mercredi 6 mai 2020

Figure libre : Les mots, les sons, les images et les couleurs (par Pascal Djimoguinan)


            Il est des jeux qu’aujourd’hui les enfants auront du mal à s’y donner car ils arrivent à l’école déjà habitués à la  sonorité du français. Il n’en est pas de même pour les anciens qui découvrent le français à l’école.
            Quand nous commencions l’école au Tchad dans nos jeunes années, l’instituteur était obligé de nous traduire tout ce qu’il disait en français car nous étions incapable de le comprendre. Il nous a fallu du temps pour commencer à nous habituer à ses mots étranges que l’instituteur utilisait.
            Ce qui nous importait, ce n’était pas le sens que le patriarche voulait transmettre. Nous nous contentions des sons, des images et des couleurs des mots prononcés et nous en tirions notre propre signification.
            Nous trouvons ici dix exemples de mots qui avaient une place de choix dans notre jargon.
Rabougri : Ce mot avait quelque chose de risible. Il donnait l’image de quelque chose de chétif, qui se courbe mais avance. La couleur qui l’accompagne est le gris. Parfois l’instituteur l’utilisait pour insulter un élève paresseux
 Ratatiné : Ici, on a l’image de ce qui cherche à se cacher. Il se ferme à lui-même et ne veut rien partager. La couleur noir l’accompagne. C’est le solitaire dans tout ce qu’il entreprend.
Andouille : C’est une insulte suprême. L’image de l’idiot absolu. Il ne sait rien faire ; c’est un ignorant.
Récalcitrant : C’est la forte tête, capable de recevoir les coups du maître sans crier ; c’est la vedette de la classe, le caïd à qui on ne peut oser refuser les boutons et les billes.
Calciné : c’est le faible de la classe, le pitoyable, celui que tout le monde veut aider car il parait si fragile.
Mollusque : Le paresseux, celui qui ne se grouille pas ; il est fatigué avant même de commencer une activité. Tout le monde l’évite dans les activités de groupe.
Désinvolte : C’est celui qui ne s’occupe de personne. C’est le franc-tireur ; il réussit tout ce qu’il entreprend mais il préfère le faire seul.
Décoction : C’est la manière de faire les choses. On les fait avec soin et sans précipitation. C’est du travail propre et soigné.
Vermoulu : C’est quelque chose de brillant et fragile. Il faut s’en occuper avec précaution.
visqueux : C’est quelque chose qui peut vous coller à la main et vous salir. Il faut faire très attention quand on le manipule.
            Voilà comment les mots français commençaient à avoir un sens pour nous. C’est petit à petit que les dictionnaires rectifiaient les sens que nous forgions. Je trouve que nos sens étaient plus poétiques que les sens réels.

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