Au Tchad, nous avons mal de vivre ensemble ! il nous faut faire face à ce problème ensemble afin de trouver une solution pérenne. Nous n’avons jamais voulu passer à l’électrochoc qui révélerait nos pensées les plus secrètes, et nous montrerait là où cela fait le plus mal.
Nous avons toujours voulu passer par la méthode douce,
cherchant des remèdes de surface car nous savons qu’une psychologie des
profondeurs ferait remonter ces secrets de familles que personnes ne veut
entendre.
Notre péché originel est que nous sommes soit du Nord,
soit du Sud avant d’être tchadien. Il ne s’agit pas là d’une distinction
géographique. Il s’agit plutôt d’une nébuleuse idéologique qui se trouve à la
base de toute réflexion et de tout agir sociopolitique. Nous avons ici affaire
à une donnée anthropologique inhérente à la tchaditude et qu’il faudra
éradiquer.
Notre vérité dépend donc de cette donnée qui nous colle à
la peau et nous n’arrivons pas à prendre assez de distance pour décider
librement. Faudra-t-il imaginer un rêve comme celui de Martin Luther King pour
penser un Tchad où les enfants d’aujourd’hui pourront vivre ensemble sans
penser à leurs origines, qu’ils soient du Nord, du Sud, de l’Est ou de l’Ouest,
un Tchad où ils décideront de leur vivre ensemble sans tenir compte des
clivages religieux, sociaux, économiques.
Pour arriver à ce Tchad auquel nous rêvons tous, il nous
faut faire un travail en profondeur pour extirper le soupçon qui se trouve à la
base de toutes nos entreprises. Nous devons nous rendre compte que la vérité
n’existe pas déjà toute faite et qu’elle appartient à un camp qui doit la
monnayer aux autres.
Il y a un très long chemin que nous devons tous faire
ensemble pour construire ensemble cette solution dont nous sommes orphelins.
Mais sur ce chemin, nous devons jouer cartes sur table et ne pas faire économie
de certaines questions incontournables et quelquefois pernicieuses.
Quel est le contentieux qui a créé cet imaginaire
collectif que nous appelons Nord et Sud ?
Nous savons qu’il y a des revendications qui ont donné
naissance au Frolinat. Il y a eu dès le départ des malentendus qui n’ont jamais
été élucidés (est-ce par pudeur ou par intérêt ?).
Le Frolinat a été aux affaires pendant plusieurs
décennies. A-t-il réussi à corriger les erreurs qui ont été à l’origine de sa
création ? Sinon, où se situerait l’illusion politique à exorciser ?
Qu’y a-t-il entre les originaires de la « zone méridionale »
et ceux du pays adjaray ? Pourquoi ne se sentent-ils pas un destin commun
à construire ensemble ? Il devrait y avoir une collaboration plus franche
et plus solidaire entre ces deux groupes et on pourrait même dire que le destin
du Tchad en dépend. Quand on y regarde de près, il y a plus de choses qui
devraient les unir que des choses qui les séparent.
Quel contentieux existe entre le Mayo Kebbi (ou les deux
Mayo Kebbi) et les autres habitants de la « zone méridionale » ?
Il faudrait se poser la question en toute objectivité pour arriver à crever l’abcès
une fois pour toute. A quoi doit-on cette méfiance réciproque ? Il faudra
donc être capable de se parler les yeux dans les yeux, énoncer les maux qui
fâchent et tenter d’y remédier. Quel que soit le contentieux, les torts doivent
être partagés et il faudra l’aborder dans un esprit de dialogue constructif. Le
Tchad vaut plus que nos petits egos régionaux et nous devrons être prêts à
faire des sacrifices pour que quelque chose de solide puisse se construire.
Nous devons dépasser nos prises de partis partisanes pour
arriver à une idée plus transversale du Tchad. Nous avons du pain sur la
planche et il n’y a plus de temps à perdre. Construisons ensemble le Tchad de
demain.
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