Dans tous les discours à propos des valeurs, on fait
toujours l’éloge de la solidarité africaine. On en fait une panacée qu’on
voudrait exporter sur tous les autres continents. Qu’en est-il réellement de
cette valeur et devrait-elle être gardée comme telle ?
Un bref rappel du cadre dans lequel cette solidarité a vu
le jour pourrait nous aider à mieux la cerner. En effet, elle est née dans le
cadre de la vie villageoise traditionnelle. L’éducation se faisait par classes
d’âge. Toutes les personnes de la même génération se devaient donc assistance.
Cette assistance s’étendait à toutes les activités de la vie villageoise
(travaux champêtres, construction des cases, la chasse, pêche…). Entre les
différentes générations, il existait également un devoir d’assistance. Ainsi,
la société villageoise pouvait assister ses membres les plus faibles (les
vieillards, les malades et les plus jeunes) et l’éducation être l’œuvre de
toute la communauté. Il s’agissait d’une espèce de sécurité sociale qui
assurait à chaque membre de la société l’assistance dont il avait besoin.
Cette solidarité faisait partie des institutions qui
participaient à la bonne marche de la société villageoise ; il faut
remarquer que l’obligation de cette assistance ne s’étendait qu’aux membres de
la société villageoises, ce qui faisait qu’elle ne tenait qu’au sein du clan,
de l’ethnie ou de la tribu. Le commerce qu’on entretenait avec les autres
dépendait d’autres critères.
De nos jours, un autre élément et non des moindres a vu
le jour. Une autre forme de vie a vu le jour avec le développement des villes.
Il y a désormais un brassage des populations. On ne vit plus dans le cocon
tribal. Cela a donné naissance à un délitement du tissu social. Les différents
individus ont l’impression de se trouver dans un milieu hostile en ville ;
ils essaient de se regrouper par ethnies. Une sorte de regroupement par
affinité voit le jour, ayant pour critère l’appartenance ethnique ou tribale. Malgré
cela la solidarité ne marche plus exactement comme au village. Le système économique
de la ville est différent de celui qui était en vigueur dans les villages et
forcément, cela agit sur les rapports des uns aux autres. Il faut maintenant
gagner sa vie autrement. La famille nucléaire a commencé à prendre une
importance beaucoup plus grande que celle qu’elle avait auparavant.
Malgré les changements que la vie sociale moderne a
connus, l’ethnie ou la tribu restent encore la protection sur laquelle les
individus peuvent compter, l’Etat ayan démissionné sur le plan de la sécurité
de tous dans la plupart des pays en Afrique (sécurité sur tous les points de
vue, alimentaire, physique, sanitaire…). Du coup, les autres structures de
solidarité ont du mal à se développer ; les syndicats et les différentes
corporations qui devaient être des points sur lesquels devraient s’appuyer tout
effort de naissance des nations se trouvent infectées par les divisions
claniques, ethniques ou tribales. Ce désir sécuritaire fera que le népotisme se
retrouvera jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat. Tout le monde parle
de solidarité africaine mais en réalité, c’est une solidarité de la tribu, de
la famille.
Si l’Afrique veut faire de la solidarité une valeur
universelle, il y a un grand chantier qui doit s’ouvrir. Il faut être capable
de décloisonner les tribus pour mettre en place de vraies nations. La
solidarité africaine doit être capable de dépasser le microcosme de la tribu
pour s’étendre à la nation, voire à l’humanité.
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