Que reste-t-il du Tchad en
2021 ? Faut-il en rire ou en pleurer ? Je pencherai pour la seconde
option car il s’agit d’un sujet trop sérieux pour un simple rire
narquois ; bien qu’à certains moments, l’ironie puisse faire l’affaire. En
10 questions, on pourrait brosser la situation.
1 – Que penser du boycott que
certains partis proposent pour l’élection présidentielle ?
Il ne s’agit pas là d’une
solution. La réponse ne peut être que lapidaire. La population n’étant pas
préparée et la nature ayant horreur du vide, les électeurs désorientés
deviennent facilement des proies faciles. Il ne leur reste plus qu’à monnayer
leurs voix. A qui profite le crime ?
2 – Pourquoi la campagne
électorale a-t-elle fait apparaître un paysage politique monochrome, dominé par
un seul parti ?
Un proverbe tchadien
dit : « il ne faut pas attendre
le jour de la guerre pour tresser son bouclier ». Il y a sûrement un
problème de programmation pour l’opposition démocratique. On n’attend pas le
temps de la campagne électorale pour se préparer aux élections. Ici au Tchad,
c’est 5 ans avant les élections présidentielles qu’il faut les préparer,
c’est-à-dire pendant tout le mandat de celui qui est au pouvoir. L’opposition
s’est laissé distraire par d’autres problèmes notamment par la longue
législature où chaque député se complaisait de ses avantages sans penser à
l’avenir.
3 – Pourquoi l’opposition
démocratique a-t-elle été incapable de s’unir face au candidat sortant ?
Il faut dire que les leaders
de l’opposition tchadienne ont un ego surdimensionné. Ils n’ont pas le sens du
sacrifice. Chacun d’eux s’estime être le seul à pouvoir gouverner le pays.
Chacun veut être « calife à la place du calife. » Cette vision des
choses, ou plutôt cette non-vision fait que la stratégie que chacun d’eux a
adoptée est « ou bien c’est moi, ou bien c’est le chaos ». Chaque
leader de l’opposition tchadienne préfère garder au pouvoir le candidat sortant
plutôt que de laisser un autre opposant gagner les élections.
4 – Que penser de la jeunesse
dans l’arène politique tchadienne.
C’est un fait positif que la
jeunesse semble se réveiller et se rendre compte de son poids politique.
Cependant, elle doit encore apprendre. Son énergie à s’engager est annulée par
sa naïveté. Elle se trouve ainsi être un pion que les uns et les autres
utilisent. Lorsqu’elle aura mieux appris et qu’elle sera plus mûre, elle
deviendra un faiseur de rois.
5 – Que dois maintenant faire
l’opposition ?
Le péché originel de l’opposition
après les différentes élections est de ne penser qu’à partager le gâteau.
L’opposition peut-elle au moins une fois s’asseoir et penser une stratégie de
sortie de crise sans se laisser attirer par les sirènes de l’intérêt
immédiat ? Chaque parti politique de l’opposition doit capable d’adhérer à
une charte commune de l’opposition qui doit avoir pour but de redessiner le
paysage politique tchadien.
6 - Que pouvons-nous attendre
du prochain mandat présidentiel ? En définitive rien. Faute de réelle
concurrence pendant cette campagne présidentielle, il n’y a pas eu de bilan.
Les cinq prochaines années vont continuer comme si de rien n’était, avec ses
délestages intempestifs, l’impunité jusqu’au somment de l’Etat, une corruption
rampante, le conflit exacerbé entre éleveurs et agriculteurs, l’éducation en
dents de scie...
7 - Pourquoi tant de
pessimisme pour le Tchad? Il ne s’agit en aucune manière de pessimisme
politique. Il s’agit plutôt d’un réalisme éclairé. Il est temps pour les
tchadiens de se réveiller de leur sommeil dogmatique. Le réveil risque d’être
douloureux car il ‘agit pour eux s’atteler à nettoyer les écuries d’Augias.
8 - N’y a-t-il vraiment aucune
chance que le soleil ne se lève au Tchad? Si. Le soleil a failli se lever à la
suite de la Conférence Nationale. Le soleil peut encore se lever si le
président de la République, après son élection, fait montre d’un courage
politique en allant vers un dialogue politique sincère et s’il accepte de
lâcher du lest, mais...
9 - Pourquoi mais? Au Tchad il
faut toujours tenir compte de multiples variables. Le président pourrait-il
prendre un peu de distances avec ses parrains occidentaux qui l’embrassent pour
mieux l’étouffer dans la lutte contre les djihadistes ? Pourrait-il se libérer
du piège de son clan qui sait si bien manier à son égard le bâton et la
carotte? Pourrait-il vraiment désirer construire la Nation? C’est la seule
issue qui pourra lui assurer la pérennité. Qu’il ait l’intelligence politique
de la suivre.
10 - Un mot pour la fin? Dans
l’histoire des peuples, il y a toujours une place pour la liberté humaine on
aura beau fait des analyses, on aura beau pris en compte les différentes
conjectures, on ne pourra attacher la destinée d’un peuple à un déterminisme de
fer. Il y a toujours un peu de place à l’ivresse, à la folie et on ne sait où
cela peut conduire. L’avenir des hommes reste toujours ouvert et c’est sur
cette note d’optimisme que je préfère finir mon propos. L’avenir du Tchad reste
ouvert.
Affaire à suivre !