Le terme Ubuntu
est plus connu comme un système d’exploitation libre dans le domaine
informatique. Il est aussi connu comme une famille de polices d’écriture. On
parle également sur le plan commercial d’Ubuntu
Cola qui est un soda d’origine britannique certifié commerce équitable.
Mais ne réduire Ubuntu qu’à cela serait le trahir car le concept exprime
quelque chose de plus grand. Très connu en Afrique australe, Ubuntu est
quasiment ignoré en Afrique francophone. Il est temps de réparer cette
injustice.
Une grande partie de la population africaine est
constituée de peuples bantous, ayant quelques traits communs tant sur les plans
linguistique, culturel que social. La particularité linguistique de ces peuples
et qu’ils ont en commun le radical « ntu » pour exprimer tout ce qui
se rapproche du concept « anthropos »,
homme dans son sens générique en tant qu’il désigne la personne humaine. La
particularité des langues bantoues est qu’à ce radical, on joint des préfixes
pour exprimer nombre et des concepts de plus en plus englobant ; on peut
ainsi avoir muntu, bantu, etc.
Le mot Ubuntu vient
du Zoulou (une tribu bantoue d’Afrique du Sud). Ce concept unit donc à la fois
les concepts « d’humanité » et de « fraternité ». En
français, on le traduirait d’avantage par le concept « d’humanisme » dans le sens où on
place l’homme au-dessus de toutes les autres valeurs. Ainsi, Ubuntu se définit comme « la qualité inhérente au fait d’être
une personne parmi d’autres personnes. » Pour comprendre ce concept, il faut prendre
en compte le proverbe zoulou : « Umuntu
ngumuntu ngabantu », ce qu’on pourrait rendre par « Je suis parce que nous sommes. » Le
concept exprime l’idée que l’individu existe par la communauté qui le constitue
et le reconnaît comme tel.
Le fortune du concept Ubuntu
vient du contexte historique de la fin de l’apartheid en Afrique du Sud,
lorsque la Commission vérité et réconciliation (1995), menée par monseigneur
Desmond Tutu, a tenté par une solution originale de régler des problèmes
d’injustice avérée de plusieurs années. C’était mettre en action le
« besoin d’ubuntu » énoncé dans la Constitution de 1993.
Monseigneur Desmond Tutu, auteur d’une théologie ubuntu
de la réconciliation, disait justement : « Quelqu’un d’ubuntu est ouvert et disponible pour les autres, dévoué aux
autres, ne se sent pas menacé parce que les autres sont capables et bons car il
ou elle possède sa propre estime de soi – qui vient de la connaissance qu’il ou
elle a d’appartenir à quelque chose de plus grand – et qu’il ou elle est
diminué quand les autres sont diminués, quand les autres sont torturés ou
opprimés. »
Barak Obama a fait recours au concept dans son fameux
discours lors des funérailles de Nelson Mandela le 10 décembre 2013 :
« Et enfin, Nelson Mandela comprenait
les liens qui unissent l’esprit humain. Il y a un mot en Afrique du Sud – Ubuntu – un mot qui incarne le plus grand don de
Mandela, celui d’avoir reconnu que nous sommes tous unis par des liens
invisibles, que l’humanité repose sur un même fondement, que nous nous
réalisons en donnant de nous-mêmes aux autres et en veillant à leurs besoins. Nous
ne saurons jamais jusqu’à quel point ce sens était inné, ou bien forgé dans une
cellule de prison, sombre et solitaire. Mais nous nous souvenons de ses gestes,
grands et petits – comme le jour de son investiture, où il a accueilli ses
geôliers en invités d’honneur, le jour encore où il a revêtu le maillot des
Springbok à un match de rugby, ou lorsqu’il a transformé le chagrin de sa famille
en lançant un appel à la lutte contre le VIH/sida – autant de gestes qui
avaient révélé la profondeur de son empathie et de sa compréhension. Non
seulement il incarnait l’Ubuntu,
mais il avait aussi appris à des millions d’autres à découvrir cette vérité en
eux. Il fallut un homme comme Madiba pour libérer non seulement le prisonnier,
mais aussi le geôlier ; pour montrer que nous devons faire confiance aux
autres afin qu’ils puissent nous rendre la pareille, pour apprendre à tous que
la réconciliation ne signifie pas seulement ignorer un passé cruel, mais aussi
y faire face en le contrant par l’inclusion, la générosité et la vérité. Madiba
changea les lois autant qu’il changea les esprits. »
Ce
qu’on appelle habituellement « La
solidarité africaine », une fois conceptualisé, prend les tournures de
l’Ubuntu. Plus qu’un concept, Ubuntu exprime toute une vision du
monde. C’est une forme d’humanisme qui appelle tous les hommes et toutes les
femmes de tous les pays à un changement de comportement et à une posture juste
par rapport à tout ce qui est humain. Tout comme l’Ujamaa en Tanzanie, Ubuntu
est un humanisme philanthrope. La réponse au libéralisme sauvage qui traverse
le monde aujourd’hui viendra sans doute de l’Afrique.
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