Des proverbes donnent à penser ! Mais encore
faudra-t-il être capable de les décrypter. Beaucoup en Afrique font un usage immodéré
des proverbes sans chercher à en saisir le sens profond. Cela devient comme un
trésor entre les mains d’un enfant. Nous allons choisir une dizaine de
proverbes mongo, du sud du Tchad et montrer comment leur mauvais usage ne
pourra que nuire à la société.
1) Nje ndoré kə káré, njé
kuséjē y̰ā̰ḭ̄ : (Celui qui cultive est seul mais nombreux sont ceux qui
mangent la récolte). Ce proverbe prône la solidarité. Même si une seule
personne travaille, le fruit de son travail peut nourrir la communauté. Ce
proverbe ne peut avoir de sens que dans une communauté où tout le monde fait des
efforts et contribue au bien-être de tous. Le danger, c’est de créer le
parasitisme. Puisqu’il y a quelqu’un qui est un bosseur, tout le monde dans la
famille ou dans la communauté croise les bras et attends que la manne tombe.
Tout le monde compte sur le salaire du grand frère ou du cousin sans rien
faire.
2) Pər oy, dúlə̄ jī mbə́
tə́ : (quand la torche est éteinte, on la remet à l’idiot). L’intelligence
consiste à rouler le plus de monde possible. Ainsi on fait semblant de faire
des largesses en donnant aux autres du matériel périmé, obsolète. C’est ainsi
qu’on encourage la paupérisation des plus pauvres.
3) La lə mbə́, d-tídə̄
nā̰ȳ̰ nda tə́ (L’argent de l’idiot, on le compte au clair de lune). C’est
l’exploitation des plus pauvres. On cherche des moyens pour leur voler le peu
qu’ils gagnent. Sous le couvert de contrats compliqués, on exploite les pauvres
jusqu’aux os en se croyant plus intelligent.
4) Kinjə̄ rā wō̰gə̄ gíń
ɓir tə aĺ (La poule ne se fâche pas sous le mortier). S’allier avec
l’exploiteur sous prétexte qu’on ne peut rien trouver ailleurs. Cela arrive parfois
par paresse mais aussi souvent par ce complexe qui fait que celui qui est
exploité en vient à aimer son exploiteur et l’encourage dans ce qu’il fait. Il
faudra un sursaut pour sortir de cet état.
5) Nje wō̰nḡ ə aĺ (Le
coléreux ne grossit pas). Ce proverbe mal compris peut encourager à accepter
toutes les situations qui se présentent. Sous prétexte qu’il ne faut pas se
mettre en colère, aucune révolte n’est possible. On se soumet à la pire des
injustices.
6) Ɓəĺ gɔjə dɔ ngōkḛ́ kə́
ngāl (Craindre le petit à cause de son grand frère). La peur au ventre, on
accepte de subir la pire des injustices parce que celui à qui nous maltraite a
des bras longs. On n’ose réagir parce qu’il peut faire intervenir d’autres
personnes qu’il connaît. On vit donc comme un chien, la queue entre les pattes.
7) Ī tɔ̄ ngó kə́ nda da ā
kugə̄ kə kə́ ndajə́ (Si tu casses une calebasse blanche, tu la rembourses avec
une décorée). Il n’y a pas d’équité. On ne peut pas entreprendre parce que
quand on ne réussit pas, on doit rembourser avec de très grands intérêts. On
devrait lutter pour avoir des lois qui favorisent l’entreprenariat.
8) Dow āl síndə̄ kété dá
tə́l al koro gogə́ aĺ (Celui qui a monté un cheval ne monte plus l’âne après).
Ce manque d’humilité fait qu’on ne peut pas être homme d’affaires. Ayant
réussi, on doit se maintenir dans cet état, quitte à vivre au-dessus de ses
moyens quand les choses ne marchent plus bien.
9) Dow kə́ tɔgə isə lo túngə
wúl tə́ dā roō aĺ (Quand un aîné est présent pendant qu’on grille les pois de
terre, cela ne va pas brûler). Le respect des aînés empêche quelquefois aux
jeunes de prendre des initiatives. L’aîné peut bien-sûr donner des conseils
mais dans le monde actuel, il ne dispose pas nécessairement les compétences
qu’il faut dans certains domaines. L’ainé ne peut plus tout voir et tout
contrôler comme dans le monde traditionnel.
10) Dow ōō ndujə̄ kə̄yī
lə madé dā ində̄ man̄ bíy̰ə pərə́ aĺ. (Quand on a vu la farine chez le voisin,
on ne met pas de l’eau au feu pour préparer la bouillie). Stricto sensu, cela
voudrait dire qu’il ne faut pas compter sur la solidarité. En réalité, la vie
ne repose que sur l’échange. Je ne peux pas être à la fois au champ, dans la
boutique, à la chasse, à la pêche. Si je vais au champ, c’est que je compte
après échanger le produit de mon travail contre les autres produits.
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