jeudi 25 avril 2013

Les funérailles ou le paradoxe du choix des vivants en Afrique (par Pascal Djimoguinan)


Nous connaissons tous le fameux poème de Birago Diop « Les morts ne sont pas morts ». La majorité des africains s’y reconnaissent et y voient la « preuve » d’une vie harmonieuse avec ceux qui nous ont précédés. Pourtant à y voir de près, tout ne semble pas si serein.  Il suffit pour cela de voir la relation non apaisée qui est entretenue dans les traditions africaines avec tout ce qui touche à la mort. Si les morts ne sont pas morts, comment sont-ils perçus ?

            D’emblée, nous disons que la relation que nous avons avec nos morts sont des relations de paix, d’amour et de protection. Ils sont nos ancêtres. Mais quand on essaie de voir de plus près, on se rend compte que c’est une relation de méfiance. On ne sait jamais.

            La manière dont cette méfiance se manifeste le plus est dans les dépenses énormes qui accompagnent les funérailles. Il faut tout faire pour ne pas se mettre à dos les défunts. On est prêt à se saigner pour que les funérailles et l’enterrement des morts se passent bien et ne pas attirer des courroux outre-tombe.

            Le moindre rêve ayant un certain rapport avec un défunt est scruté avec minutie avec le désir de faire des sacrifices expiatoires pour réparer les torts qu’on aurait posés.

            Pourquoi faisons-nous passer l’émotion avant tout dans nos rapports avec les morts ? Certains me citerons sans doute le poète « L’émotion est nègre et la raison hellène ». Ne faudrait-il toujours ne s’arrêter qu’à une lecture primaire de cette pensée ? Le noir ne serait-il qu’émotion alors que l’occidental ne serait que raison froide ? Cette lecture semble erronée car il est impossible de trouver un homme qui ne serait que l’une ou l’autre. Emmanuel Kant qui est considéré comme un des plus grand rationaliste que l’Occident ait produit car il ramène tout à la raison, admet qu’il y a cependant un sentiment qui soit lié à la raison. Il accepte d’intégrer le respect dans son système. Le respect serait selon lui produit par la raison puisque c’est un sentiment lié à la raison. Le respect s’adresse aux personnes, dit-il. Nous pouvons dire que l’émotion, pour avoir une valeur, doit prendre en considération la personne humaine et de ce fait, liée à la raison.

            Nous pouvons donc parler d’une émotion rationnelle. Cette émotion rationnelle sera donc le signe de l’humanité, sans qu’il soit question de faire intervenir d’abord la négritude ou « l’occidentalité ».

            Cette émotion rationnelle pourrait nous aider à revoir nos relations par rapport aux morts. Que nos funérailles se passent dans la dignité mais que la peur ne nous amène pas à nous ruiner. Que tout se passe pour le bien du vivant. Comment traiter avec dignité les veuves et les orphelins ? Comment ne pas acheter les cercueils et les fleurs les plus chers ?

            Si les africains peuvent raisonnablement traiter leurs survivants, alors nous ferons un pas en avant !

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