mercredi 20 octobre 2021

De la validité de la « Dia » dans le sud du Tchad (par Pascal Djimoguinan)

           La blogosphère tchadienne est rouge, tellement elle est en hyperactivité depuis quelques jours. Ce qui la tient ainsi en émoi, c’est le fameux soi-disant accord sur le consensus des chefs coutumiers et traditionnels du Mandoul.

          Cet accord, ou consensus, aurait purement et simplement pour but de fixer le « prix du sang » dans le Mandoul lorsqu’il y a mort d’homme. Il s’agit en fait de fixer ce qui est appelé la « Dia ».

          Il est étonnant de voir que les lois de la République sont purement et simplement ignorées dans l’élaboration de cet accord. Ce qui étonne, ou plutôt ce qui détonne, c’est que l’assemblée a été présidée par la gouverneure du Mandoul qui cautionne l’accord. Il faut donc parler de l’accord Diamlar Betolngar puisque la signature de la gouverneure s’y trouve.

          Que penser de ce consensus ?

          Tout d’abord, il apparaît clairement dans ce document qu’il y a une permission de tuer ; dans les détails, on donne le prix à payer s’il s’agit d’un homicide volontaire ou d’un accident de circulation. Le prix varie entre un million cinq cent mille Fcfa et un million Fcfa (2290 euros et 1526 euros).

          Dans le fameux consensus, il n’est pas question de sanctions pénales. Cela voudrait-il dire que tout s’arrête au payement de la dia ?

          Avec la dia, la sanction n’est plus individuelle mais communautaire. Evidemment, il faut dire que les pauvres paysans du Mandoul ne seront pas capables de trouver individuellement le prix du sang, ce qui signifie que ce sera toute la communauté qui sera touchée.

          Il faut maintenant s’interroger sur cet acharnement à imposer aux populations du Sud du Tchad une coutume qui n’est pas la leur ?

          Lorsqu’on se rend compte que le conflit éleveurs/agriculteurs est récurent dans le Mandoul, ce consensus se présente comme une prise de position partiale qui ne fera qu’augmenter le sentiment d’insécurité des populations.

 Le silence du ministère de la justice et de celui de l’administration du territoire est assourdissant. Ces deux ministères doivent intervenir rapidement et remettre les choses à l’endroit. Les lois de la République doivent primer[1].


[1] L’accord de Koumra, du 15 octobre 2021, sera heureusement annulé par une lettre du Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, du 22 octobre 2021. Par la lettre, le ministre porte à la connaissance de la gouverneure qu’au regard de la réglementation des textes en vigueur en la matière, ledit accord est annulé dans tous ses effets. Cela signifie tout simplement que la gouverneure est désavouée pour le simple motif de l’ignorance des textes. La suite logique des événements ne tardera sans doute pas. La gouverneure aura-t-elle le courage de démissionner ou attendra-t-elle d’être relevée de ses fonctions ? L’avenir nous le dire.




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