samedi 27 avril 2013

La solidarité africaine en question (par Pascal Djimoguinan)


            Dans tous les discours à propos des valeurs, on fait toujours l’éloge de la solidarité africaine. On en fait une panacée qu’on voudrait exporter sur tous les autres continents. Qu’en est-il réellement de cette valeur et devrait-elle être gardée comme telle ?
            Un bref rappel du cadre dans lequel cette solidarité a vu le jour pourrait nous aider à mieux la cerner. En effet, elle est née dans le cadre de la vie villageoise traditionnelle. L’éducation se faisait par classes d’âge. Toutes les personnes de la même génération se devaient donc assistance. Cette assistance s’étendait à toutes les activités de la vie villageoise (travaux champêtres, construction des cases, la chasse, pêche…). Entre les différentes générations, il existait également un devoir d’assistance. Ainsi, la société villageoise pouvait assister ses membres les plus faibles (les vieillards, les malades et les plus jeunes) et l’éducation être l’œuvre de toute la communauté. Il s’agissait d’une espèce de sécurité sociale qui assurait à chaque membre de la société l’assistance dont il avait besoin.
            Cette solidarité faisait partie des institutions qui participaient à la bonne marche de la société villageoise ; il faut remarquer que l’obligation de cette assistance ne s’étendait qu’aux membres de la société villageoises, ce qui faisait qu’elle ne tenait qu’au sein du clan, de l’ethnie ou de la tribu. Le commerce qu’on entretenait avec les autres dépendait d’autres critères.
            De nos jours, un autre élément et non des moindres a vu le jour. Une autre forme de vie a vu le jour avec le développement des villes. Il y a désormais un brassage des populations. On ne vit plus dans le cocon tribal. Cela a donné naissance à un délitement du tissu social. Les différents individus ont l’impression de se trouver dans un milieu hostile en ville ; ils essaient de se regrouper par ethnies. Une sorte de regroupement par affinité voit le jour, ayant pour critère l’appartenance ethnique ou tribale. Malgré cela la solidarité ne marche plus exactement comme au village. Le système économique de la ville est différent de celui qui était en vigueur dans les villages et forcément, cela agit sur les rapports des uns aux autres. Il faut maintenant gagner sa vie autrement. La famille nucléaire a commencé à prendre une importance beaucoup plus grande que celle qu’elle avait auparavant.
            Malgré les changements que la vie sociale moderne a connus, l’ethnie ou la tribu restent encore la protection sur laquelle les individus peuvent compter, l’Etat ayan démissionné sur le plan de la sécurité de tous dans la plupart des pays en Afrique (sécurité sur tous les points de vue, alimentaire, physique, sanitaire…). Du coup, les autres structures de solidarité ont du mal à se développer ; les syndicats et les différentes corporations qui devaient être des points sur lesquels devraient s’appuyer tout effort de naissance des nations se trouvent infectées par les divisions claniques, ethniques ou tribales. Ce désir sécuritaire fera que le népotisme se retrouvera jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat. Tout le monde parle de solidarité africaine mais en réalité, c’est une solidarité de la tribu, de la famille.
            Si l’Afrique veut faire de la solidarité une valeur universelle, il y a un grand chantier qui doit s’ouvrir. Il faut être capable de décloisonner les tribus pour mettre en place de vraies nations. La solidarité africaine doit être capable de dépasser le microcosme de la tribu pour s’étendre à la nation, voire à l’humanité.
            La solidarité africaine n’est pas un passé, mais c’est la mémoire d’un avenir à inventer. C’est un défi pour tout africain ; à nous de le relever !

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