mardi 26 octobre 2021

TCHAD : Une lecture naïve des événements de Koumra après l’accord du 15 octobre (par Pascal Djimoguinan)

           Est-ce l’épilogue de l’accord de Koumra du 15 octobre ? Par un décret datant du 25 octobre 2021, le Ministère de l’Administration du Territoire et de la décentralisation du Territoire nomme une nouveau Gouverneur de la province du Mandoul alors que l’ancienne est appelée à d’autres fonctions. Que faut-il en dire ?

          D’emblée, on pourrait dire que la sanction administrative a suivi la faute commise par l’ancienne gouverneur du Mandoul. Cela dit, faut-il refermer le dossier ? Une lecture naïve répondrait par l’affirmative, mais, en réalité, il ne s’agit qu’un palliatif. Pourquoi cela ?

          Pour un lecteur assidu de la vie de nos provinces, l’éviction de madame la gouverneure du Mandoul est tout simplement une manœuvre pour éliminer les effets au lieu de s’occuper de la cause. C’est casser le thermomètre au lieu de soigner la fièvre.

          L’accord de Koumra qui a été annulé et qui a causé le départ de la gouverneure du Mandoul voulait régler les tensions entre les différentes communautés dans la province. La maladresse de l’accord vient du fait que la dia a été retenue malgré les textes de la République. Annuler l’accord et relever la gouverneure de ses fonctions pour en nommer un autre ne résout pas le problème. Il y a en fait deux problèmes qui se sont entrecroisés ici. D’un côté, la « dia » pour régler les homicides, et de l’autre, les conflits entre les différentes communautés, exacerbés par le conflit éleveurs-agriculteurs.

          Pour la « dia », il faut renforcer le décret de 2019 et l’interdire tout simplement. Tout homicide implique l’Etat d’une manière ou d’une autre. Il n’y a pas de place pour quel que subterfuge que ce soit.

          Le conflit éleveur-agriculteur est comme un cancer qui ronge le pays de l’intérieur et son traitement d’une manière partiale ne fait créer une métastase dont le perdant est le pays tout entier. Au lieu de prendre une décision en dehors de tout contexte, il faudrait trouver une solution sur le plan national. Pour cela, il faudra commencer par créer un comité ad hoc regroupant entre autres des juristes, des géographes, des historiens, des administrateurs, des représentants des éleveurs et des agriculteurs. Que ce comité étudie le problème et propose une solution qui convienne. C’est seulement après cela qu’une décision pourrait être prise.

          En tout, le bien commun doit être recherché et conservé. Il faudrait donc que le problème de Koumra soit plus féconde pour le vivre-ensemble au Tchad.



mercredi 20 octobre 2021

De la validité de la « Dia » dans le sud du Tchad (par Pascal Djimoguinan)

           La blogosphère tchadienne est rouge, tellement elle est en hyperactivité depuis quelques jours. Ce qui la tient ainsi en émoi, c’est le fameux soi-disant accord sur le consensus des chefs coutumiers et traditionnels du Mandoul.

          Cet accord, ou consensus, aurait purement et simplement pour but de fixer le « prix du sang » dans le Mandoul lorsqu’il y a mort d’homme. Il s’agit en fait de fixer ce qui est appelé la « Dia ».

          Il est étonnant de voir que les lois de la République sont purement et simplement ignorées dans l’élaboration de cet accord. Ce qui étonne, ou plutôt ce qui détonne, c’est que l’assemblée a été présidée par la gouverneure du Mandoul qui cautionne l’accord. Il faut donc parler de l’accord Diamlar Betolngar puisque la signature de la gouverneure s’y trouve.

          Que penser de ce consensus ?

          Tout d’abord, il apparaît clairement dans ce document qu’il y a une permission de tuer ; dans les détails, on donne le prix à payer s’il s’agit d’un homicide volontaire ou d’un accident de circulation. Le prix varie entre un million cinq cent mille Fcfa et un million Fcfa (2290 euros et 1526 euros).

          Dans le fameux consensus, il n’est pas question de sanctions pénales. Cela voudrait-il dire que tout s’arrête au payement de la dia ?

          Avec la dia, la sanction n’est plus individuelle mais communautaire. Evidemment, il faut dire que les pauvres paysans du Mandoul ne seront pas capables de trouver individuellement le prix du sang, ce qui signifie que ce sera toute la communauté qui sera touchée.

          Il faut maintenant s’interroger sur cet acharnement à imposer aux populations du Sud du Tchad une coutume qui n’est pas la leur ?

          Lorsqu’on se rend compte que le conflit éleveurs/agriculteurs est récurent dans le Mandoul, ce consensus se présente comme une prise de position partiale qui ne fera qu’augmenter le sentiment d’insécurité des populations.

 Le silence du ministère de la justice et de celui de l’administration du territoire est assourdissant. Ces deux ministères doivent intervenir rapidement et remettre les choses à l’endroit. Les lois de la République doivent primer[1].


[1] L’accord de Koumra, du 15 octobre 2021, sera heureusement annulé par une lettre du Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, du 22 octobre 2021. Par la lettre, le ministre porte à la connaissance de la gouverneure qu’au regard de la réglementation des textes en vigueur en la matière, ledit accord est annulé dans tous ses effets. Cela signifie tout simplement que la gouverneure est désavouée pour le simple motif de l’ignorance des textes. La suite logique des événements ne tardera sans doute pas. La gouverneure aura-t-elle le courage de démissionner ou attendra-t-elle d’être relevée de ses fonctions ? L’avenir nous le dire.




samedi 16 octobre 2021

Tchad : Où en sommes-nous ? (Par Pascal Djimoguinan)

           Il faudra sans doute être un charlatan pour dire où va le Tchad, six mois après le décès de l’ancien président Idriss Deby Itno. Un conseil militaire dirigé par l’un de ses fils a été mis en place avec comme objectif de diriger une transition de 18 mois. A part le fait que 6 mois sont passés depuis et qu’il ne reste plus que 12 mois de transition, que peut-on dire de concret sur l’avenir du pays ?

          Un premier constat, c’est qu’on reprend les mêmes et on recommence. Cela penser aux films d’horreur où on a l’impression d’un déjà vu qui se déroule sans qu’on ne puisse l’arrêter ni avoir aucune maîtrise sur les événements.

          Le conseil national de transition qui fera office de parlement provisoire, désigné par la junte au pouvoir, a été installé depuis le 5 octobre et le président de l’ancienne Assemblée Nationale, Haroun Kabadi (oui, cela qui aurait refusé, pour cause de maladie, d’assumer son obligation constitutionnelle de prendre la place du président en cas de vacance du pouvoir) en a été désigné président par acclamation.

          Lorsque l’on sait que le président de ce parlement provisoire est en même temps est l’actuel secrétaire général du Mouvement Patriotique du Salut (MPS), le parti du défunt président, à la suite d’un congrès extraordinaire depuis le 10 juin, on voit bien que la boucle est bouclée.

          Il est difficile que quelque chose de nouveau sorte de ce scénario qui semble éprouver de l’effroi devant toute nouveauté. Que nous réserve l’avenir ? La transition prendra-elle fin.

          Si à cela, on ajoute que, pour se donner un air de respectabilité, la junte a nommé un gouvernement de transition avec un premier ministre civile, on est en droit d’être dubitatif quant à la neutralité du gouvernement qui conduira les élections qui devraient suivre la transition. Le malaise grandit quand on sait qui est le premier ministre nommé par le chef de la junte ; il s’agit d’Albert Pahimi Padacké qui était le dernier Premier ministre du président défunt, avant que ce poste ne soit supprimé.

          Devant tout cet appareil, nommé afin de rendre les choses comme elles devraient être, et un consensus qui semble se mettre en place avec l’ancienne opposition (sans donner l’impression d’être une galerie de vieillards), la société civile seule semble encore avoir la tête en place. Ainsi, en essayant d’utiliser le peu de liberté qui lui est donné, Wakit tama (avec les Transformateurs) organise des marches pour rappeler que la démocratie ne doit pas simplement être enterrée.

          Personne ne peut deviner l’avenir du Tchad mais il est temps que quelques esprits se réveillent et mettent l’intérêt du pays devant les leurs. Qui se rappelle encore que quelqu’un disait : « A vin nouveau, outres neuves ? » 




jeudi 14 octobre 2021

IN MEMORIAM : Père Jacquineau Azétzop sj (par Pascal Djimoguinan)

 
Père Jacquineau, ton voyage, le dernier, tu as décidé de l’entreprendre dans la ville éternelle. Ton dernier combat, tu l’as vécu presque seul même si tu étais entouré des esprits de tous ceux qui t’ont aimé.

Ton voyage à Douala cet été, en juillet, a permis que beaucoup puisse te rencontrer. Très peu parmi nous ne pouvions deviner que c’était le dernier adieu. C’était peut-être mieux ainsi car toutes les rencontres étaient dénuées de toute tristesse et de tout rancœur.

Que puis-je te dire ? Pas grand-chose en fait.

Je ne pourrai pas assister à tes obsèques. Tu te rappelles ? Tu as voulu que le jour de ton ordination sacerdotale, ce matin du 21 juin 2003, tu as choisi que je sois celui qui t’ai aidé à porter les habits sacerdotaux. Je ne pourrai pas être là pour poser sur ton cercueil l’étole. Mais mes prières t’accompagneront, quel que soit l’endroit où je me trouverai. Je prierai pour toi, je prierai avec toi.

Avec saint Ignace, je dis avec toi :

« Prends Seigneur, et reçois
toute ma liberté, 
ma mémoire, mon intelligence
et toute ma volonté.
Tout ce que j’ai et tout ce que je possède.
C’est toi qui m’as tout donné, à toi, Seigneur, je le rends.
Tout est à toi, disposes-en selon ton entière volonté.
Donne-moi seulement de t’aimer 
et donne-moi ta grâce, elle seule me suffit. »




dimanche 12 septembre 2021

Il faut se méfier de ceux qui font l'histoire-stop (par Pascal Djimoguinan)

             Les grands hommes qui font l’histoire, sont ceux qui s’assument et prennent leur responsabilité, en s’engageant résolument dans les combats de leur temps, à cause d’idéaux nobles qu’ils entendent défendre. On ne peut les compter sur les doigts d’une main, car pour y arriver, il faut être crédible et d’une ascèse telle que chaque journée vécue par eux est un trophée arraché dans la persévérance et la fidélité.

            Ils sont par contre légions, les hommes qui font l’histoire-stop. Ce sont ceux qui sont toujours aux aguets, prêts à bondir sur n’importe quelle situation qui favoriserait leurs intérêts mesquins. Leurs calculs ne prennent jamais en compte l’intérêt général et le bien commun est pour eux un vain mot.

            Sous nos cieux, les hommes du premier groupe ne s’engagent pas beaucoup en politique par respect de leurs principes. Ils ne sont pas prêts à des compromissions avec des gens sans foi ni loi. Ils préfèrent alors s’engager dans activités dans lesquelles ils peuvent vraiment servir les autres dans l’éthique et dans le développement de leur pays.

            Les hommes du second groupe par contre prennent la politique en otage. Ils sont nombreux à se nourrir des biens des veuves et des orphelins. Ils n’acceptent pas de laisser tomber la moindre miette pour les pauvres. Ils s’entredéchirent sur les dépouilles de ceux dont ils ont accélérer la mort.

            La politique se décline alors en bassesse et en corruption. L’honneur aura vécu. De véritables charognards se sont emparés de la chose publique.

            Il faudra sans doute une révolution pour remettre les choses en place.

mardi 24 août 2021

Tchad : Mort du président Hissène Habré (par Pascal Djimoguinan)

             Une nouvelle qui a fait rapidement le tour des chaumières au Tchad en cette matinée du 24 août 2021 : l’ex président Hissène Habré est décédé ce jour à l’âge de 79 ans à Dakar où il purgeait sa peine de prison à perpétuité. Ce décès est causé par le Covid-19 qu’il aurait contracté dans la clinique où il était soigné. Des infections nosocomiales auront finalement eu raison de ce vieux lion du désert.

            Les circonstances du décès ont été données à Radio France Internationale par le ministre sénégalais Maître Malick Sall. Habré qui était en détention se sentait mal depuis quelques jours et c’est sa femme, Raymonde, qui a donné l’alerte, demandant qu’il soit évacué dans une clinique de première catégorie : « L’administration n’était pas forcément pour, mais finalement, comme c’était pour des raisons de santé, on lui a accordé cette requête et c’est malheureusement au niveau de cette clinique-là qu’il a attrapé le Covid-19. Le chef de l’État a donné des instructions fermes immédiatement au directeur de l’hôpital et à son médecin personnel pour qu’il soit évacué à l’hôpital principal. C’est là que nous avons notre meilleur plateau médical au Sénégal, et donc il a été pris en charge immédiatement à ce niveau-là. C’est à l’hôpital principal qu’il est décédé »

            Le porte-parole du gouvernement tchadien a fait aussitôt comprendre que s’il était hors question que des obsèques nationales soient organisées puisque Habré avait été condamné pour de faits graves, l’Etat tchadien ne s’opposerait pas à ce que sa dépouille soit rapatriée si sa famille le demande.

            L’ex président a gouverné le pays de juin 1981 à décembre 1990. Son règne a été marqué par de nombreux crimes ; une commission avait recensé environ 40000 victimes. Pour cela, il avait été condamné à perpétuité à Dakar en 2016 par les Chambres africaines extraordinaires. Les charges contre lui étaient lourdes : crimes contre l'humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvement. Cette condamnation a été confirmée en appel un an plus tard.

            Hissène Habré a été une figure à controverse. Certains tchadiens le vénèrent comme un patriote qui a su tenir tête à Kadhafi et défendre l’intégrité du territoire tchadien. Pour d’autres, son régime a été synonyme de la peur, de la torture et de la mort.

            Est-ce possible que sa mort puisse réconcilier les tchadiens de tout bord ? Rien n’est moins sûr puisque l’homme, de son vivant, n’avait éprouvé aucun remord pour les victimes de son régime.

            Dans l’histoire tumultueuse du Tchad, nous pouvons dire que l’année 2021 aura vu mourir deux présidents du pays. Est-ce le prix à payer pour que revienne la stabilité ?

            Il est à espéré que cet homme aura mis à profit son temps de détention pour écrire ses mémoires qui lèveraient le voile sur tout un pan de l’histoire du Tchad. Il est donc à espérer que l’homme n’emportera pas son secret dans la tombe.

            Une leçon que tous les politiciens doivent retenir. Si Hissène Habré a été craint, s’il a régné en maître absolu pendant plusieurs années, le Tchad lui a survécu et restera encore longtemps après lui.




jeudi 19 août 2021

L'or de Karibi

     Quand nous étions plus jeunes, nous aimions bien lire les contes à l'école, en plus de ceux que nous écoutions à la maison. Il n'y avait peut-être pas la télévision mais nous avions l'imagination fertile. Parmi les livres que nous aimions plus que d'autres, il y avait bien sûr Leuk le lièvre, mais aussi Contes de la brousse et de la forêt de Davesne, librairie ISTRA. Il y avait dans ce dernier livre un conte qui nous apprenait à ne pas chercher de l'or par tous les moyens; c'est sans doute une leçon à enseigner encore aujourd'hui à nos jeunes afin qu'ils puissent avoir les armes qui nous ont aidés à affronter cette vie. Le titre de ce conte était l'or de Karibi. Je le remets ici pour ceux qui aimeraient rafraîchir leur mémoire, mais surtout pour ceux qui ne le connaissent pas encore.

 



mercredi 18 août 2021

Tchad : Et si l’on pensait l’alternance politique ? (Par Pascal Djimoguinan)

             Au Tchad, aujourd’hui plus que jamais, le soleil peut se lever. Malgré les inquiétudes qui planent, il est possible que nous ayons une alternance politique, à savoir, après le temps de la transition et du dialogue inclusif, un nouveau président avec un nouveau parti politique. Si cette alternative n’est plus chimérique, il faut commencer à penser l’après transition.

            Le chef d’Etat qui émergera de la nouvelle donne politique se trouvera en face des vrais travaux d’Hercule. Il faut rappeler que ces travaux, imposés à Hercule dans la mythologique grecque sont les suivants : 1. Le Lion de Némée, 2. L’Hydre de Lerne 3. La Biche de Cérynie 4. Le sanglier d’Érymanthe 5. Les écuries d’Augias 6. Les oiseaux du lac Stymphale 7. Le Taureau furieux crétois 8. Capturer les juments de Diomède 9. La ceinture d’Hippolyte 10. Le monstre Géryon et son troupeau 11. Le Jardin des Hespérides 12. La capture de Cerbère et la délivrance de Thésée[1].

            Si la tradition retient cette expression, c’est pour parler des difficultés des tâches à réaliser.

            Par analogie, la tâche qui attend le futur président du Tchad est énorme. Il doit s’attacher à des problèmes à tous les nouveaux et s’attendre aux plus grandes difficultés. Ce n’est pas sûr qu’il soit suivi dans cette entreprise par la population et les autres leaders politiques puisqu’il lui faudra faire le travail d’un chirurgien qui doit quelquefois amputer certains membres pour que le reste du corps puisse retrouver la santé.

            Essayons d’énumérer ces 12 travaux d’Hercule qui, à notre avis, attendent qu’on s’attaque à eux :

1. L’armée Nationale 2. La jeunesse et l’emploi 3. La fonction publique 4. La santé publique 5. L’éducation nationale 6. L’écologie 7. Agriculteurs et éleveurs 8. Les infrastructures routières 9. Le secteur informel de l’économie, la bancarisation 10. La circulation et une vraie police routière 11. Les femmes et la protection des mineures 12. L'électricité et problèmes de l'énergie. 

Il est vrai que toucher à ces problèmes qui minent le Tchad, c’est poser le pied sur un nid de vipères et c’est pourquoi il faut un vrai courage politique à celui qui prendra les rênes de l’Etat. le projet est d'arriver à créer une communauté de destin, la Nation tchadienne. Il faudra donc trouver un Alexandre le Grand, capable de couper le nœud gordien. Wait and see.

lundi 12 juillet 2021

Les clichés du Tchad (par Pascal Djimoguinan)

 Il y a des clichés, sur le Tchad que nous avons pris l'habitude d'accepter, soit par fatigue, soit par paresse intellectuelle. Il nous faut un travail en profondeur pour les extirper, un vrai travail d'analyse pour nous en débarrasser. Sans ce travail préalable, il nous sera impossible de construire un avenir qui soit porteur. Le propre des clichés est qu'on les répète sans réfléchir, petits et grands et qu'on les prend pour acquis. Les clichés font tellement partie de nous que les abandonner serait analogue à une amputation d'un membre. Cela signifie que c'est un travail qui devra se faire avec des larmes et dans la douleur. Sommes-nous vraiment prêts à commencer ce travail? Nous sommes trop habituer à nos fantômes qui nous hantent et nous font peur. Il suffit de rappeler quelques uns de ces clichés.

1) Tous les nordistes sont des éleveurs: Non, il n'est pas vrai que tout le monde est éleveur au Nord du Tchad et que tous les sudistes sont des agriculteurs.
2) Tous les sudistes sont des ivrognes: Cette assertion n'est pas vrai. Il y a des sudistes adultes qui depuis leur naissance n'on jamais goûter à une seule goutte d'alcool. L'alcool n'est pas l'apanage du Sud du Tchad; la preuve est que pratiquement dans la plupart des régions du Tchad, qu'il s'agisse du Nord ou du Sud, il y a, dans le patrimoine, une façon traditionnel de préparer des boissons alcoolisées.
3) Les sudistes sont des esclaves: Cela n'est pas vrai du tout. S'il se trouve que dans le passé, le passage de Rabah s'est accompagné de razzia où il a fait des prisonniers qu'il a vendus après comme des esclaves, la majorité des populations du Tchad vivait libre avec des organisations politiques asses bien organisées. Si l'on parle souvent de sociétés acéphales, c'est par comparaison avec d'autres organisations très centralisées. C'était des sociétés très démocratiques qui fonctionnaient avec l'arbre à palabre, une forme de parlement populaire où les grandes décisions se prenaient par un large consensus.
4) Les musulmans ne peuvent pas s'entendre avec les sudistes: Cette affirmation est un sophisme qui se contredit elle-même. Au Sud du Tchad, il y a des populations à grande majorité musulmane (Toumac, Boa, Nyellim). Par ceux population, on peut même parler d'un islam sudiste, d'autant plus que cette religion a pris en compte les coutumes locales. Ces musulmans sudistes ont vécu en harmonie avec d'autres populations non islamisées et ont coopéré avec elles. Si un problème voit le jour aujourd'hui, c'est à cause de certaines personnes qui instrumentalisent l'islam pour d'autres fins. Il est possible d'identifier ces idéologues, et de rejeter les idées qu'ils cherchent à inoculer à d'autres.
5) Les sudistes seraient naturellement bons intellectuellement quant il s'agit de l'école occidentale: cette théorie est dangereuse car elle est ethnocentrique. Tous ceux qui prennent l'école occidentale peuvent faire des bonnes études, qu'ils soient du Nord ou du Sud. La science ne fait pas de discrimination. Il faut donc encourager et développer l'école dans tout le pays. Le bénéfice ne sera que pour le Tchad.
Il y a ainsi des clichés qui sont tenaces, mais nous pouvons les identifier et lutter contre eux pour construire un Tchad plus fraternel et plus convivial.

samedi 29 mai 2021

Non, le Tchad n'est pas un conte de fée. (par Pascal Djimoguinan)

         De nombreux tchadiens sont endormis, attendant comme une délivrance, le réveil avec quelques miettes pour tromper leur faim. A ceux-là, j’ose dire que le Tchad n’est pas un conte de fée.

            Non, le Tchad n’est pas un conte de fée, où il suffit d’attendre une arrivée magique qui changera tout par des incantations magiques. Ce n’est ni le monde de la « dame au bois dormant », ni de « Blanche Neige et les sept nains », ni d’ailleurs celui de « Cendrillon ». Sans doute est-ce un même temps le temps de décoloniser les esprits pour créer une mémoire collective plus tropicalisée.

            Non, le Tchad n’est pas un conte de fée. Cela suffit, ce langage « d’eux » d’un côté et de « nous » de l’autre côté. Il s’agit désormais d’être des partenaires égaux dans l’élaboration des idéaux de la Nation. Il n’est plus côté, la masse travailleuse, appelée complaisamment « Laoukoura » et de l’autre, celle qui jouit des fruits du travail.

            S’il te plaît, dessine-moi le Tchad. Je ne veux plus de ce Tchad qui ressemble étrangement à un fantôme sorti du roman du camerounais Eza Beto avec un Tanga Nord et un Tanga Sud[1]. Non, ce n’est pas de cette caricature que je veux, représentant un Tchad du Nord avec des nantis, disposant de tous les pouvoirs et de toutes les richesses, et d’un Tchad du Sud avec des zombis, tendant la main pour ramasser les miettes que laisse tomber avec condescendance.

            Voici venu le temps de redresser la tête, non pour revendiquer, mais pour exiger justice et équité. Nous sommes tous tchadiens et notre fierté est de partager ensemble un même pays. Que le mérite soit valorisé, et que le travail bien fait soit récompensé. Pour cela il faut sortir de l’organisation du Tchad en maffia, menée par un parrain à qui tout est permis.

            Non, le Tchad n’est pas un conte de fée. C’est un pays réel et la dure réalité doit être affrontée par tous pour qu’ensemble, ses habitants pour goûter au fruit de leur ouvrage. Oui, peuple tchadien, debout et à l’ouvrage. N’est-ce pas que ta liberté naitra de ton courage ? Qu’est-ce que cela signifie ? Sans doute que tu ne dois pas attendre comme une grâce le réveil de la botte[2].

            Non, le Tchad n’est pas un conte de fée. Mais toi tchadien, as-tu ta fierté ? Es-tu capable d’exiger ton droit ? Es-tu capable de travailler à ce que ton pays sorte de la médiocrité ? Es-tu capable d’exiger que ton pays soit un pays de droit, régi par des textes fondamentaux qui ne doivent pas être foulés au pied ? Es-tu capable d’exiger que soit banni à jamais de ton quotidien l’expression « katkat sakit » ?

            Non, le Tchad n’est pas un conte de fée, mais un pays d’hommes et de femmes capables d’exiger et de vivre leurs droits.



[1][1] Eza Boto, Ville cruelle, Présence africaine, 1954

[2] Paul Niger, ,Je n’aime pas cette Afrique

lundi 10 mai 2021

Tchad : cartes sur table (par Pascal Djimoguinan)

             Au Tchad, nous avons mal de vivre ensemble ! il nous faut faire face à ce problème ensemble afin de trouver une solution pérenne. Nous n’avons jamais voulu passer à l’électrochoc qui révélerait nos pensées les plus secrètes, et nous montrerait là où cela fait le plus mal.

            Nous avons toujours voulu passer par la méthode douce, cherchant des remèdes de surface car nous savons qu’une psychologie des profondeurs ferait remonter ces secrets de familles que personnes ne veut entendre.

            Notre péché originel est que nous sommes soit du Nord, soit du Sud avant d’être tchadien. Il ne s’agit pas là d’une distinction géographique. Il s’agit plutôt d’une nébuleuse idéologique qui se trouve à la base de toute réflexion et de tout agir sociopolitique. Nous avons ici affaire à une donnée anthropologique inhérente à la tchaditude et qu’il faudra éradiquer.

            Notre vérité dépend donc de cette donnée qui nous colle à la peau et nous n’arrivons pas à prendre assez de distance pour décider librement. Faudra-t-il imaginer un rêve comme celui de Martin Luther King pour penser un Tchad où les enfants d’aujourd’hui pourront vivre ensemble sans penser à leurs origines, qu’ils soient du Nord, du Sud, de l’Est ou de l’Ouest, un Tchad où ils décideront de leur vivre ensemble sans tenir compte des clivages religieux, sociaux, économiques.

            Pour arriver à ce Tchad auquel nous rêvons tous, il nous faut faire un travail en profondeur pour extirper le soupçon qui se trouve à la base de toutes nos entreprises. Nous devons nous rendre compte que la vérité n’existe pas déjà toute faite et qu’elle appartient à un camp qui doit la monnayer aux autres.

            Il y a un très long chemin que nous devons tous faire ensemble pour construire ensemble cette solution dont nous sommes orphelins. Mais sur ce chemin, nous devons jouer cartes sur table et ne pas faire économie de certaines questions incontournables et quelquefois pernicieuses.

            Quel est le contentieux qui a créé cet imaginaire collectif que nous appelons Nord et Sud ?

            Nous savons qu’il y a des revendications qui ont donné naissance au Frolinat. Il y a eu dès le départ des malentendus qui n’ont jamais été élucidés (est-ce par pudeur ou par intérêt ?).

            Le Frolinat a été aux affaires pendant plusieurs décennies. A-t-il réussi à corriger les erreurs qui ont été à l’origine de sa création ? Sinon, où se situerait l’illusion politique à exorciser ?

            Qu’y a-t-il entre les originaires de la « zone méridionale » et ceux du pays adjaray ? Pourquoi ne se sentent-ils pas un destin commun à construire ensemble ? Il devrait y avoir une collaboration plus franche et plus solidaire entre ces deux groupes et on pourrait même dire que le destin du Tchad en dépend. Quand on y regarde de près, il y a plus de choses qui devraient les unir que des choses qui les séparent.

            Quel contentieux existe entre le Mayo Kebbi (ou les deux Mayo Kebbi) et les autres habitants de la « zone méridionale » ? Il faudrait se poser la question en toute objectivité pour arriver à crever l’abcès une fois pour toute. A quoi doit-on cette méfiance réciproque ? Il faudra donc être capable de se parler les yeux dans les yeux, énoncer les maux qui fâchent et tenter d’y remédier. Quel que soit le contentieux, les torts doivent être partagés et il faudra l’aborder dans un esprit de dialogue constructif. Le Tchad vaut plus que nos petits egos régionaux et nous devrons être prêts à faire des sacrifices pour que quelque chose de solide puisse se construire.

            Nous devons dépasser nos prises de partis partisanes pour arriver à une idée plus transversale du Tchad. Nous avons du pain sur la planche et il n’y a plus de temps à perdre. Construisons ensemble le Tchad de demain.



jeudi 29 avril 2021

Le Tchad à la croisée des chemins (par Pascal Djimoguinan)

Le Tchad est arrivé à un moment de son histoire où il se trouve pratiquement à la croisée des chemins. Tout peut, à tout moment basculer, soit dans l’innommable, soit dans a concorde nationale.

            Il y a eu trop de choses comprimées, la violence, la haine, la rancune, les frustrations, de complexes.

            Lorsque l’on a cultivé trop longtemps ces sentiments, il arrive un moment où la marmite explose. Ce qui peut en sortir n’est pas beau à regarder…

            Maintenant, le Tchad doit traverser un moment de transition politique. C’est sûr que ce qui est présenté et qui se met en place ne respecte pas la constitution. Mais alors que faire ?

            La tentation est trop forte, de part et d’autre, d’utiliser la violence pour imposer ses vues.

            On a vu ressurgir les vieux démons de la peur qui divise le Nord et le Sud du pays. Et cela risque d’être exploité par des politiques en mal de s’imposer comme chefs de fils.

            Il faudra savoir gérer les émotions pour se hisser au-dessus de la mêlée. Il faut dire que les medias n’aident pas beaucoup ; on est submergé d’informations de toutes sortes et on ne prend malheureusement plus le temps de les croiser et de prendre du recul sur tout ce qu’on reçoit. La moindre rumeur a acquis un statut de vérité apodictique.

            Une nécessité s’impose. Si le combat politique a sa place dans notre société actuelle, il faut apprendre à prendre des moyens pacifiques pour le mener. La force de la non-violence a fait ses preuves de par le monde, pourquoi ne serait-il pas le cas au Tchad. Le choix de la rationalité aidera à mieux mener le combat de la liberté.

            Il faudra apprendre à utiliser la non-violence et à assumer ses choix. La force tranquille est une marée que nul ne pourra arrêter. La société civile est le rempart contre non seulement la dictature, mais aussi contre toute violence armée.

            Que la société civile et le monde politique s’unissent pour faire barrage à tout régime militaire, quelle qu’elle soit. Il faut restaurer la légalité constitutionnelle et que les civiles dirigent la transition pour mener vers des élections libres et démocratiques.

            Il ne s’agit en aucune façon d’un rejet des militaires. Les militaires ne doivent s’occuper que de ce qu’ils savent si bien faire : assurer la défense des frontières et l’intégrité du pays.

            Que la raison mène les choses et que le dialogue inclusif si recherché voit le jour, sans que personne ne soit pris en otage par les armes, d’où qu’elles viennent.

            Peuple Tchadien, te voici à la croisée des chemins. Ne tremble pas, que ton choix soit clair. Non à la violence, non à tout régime militaire, oui à la légalité constitutionnelle, oui au dialogue inclusif.

Que Dieu sauve le Tchad ! 

vendredi 23 avril 2021

Tchad : figure libre : ne perdons pas nos repères (par Pascal Djimoguinan)

             Il est toujours difficile de déterminer où commence l’humanité. Quels gestes font qu’à partir d’un certain moment, on puisse dire qu’il y a de l’homme dans un être ? Cette question ne sera sans doute jamais tranchée d’une manière définitive.

            Il y a cependant quelque chose qui se retrouve pratiquement dans la plupart des groupes humains. C’est le respect des hommes. Quel que soit ce qu’un homme ait été dans sa vie, la décence voudrait que lorsqu’il passe à trépas, une sorte de consensus tacite fasse que l’on se taise pour attendre son inhumation.

            D’aucuns me diraient que certains hommes n’ont pas eu ce respect pour d’autres alors il ne faudrait pas en avoir pour eux. Je m’inscris en faux contre cette idée. Il faut toujours savoir être digne et ne pas s’abaisser jusqu’à l’innommable pour la simple raison que d’autres l’ont fait.

            J’aime bien l’histoire d’Achille et d’Hector. Tout opposait ces deux hommes. L’un était un prince grec, l’autre troyen. Ils étaient en guerre. La pire des choses qui arriva fut qu’Hector tua Patrocle, l’ami intime d’Achille. Plein de fureur, Achille tue Hector. Il attache son cadavre à son char et le traine vers le camp grec. Tout en trainant le cadavre, Achille fait trois fois le tour du tombeau de Patrocle.

            Achille ne veut pas rendre le corps d’Hector aux troyens. Priam le vieux père d’Hector vient dans le camp grec supplier Achille de lui rendre le corps de son fils. Achille se laissera toucher et rendra le corps de son ennemi.

            La guerre peut être coriace mais l’humanité peut la surpasser.

            Le président Deby est mort. Quel que soit ce qu’il ait été dans sa vie, il est possible de trouver quelque chose de bon. Dépassons l’homme qu’il a pu être, respectons la fonction qu’il a occupée.

            Maintenant il ne s’agit pas de se battre comme des chiffonniers, mais d’obtenir que l’ordre constitutionnel soit rétabli. Pour cela, on peut utiliser tous les moyens démocratiques qui existent. Comme le disait quelqu’un, « Notre silence n’est pas un signe de faiblesse. »

            Aucun tchadien ne devra baisser les bras tant que l’ordre constitutionnel n’est pas rétabli. Tous pour un dialogue inclusif et une transition dirigée par des civiles. Que Dieu sauve le Tchad !




vendredi 16 avril 2021

Tchad / Ce que je pense : « alternance armée ou démocratique » ? (par Pascal Djimoguinan)

 (La réflexion qui suit n’engage que son auteur. Elle fait état de ses propres principes et engagement sociétal. Toute autre personne a le droit de penser autrement. Il faut avoir le courage d’exprimer librement ses points de vue).

            Au Tchad, les vieux démons ont la vie dure. Dans l’opposition politique il y a toujours une frange qui est toujours prête à recourir aux armes pour forcer une alternance armée au sein de l’Etat.

            Ce qui est étonnant, c’est que les expériences du passé n’enseignent pas. Chaque nouvelle rébellion armée qui s’engage à prendre le pouvoir, oublie que d’autres l’ont fait avant elle, et qu’après, il en aura d’autres qui essayeront de le faire. Il n’y a pas de garanti que cela cesse.

            Le peuple pour lequel on veut prendre le pouvoir, personne ne se soucie. Les combats qui peuvent avoir lieu ne peuvent que lui être sinon fatals, du moins porteront atteinte à son intégrité physique et morale, sans qu’on ait l’assurance que le nouvel ordre soit meilleur que l’ancien.

            Pourquoi faut-il toujours qu’au Tchad, la politique cède le pas aux armes ? Est-ce ici le signe d’un manque de maturité politique ? Pourquoi les armes sont-elles incapables de se taire une fois pour toute au Tchad ? Un proverbe dit : « Qui a bu, boira ».

            Les tchadiens sont sans doute incapables d’aborder les vrais problèmes par les dialogues et essaient de tout résoudre par les armes. Ils oublient le vieil adage qui dit que « l’on peut tout faire avec une baïonnette, sauf s’asseoir dessus ». Les tchadiens veulent faire croire au monde entier qu’ils peuvent s’asseoir sur une baïonnette.

            Et pourtant, pour une fois, la société civile, l’engagement citoyen, la désobéissance civile et les marches militantes ont fait bouger le paysage politique au Tchad. Les conséquences sont fructueuses si l’on sait les cueillir. Or, une insurrection militaire ou un coup de force viendront anéantir tout l’effort fourni.

            Stricto sensu, on ne peut pas user des armes et se déclarer démocrate. On suppose que le bon sens étant la chose la mieux partagée, le principe de non-contradiction et du tiers-exclu est bien assimilé.

            Un citoyen ne devrait pas utiliser des armes contre son pays. Il ne devrait pas tirer sur ses concitoyens. Une guerre fratricide est toujours quelque chose à déplorer.

            A mon avis, le combat politique devrait continuer. Les vraies victoires sont celles des idées et non celles des armes. Le Tchad devrait être capable de « penser sans les armes ». Tel est le grand défi du peuple tchadien.


mardi 13 avril 2021

Tchad : 13 avril 1975 - 13 avril 2021 (par Pascal Djimoguinan)

 13 avril 1975, un coup d’Etat sanglant renverse le premier président du Tchad, François Tombalbaye alias Ngarta. La raison principale étant de mettre fin à une dérive dictatoriale et de prôner la réconciliation nationale pour rebâtir le Tchad.

46 ans après, peut-on déjà en faire l’inventaire ? D’aucuns diraient qu’on a assez d’éléments pour le faire, d’autres, que le temps des Etats n’est pas le même pour la vie des hommes et qu’il serait trop tôt pour tirer des conclusions.

Nous ne ferons donc pas l’inventaire. Nous revisiterons tout simplement le temps passé.

A la suite du coup d’Etat, la Compagnie Tchadienne de Sécurité (CTS qui était la garde rapprochée de Tombalbaye), a été dissoute et ses membres dispersés dans les différents corps d’armée et de la gendarmerie et de la police.

La constitution a été suspendue, ainsi que le parlement. Un haut conseil des militaires, le Conseil Supérieur Militaire (CSM) dirige le pays pendant trois ans avant de signer un accord avec le CCFAN (Conseil de Commandement des Forces Armées du Nord) d’Hissein Habré qui devient le Premier ministre du Tchad et une Charte Fondamentale. Mal préparés ou plutôt incompétents, les militaires seront très vite dépassés par Hissein Habré plus rusé et plus habile. Ce sera la confrontation du 12 février 1979. Va commencer un long temps d’instabilité où le Tchad connaître jusqu’à 11 tendances politico-militaires qui mettront le pays à genoux.

Hissein Habré parviendra à chasser tout le monde et prendra le pouvoir en 1979 avec ses Forces Armées du Nord (FAN) de triste mémoire. Fin stratège, il saura manier le bâton et la carotte et parviendra à museler toute opposition. Ce sera une chape de fer qui recouvra le pays. Sa fameuse police politique, la DDS (la Direction de la Documentation et de la sécurité) l’aidera à administrer dans la terreur. Quand Habré sera chassé du pouvoir en 1990, on comptera jusqu’à 40000 victimes de son régime.

Il sera renversé par l’un de ses lieutenants, Idriss Deby Itno qui ne promet aux tchadiens ni or, ni argent mais leur apportera la démocratie. Dans la foulée, une Conférence Nationale Souveraine se tiendra en 1993. Une effervescence politique aura lieu au Tchad mais très vite, le train-train habituel avec la mainmise du parti au pouvoir sur la chose publique. C’est presque le règne d’un parti-Etat, le MPS (Mouvement Patriotique du Salut). L’opposition est divisée et ne se fait pas beaucoup entendre, faute de moyen ou faute de courage (l’avenir nous le dira).

Un constat, depuis, aucun homme politique de taille n’a pu émerger. Depuis 30 ans le président Idriss Deby est au pouvoir. Il vient d’achever 6 mandats et est en train de briguer un sixème.

Que faut-il garder de cette date ? On ne pourra voir que du gâchis. Beaucoup n’en sont encore qu’à vouloir prendre le pouvoir par les armes. Quel Tchad sera l’héritage de la future génération ?



lundi 12 avril 2021

Tchad : Où en sommes-nous après le premier tour des élections ? (par Pascal Djimoguinan)

 Pour parler la situation qui prévaut au Tchad aujourd’hui après les élections, Shakespeare qui a le don des formules dirait tout simplement : « too much ado about nothing » ; formule assez sibylline que le français traduirait simplement par une formule non moins sibylline : « La montagne qui accouche d’une souris ».

Le paysage qui s’étend sous nos yeux après le premier tour des élections du 11 avril 2021 ressemble, à s’y méprendre, à celui d’un champ de bataille le lendemain d’un combat ou le carnage a eu lieu. Chacun compte ses morts et il n’est pas temps de parler de vainqueur ou de vaincus car tous sont dans les affres de la mort. S'il faut parler de victoire, on parlerait de la victoire à la Pyrrhus.

Un seul constat pour le moment. Le roi est nu, vive le roi.

Les jours à venir risquent d’être pleins de surprises d’un camp à l’autre. Croisons les doigts et attendons que la raison prenne le dessus.

L’avenir porte le possible et tout est ouvert. Le seul problème est de savoir quelle inflexion sera donnée aux choses. Entre le « Je vous ai compris » des forts et le passage en force des sourds, il y a beaucoup d’autres possibilités.

Ni Cassandre, ni pythie de Delphes, je ne voudrais m’engager dans des prédictions ; d’autres possèdent des boules de cristal et n’hésiteront pas à inonder les réseaux sociaux de quoi demain sera fait.

Faisons confiance à la politique !




samedi 10 avril 2021

Ce qui reste du Tchad en 2021 en 10 questions (par Pascal Djimoguinan)

 

Que reste-t-il du Tchad en 2021 ? Faut-il en rire ou en pleurer ? Je pencherai pour la seconde option car il s’agit d’un sujet trop sérieux pour un simple rire narquois ; bien qu’à certains moments, l’ironie puisse faire l’affaire. En 10 questions, on pourrait brosser la situation.

1 – Que penser du boycott que certains partis proposent pour l’élection présidentielle ?

Il ne s’agit pas là d’une solution. La réponse ne peut être que lapidaire. La population n’étant pas préparée et la nature ayant horreur du vide, les électeurs désorientés deviennent facilement des proies faciles. Il ne leur reste plus qu’à monnayer leurs voix. A qui profite le crime ?

2 – Pourquoi la campagne électorale a-t-elle fait apparaître un paysage politique monochrome, dominé par un seul parti ?

Un proverbe tchadien dit : « il ne faut pas attendre le jour de la guerre pour tresser son bouclier ». Il y a sûrement un problème de programmation pour l’opposition démocratique. On n’attend pas le temps de la campagne électorale pour se préparer aux élections. Ici au Tchad, c’est 5 ans avant les élections présidentielles qu’il faut les préparer, c’est-à-dire pendant tout le mandat de celui qui est au pouvoir. L’opposition s’est laissé distraire par d’autres problèmes notamment par la longue législature où chaque député se complaisait de ses avantages sans penser à l’avenir.

3 – Pourquoi l’opposition démocratique a-t-elle été incapable de s’unir face au candidat sortant ?

Il faut dire que les leaders de l’opposition tchadienne ont un ego surdimensionné. Ils n’ont pas le sens du sacrifice. Chacun d’eux s’estime être le seul à pouvoir gouverner le pays. Chacun veut être « calife à la place du calife. » Cette vision des choses, ou plutôt cette non-vision fait que la stratégie que chacun d’eux a adoptée est « ou bien c’est moi, ou bien c’est le chaos ». Chaque leader de l’opposition tchadienne préfère garder au pouvoir le candidat sortant plutôt que de laisser un autre opposant gagner les élections.

4 – Que penser de la jeunesse dans l’arène politique tchadienne.

C’est un fait positif que la jeunesse semble se réveiller et se rendre compte de son poids politique. Cependant, elle doit encore apprendre. Son énergie à s’engager est annulée par sa naïveté. Elle se trouve ainsi être un pion que les uns et les autres utilisent. Lorsqu’elle aura mieux appris et qu’elle sera plus mûre, elle deviendra un faiseur de rois.

5 – Que dois maintenant faire l’opposition ?

Le péché originel de l’opposition après les différentes élections est de ne penser qu’à partager le gâteau. L’opposition peut-elle au moins une fois s’asseoir et penser une stratégie de sortie de crise sans se laisser attirer par les sirènes de l’intérêt immédiat ? Chaque parti politique de l’opposition doit capable d’adhérer à une charte commune de l’opposition qui doit avoir pour but de redessiner le paysage politique tchadien.

6 - Que pouvons-nous attendre du prochain mandat présidentiel ? En définitive rien. Faute de réelle concurrence pendant cette campagne présidentielle, il n’y a pas eu de bilan. Les cinq prochaines années vont continuer comme si de rien n’était, avec ses délestages intempestifs, l’impunité jusqu’au somment de l’Etat, une corruption rampante, le conflit exacerbé entre éleveurs et agriculteurs, l’éducation en dents de scie...

7 - Pourquoi tant de pessimisme pour le Tchad? Il ne s’agit en aucune manière de pessimisme politique. Il s’agit plutôt d’un réalisme éclairé. Il est temps pour les tchadiens de se réveiller de leur sommeil dogmatique. Le réveil risque d’être douloureux car il ‘agit pour eux s’atteler à nettoyer les écuries d’Augias.

8 - N’y a-t-il vraiment aucune chance que le soleil ne se lève au Tchad? Si. Le soleil a failli se lever à la suite de la Conférence Nationale. Le soleil peut encore se lever si le président de la République, après son élection, fait montre d’un courage politique en allant vers un dialogue politique sincère et s’il accepte de lâcher du lest, mais...

9 - Pourquoi mais? Au Tchad il faut toujours tenir compte de multiples variables. Le président pourrait-il prendre un peu de distances avec ses parrains occidentaux qui l’embrassent pour mieux l’étouffer dans la lutte contre les djihadistes ? Pourrait-il se libérer du piège de son clan qui sait si bien manier à son égard le bâton et la carotte? Pourrait-il vraiment désirer construire la Nation? C’est la seule issue qui pourra lui assurer la pérennité. Qu’il ait l’intelligence politique de la suivre.

10 - Un mot pour la fin? Dans l’histoire des peuples, il y a toujours une place pour la liberté humaine on aura beau fait des analyses, on aura beau pris en compte les différentes conjectures, on ne pourra attacher la destinée d’un peuple à un déterminisme de fer. Il y a toujours un peu de place à l’ivresse, à la folie et on ne sait où cela peut conduire. L’avenir des hommes reste toujours ouvert et c’est sur cette note d’optimisme que je préfère finir mon propos. L’avenir du Tchad reste ouvert.

 

Affaire à suivre !




mardi 30 mars 2021

Cri du cœur pour Tchad 2021 (par Pascal Djimoguinan)

 Je voudrais que le vent puisse porter au-delà des cimes des arbres et des faites des montagnes, la rage de mon cœur. Je voudrais que mes mots portent mes maux par-delà les monts et les vaux et que ce qu’il en reste puisse encore retentir quand mon pauvre corps mortel aura disparu.

Tout le monde parle maintenant des élections et c’est maintenant qu’on s’ingénue à trouver la solution à tous les problèmes qui rongent le Tchad.

C’est la pire des insultes qu’on puisse adresser à notre pays. Sachez d’abord que le Tchad n’est pas un zombie qui ne se réveille que pendant les temps des élections.

L’opposition dite démocratique commence tout juste à gesticuler comme si elle venait de découvrir les problèmes qui minent le Tchad. Les élections législatives devaient avoir lieu depuis 2015, à la fin de la fin d’un mandat de cinq ans. Cela n’a pas été le cas et l’opposition, a préféré s’endormir pour ne pas perdre ses avantages. Ses députés se sont bien repus, tels des boas. Le problème est que celui qui dort ne sait pas ce qui se passe autour de lui. Ce que vous découvrez maintenant, le peuple l’a vu et la dénoncé pendant que vous profitiez des largesses du prince. Ne distrayez pas le peuple maintenant car tout le monde sait que vous êtes prêts à rempiler pour un autre mandat, en récompense pour votre silence complice.

Pour le parti majoritaire au pouvoir aurait beau jeu de dire que les cartes sont distribuées équitablement et que le jeu peut commencer. N’oubliez pas que vous aviez promis en arrivant, la liberté. Que mettiez-vous derrière ce concept ?

Pourriez-vous avoir la décence de respecter les gens dans leur misère ? Cela fait mal au cœur de voir cet étalage de luxe dans cette campagne où vous êtes seuls à occuper le paysage médiatique.

Que promettez-vous au gens ? Le seul miracle que le peuple tchadien attend, c’est d’avoir une vie ordinaire normale.

Savez-vous quand même que dans ce pays, il n’y a guère l’électricité ? Je ne parle pas de ce que nous pouvons avoir quelquefois la nuit. L’électricité, ce n’est pas seulement la lumière. C’est toute cette énergie qu’il faut savoir gérer pour que la chaîne du froid ne puisse pas être rompue et que toutes les autres activités puissent continuer sans interruption.

Savez-vous que l’école tchadienne devient de plus en plus un lieu où on forme des ignorants ? Les élèves peuvent arriver classe de 3ème sans savoir lire. En plus avec ce système où il n’y a pas de redoublement de classes ni d’examens à la fin du CM2, il n’y a pas de suivi et les élèves sont abandonnés à eux-mêmes.

Le pays n’a pas d’hôpitaux ni de centres de santé qui fonctionnent. Puisque le corps soignant est en grève, les malades crèvent sans personne pour les prendre en charge.

Je vous assure que dans cette campagne, vous ne devriez pas parler. Vous avez épuisé toutes vos réserves de promesses non tenues. Pour une fois, écoutez les gens pour savoir quels sont les besoins des gens. Ecoutez ce peuple sans cœur qui écoute vos discours qui sont comme un opium qui viendrait comme un palliatif adoucir sa mort lente.

Ce peuple n’a pas besoin de colmatage qui consiste à ramasser des gens par ethnie dans le gouvernement. Il a besoin de gens compétents et non partisans qui travaillent pour l’intérêt commun.

Avez-vu seulement su que pendant plus de 30, la cohabitation pacifique n’est devenue qu’un vain mot et que les éleveurs et les agriculteurs sont en situation de guerre larvée avec de temps en temps, des montée d’adrénaline ?

Quel Tchad pour demain ? Qui saurait dans ce pays répondre à cette question ? D’ailleurs, y-a-t-il une réponse à cette question ?