J’ai toujours entendu parler du gouverneur Eboué qui
rallia publiquement le mouvement de la libération en prenant partie pour le
Général de Gaule à partir du Tchad dont il présidait les destinées. Je sais
aussi qu’à N’Djamena (Tchad), il y a un lycée qui porte son nom et un monument
qui lui est dédié non loin de l’hôtel de ville et de l’hôpital de référence
général. A part cela, je ne connais pas grand-chose de lui. Pourtant, la revue
Missi de juillet-août 1946 le présente à sa façon. Il est intéressant de
reprendre cet article pour se faire une idée du personnage.
Félix Eboué, né à Cayenne, en Guyane, le 26 décembre
1884, élève au lycée de Bordeaux, sportif et amateur de rugby, licencié en
droit, élève breveté de l’Ecole Coloniale. En 1908, affecté à la colonie de l’Oubangui-Chari
où il resta 27 ans.
« Son
intelligence, note René Maran, sa finesse native, sa calme droiture, sa lucide
activité, sa pondération, son parfait équilibre physique et moral font partout
merveille ».
Il mène une lente et
minutieuse enquête sur ses subordonnés. A ses recherches désintéressées qui
nous ont valu deux ouvrages ayant pour titre Les peuples de l’Oubangui et La
clef musicale des langages tambourines et sifflés, s’ajoute une lente maturation
de son expérience politique.
Vers 1932, coup sur coup, Félix Eboué, devient sécrétaire
général de la Martinique, Gouverneur par intérim du Soudan. Le 4 décembre 1936,
marque une étape décisive dans cette carrière jusqu’ici rectiligne. Un décret
ministériel nomme Félix Eboué Gouverneur de la Guadeloupe.
Vint la guerre. Félix Eboué présidait depuis 18 mois aux
destinées de la colonie du Tchad. Se rappelant qu’il est des heures où la
désobéissance peut être un devoir sacré, il se rallia publiquement au mouvement
de la Libération, bien qu’il n’ignorât plus à cette époque que deux de ses fils
avaient été faits prisonniers par les allemands. Son geste, symbole de
loyalisme et de fierté, produisit par le monde un effet extraordinaire… et
prouva aux nations de race blanche qui l’ignoraient encore que les gens de
couleur n’étaient pas des indifférents, que les noirs n’étaient pas des
ingrats.
En novembre 1940, Eboué, le premier de sa race devient
Gouverneur Général de l’AEF. Il sait qu’il est le point de mire de ses
compatriotes et que l’univers, à l’écoute de ses faits et gestes le respecte et
l’admire. L’heure a sonné pour lui de donner sa mesure et de faire triompher
les idées qu’il a soigneusement mûries tout au long de sa carrière. Elles
peuvent tenir en trois consignes.
Premièrement, la nouvelle politique indigène a pour but
de donner au-delà des améliorations économiques et matérielles « le sens
profond de la vie ».
Deuxièmement, il faut que les masses indigènes soient
maintenues et perfectionnées dans leurs cadres traditionnels ; il faut
éduquer les noirs en les laissant dans leur milieu.
Enfin, et cette troisième consigne est d’une résonnance
profondément chrétienne – « Rien ne peut être fait sans une parcelle d’amour ».
Ses idées allaient dominer la conférence de Brazzaville.
Au lendemain de celle-ci, épuisé par un travail surhumain, Eboué partait se
reposer en Syrie, mais, terrassé par la maladie, il mourait au Caire le 17 mai
1944. La France et la civilisation perdaient en lui un grand serviteur.
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