vendredi 4 avril 2014

Tchad : l'industrie sucrière bat de l'aile (par Pascal Djimoguinan)


            La ville de Sarh était jadis portée par deux industries, la STT (Société textile du Tchad) et la CST (compagnie sucrière du Tchad), il faut dire que c’est maintenant pour elle le temps du marasme. Les deux sociétés ont connu des fortunes diverses. Il faut dire que celle qui est le plus en mal aujourd’hui, c’est la société sucrière. Elle souffre d’un mal très profond dont seule une solution vigoureuse pourrait encore la sauver.

            La CST est née en 2000 de la privatisation de la SONASUT (Société nationale sucrière du Tchad) qui avait été créée en 1974 à Banda non loin de Sarh. La CST dont la production annuelle tourne autour de 30.000 tonnes, bon an, mal an est le véritable poumon économique de toute la région de Sarh puisqu’elle emploie environ 2500 personnes. Elle s’emploie en outre à améliorer la vie de la population autochtone par la création d’un centre de santé assez performant et d’une école.

            Si la CST a toujours connu des difficultés pour maintenir sa production annuelle à cause des aléas du climat dont souffrent les pays du Sahel, elle fait aujourd’hui face à un défi dont elle s’en sortira difficilement.

            La grand mal qui menace aujourd’hui la CST est la contrebande. De différentes frontières arrivent une grande quantité de sucre de contrebande qui fait une concurrence déloyale à la CST. Il y a ainsi du sucre venant du Cameroun, du Nigéria, de la Lybie, du Brésil… et surtout du sucre venant du Soudan. Le phénomène est de telle ampleur que la CST ne parvient à vendre que 30% de sa production. La mévente est telle que la Compagnie sucrière est obligée de créer des endroits pour garder les 70% de sa production invendue. Cela nécessite d’autres frais de magasinage.

            A ce rythme, la CST fonctionne à perte et ne pourrait continuer à tenir. Il est à craindre qu’elle ne dépose le bilan au pire des cas, sinon tout simplement qu’elle mette en chômage technique ses employés.

            La CST n’est pas seule à souffrir de ce problème ; l’Etat tchadien est également victime puisqu’elle ne peut percevoir sa recette habituelle.

            Il y a une solution drastique qui pourrait encore sauver la société. Il ne s’agit point d’adopter une politique économique de protectionnisme. Selon le journal Abba Garde (numéro 057 du 10 au 20 janvier), il s’agit tout simplement « de procéder à une application stricte à l’entrée des marchandises des droits de douanes à 30%, de la TVA à 18%, de l’IRPP à 4%, un renforcement des mesures de lutte contre la fraude, en particulier autour de Ngueli et sur les axes vers Moundou-Sarh, une mise en place d’une fiscalité incitative à la production locale afin de renforcer la compétitivité et encourager l’investissement. »

            La contrebande semble arranger certaines personnes mais en réalité c’est une vision à courte vue. Il s’agit ni plus ni moins de scier l’arbre sur lequel on est assis. Beaucoup de ceux qui achètent le sucre de la contrebande sont ceux sont payés par la CST. Lorsque cette source de revenue sera tarie, il n’y aura pas d’argent pour entretenir la contrebande et c’est tout le monde qui perdra. Il faut agir avant que le malade n’entre dans le coma. Il faut espérer que les uns et les autres retrouveront la raison et que ce patrimoine sera sauvé.

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