vendredi 26 avril 2013

L'Afrique et l'éthique: de la honte à la responsabilité (par Pascal Djimoguinan)


La honte joue un très grand rôle dans les différents rapports sociaux en Afrique. Il n’est pas rare de constater que la honte est utilisée comme critère de discernement sur le comportement que devrait avoir toute personne respectable. N’est-il pas temps d’aller plus loin dans les critères éthiques pour une Afrique plus éthique ?

            La honte fait partie des réactions humaines naturelles. On peut dire qu’elle est en même temps signe que je ne suis pas seul. La honte est apparaît lorsqu’autrui me regarde. Pouvons-nous y voir un des indicateurs de l’humanité ? Cela est fort possible. Par la honte, je me rends compte que je suis seul et que je ne dois pas me comporter n’importe comment.

            Dans les sociétés de type traditionnel, la honte permet à tout individu de savoir ce qui lui est permis et ce qui lui est interdit.

            Il n’y a pas de mal à cela mais il faut éviter des abus qui pourraient naître d’une utilisation à outrance de la honte comme critère général de sociabilité. La honte se trouve encore au niveau de l’instinct et il faudrait laisser la place à la rationalité.

            Tout abus peut mener à un scrupule maladif qui inhiberait toute vie active. En plus, ne compter sur la honte pour réguler la vie éthique dans une société amènerait les individus à une absence de responsabilité puisque ne serait dans son tort que celui qui se ferait prendre et qui devra répondre face au regard d’autrui.

            Un autre abus courant est que sans être fautif, l’individu pourrait se croire fautif quand des regards extérieurs pensent qu’il en est ainsi. Plusieurs cas de sorcelleries viennent confirmer cela. En effet, plusieurs personnes accusées de sorcellerie en viennent à penser comme leurs accusateurs (nous ne donnons pas ici ce que nous pensons de la sorcellerie en elle-même, nous le ferons à un autre moment).

            Si la honte est de l’ordre de l’instinct est une réaction face à autrui qui me regarde et me rappelle un type de comportement, il faudrait aller au-delà de cela. Il faudrait personnaliser davantage les critères du comportement éthique. Au-delà de la honte, qu’est-ce qui doit raisonnablement m’aider à diriger ma vie et qui doit me servir de critères pour agir. En personnalisant cela, je me responsabilise et je n’ai plus besoin du regard d’autrui ni de la punition pour agir d’une manière bonne. Nous avons ici l’éternel question de la justice dont le mythe de Platon dans le livre I de la République sur l’anneau de gygès pose la question : L’homme juste est-ce cet être assez « naïf pour respecter les lois et la morale même si cela peut être désavantageux ? » Il faudrait qu’on soit intérieurement bien formé pour respecter les lois et la morale même lorsqu’aucune coercition extérieure ne nous y force.

            La honte ne devrait être qu’un point de départ, un éveil à l’éthique mais l’éducation doit former pour que les individus intériorisent la justice et la morale. Cela éviterait d’avoir des comportements de schizophrènes que nous rencontrons souvent dans les grandes villes où nous pouvons trouver des personnes respectables dans leur quartier, dans leurs communautés mais qui n’hésitent pas à être des corrompus et des détourneurs de deniers publics au niveau de l’administration publique.

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