



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