samedi 10 avril 2021

Ce qui reste du Tchad en 2021 en 10 questions (par Pascal Djimoguinan)

 

Que reste-t-il du Tchad en 2021 ? Faut-il en rire ou en pleurer ? Je pencherai pour la seconde option car il s’agit d’un sujet trop sérieux pour un simple rire narquois ; bien qu’à certains moments, l’ironie puisse faire l’affaire. En 10 questions, on pourrait brosser la situation.

1 – Que penser du boycott que certains partis proposent pour l’élection présidentielle ?

Il ne s’agit pas là d’une solution. La réponse ne peut être que lapidaire. La population n’étant pas préparée et la nature ayant horreur du vide, les électeurs désorientés deviennent facilement des proies faciles. Il ne leur reste plus qu’à monnayer leurs voix. A qui profite le crime ?

2 – Pourquoi la campagne électorale a-t-elle fait apparaître un paysage politique monochrome, dominé par un seul parti ?

Un proverbe tchadien dit : « il ne faut pas attendre le jour de la guerre pour tresser son bouclier ». Il y a sûrement un problème de programmation pour l’opposition démocratique. On n’attend pas le temps de la campagne électorale pour se préparer aux élections. Ici au Tchad, c’est 5 ans avant les élections présidentielles qu’il faut les préparer, c’est-à-dire pendant tout le mandat de celui qui est au pouvoir. L’opposition s’est laissé distraire par d’autres problèmes notamment par la longue législature où chaque député se complaisait de ses avantages sans penser à l’avenir.

3 – Pourquoi l’opposition démocratique a-t-elle été incapable de s’unir face au candidat sortant ?

Il faut dire que les leaders de l’opposition tchadienne ont un ego surdimensionné. Ils n’ont pas le sens du sacrifice. Chacun d’eux s’estime être le seul à pouvoir gouverner le pays. Chacun veut être « calife à la place du calife. » Cette vision des choses, ou plutôt cette non-vision fait que la stratégie que chacun d’eux a adoptée est « ou bien c’est moi, ou bien c’est le chaos ». Chaque leader de l’opposition tchadienne préfère garder au pouvoir le candidat sortant plutôt que de laisser un autre opposant gagner les élections.

4 – Que penser de la jeunesse dans l’arène politique tchadienne.

C’est un fait positif que la jeunesse semble se réveiller et se rendre compte de son poids politique. Cependant, elle doit encore apprendre. Son énergie à s’engager est annulée par sa naïveté. Elle se trouve ainsi être un pion que les uns et les autres utilisent. Lorsqu’elle aura mieux appris et qu’elle sera plus mûre, elle deviendra un faiseur de rois.

5 – Que dois maintenant faire l’opposition ?

Le péché originel de l’opposition après les différentes élections est de ne penser qu’à partager le gâteau. L’opposition peut-elle au moins une fois s’asseoir et penser une stratégie de sortie de crise sans se laisser attirer par les sirènes de l’intérêt immédiat ? Chaque parti politique de l’opposition doit capable d’adhérer à une charte commune de l’opposition qui doit avoir pour but de redessiner le paysage politique tchadien.

6 - Que pouvons-nous attendre du prochain mandat présidentiel ? En définitive rien. Faute de réelle concurrence pendant cette campagne présidentielle, il n’y a pas eu de bilan. Les cinq prochaines années vont continuer comme si de rien n’était, avec ses délestages intempestifs, l’impunité jusqu’au somment de l’Etat, une corruption rampante, le conflit exacerbé entre éleveurs et agriculteurs, l’éducation en dents de scie...

7 - Pourquoi tant de pessimisme pour le Tchad? Il ne s’agit en aucune manière de pessimisme politique. Il s’agit plutôt d’un réalisme éclairé. Il est temps pour les tchadiens de se réveiller de leur sommeil dogmatique. Le réveil risque d’être douloureux car il ‘agit pour eux s’atteler à nettoyer les écuries d’Augias.

8 - N’y a-t-il vraiment aucune chance que le soleil ne se lève au Tchad? Si. Le soleil a failli se lever à la suite de la Conférence Nationale. Le soleil peut encore se lever si le président de la République, après son élection, fait montre d’un courage politique en allant vers un dialogue politique sincère et s’il accepte de lâcher du lest, mais...

9 - Pourquoi mais? Au Tchad il faut toujours tenir compte de multiples variables. Le président pourrait-il prendre un peu de distances avec ses parrains occidentaux qui l’embrassent pour mieux l’étouffer dans la lutte contre les djihadistes ? Pourrait-il se libérer du piège de son clan qui sait si bien manier à son égard le bâton et la carotte? Pourrait-il vraiment désirer construire la Nation? C’est la seule issue qui pourra lui assurer la pérennité. Qu’il ait l’intelligence politique de la suivre.

10 - Un mot pour la fin? Dans l’histoire des peuples, il y a toujours une place pour la liberté humaine on aura beau fait des analyses, on aura beau pris en compte les différentes conjectures, on ne pourra attacher la destinée d’un peuple à un déterminisme de fer. Il y a toujours un peu de place à l’ivresse, à la folie et on ne sait où cela peut conduire. L’avenir des hommes reste toujours ouvert et c’est sur cette note d’optimisme que je préfère finir mon propos. L’avenir du Tchad reste ouvert.

 

Affaire à suivre !




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