mercredi 3 décembre 2014

Tchad : le code pastoral de la zizanie (par Pascal Djimoguinan)



            La zizanie est étymologiquement la mauvaise herbe qui peut pousser dans un champ. Par la suite, le mot a désigné la mésentente, les causes de la discorde et de désunion. Semer la zizanie, c’est donc mettre la mésentente et la division dans un groupe. Cela semble être le cas du fameux code pastoral, voté par les députés de la majorité et que pourtant le président Deby semble vouloir le retrait.
            L’Assemblée national tchadienne avait adopté le 11 novembre la loi portant code sur la transhumance dans le sud du pays. Il faut dire que cette assemblée est pourtant dominée par le parti du président et il est étonnant de voir Déby désavouer ainsi publiquement ses partisans.
            Il est vrai que cette loi n’a pas que des partisans. Elle a contre elle les partis politiques de l’opposition, les medias, les paysans et la société civile. Ceux-ci avaient réussi à obtenir l’annulation de la loi en première lecture au début du mois de juillet. Elle n’a été adoptée qu’en seconde lecture en novembre.
            Qu’est-ce qu’il y avait dans cette loi pour qu’il y ait autant de contestataires ? En vérité, cette loi venait briser un équilibre qu’on avait déjà de la peine à maintenir entre les agriculteurs et les éleveurs. En effet, fort du soutien de nombreux autorités civiles et militaires devenues propriétaires de bœufs par la force des choses, les éleveurs faisaient la loi partout où ils passaient au sud du pays, faisant une véritable politique de la terre brûlée ; partout où ils passaient, les champs étaient dévastés et les éleveurs n’avaient que leurs yeux pour pleurer.
            Le code pastoral venait renforcer cela. Plusieurs points sont à relever ici :
- Les paysans ont l’obligation de clôturer leurs champs. Tout champ non clôturé est un champ sauvage donc les animaux peuvent y entrer ;
- Les paysans sont tenus de surveiller le jour leur champ. S’il n’y a pas de surveillant dans un champ, c’est qu’il n’appartient à personne. Peut-être que même s’il était clôturé, dès lors qu’il n’est pas surveillé, il pourrait être un terrain en jachère ;
- Les éleveurs transhumants du nord peuvent arriver dans la sud agricole avant la moisson.
            On ne comprend pas la nécessité d’un pareil code qui porte en lui les germes d’un conflit. La sagesse consiste à revoir cette loi et à revenir à la loi qui existait autrefois et qui avait fait ses preuves.
         


La grande question est de savoir pourquoi les députés de la majorité ont cherché à semer cette zizanie. A qui aurait profité le crime ? Ensuite, pourquoi le président a-t-il voulu le retrait du code pastoral alors que des voix s’étaient déjà élevées pour le dénoncer mais sans succès ? Ce retrait n’est-il que provisoire ? C’est une affaire à suivre !
            En tout cas, la zizanie est là, bien semée. Zizanie car mésentente entre l’opposition et la majorité présidentielle. Mésentente entre le sud du pays et la majorité. Mésentente entre la société civile et le gouvernement. Mésentente au sein de l’exécutif puisque le président désavoue sa majorité. La plus grande zizanie concerne le retrait même du code. Le président de la République peut-il retirer une loi votée par le parlement et promulguée ? Le feuilleton n’est pas fini.



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