Nous, membres du Conseil Permanent de la
Conférence des Évêques de Centrafrique, nous nous adressons à tous les fidèles
du Christ Jésus et à tous les hommes et femmes de bonne volonté au début de ce
temps fort de l’Avent. Que la grâce et la paix de Dieu soient toujours avec
vous.
La question du temps n’est pas
optionnelle, elle est essentielle. Aujourd’hui, il semble que nous ne prenons
pas le temps au sérieux. Quand nous perdons le temps, le futur change sa
signification. De promesse, il devient synonyme de menace. Ainsi, il suscite la
peur plutôt que l’espérance, l’angoisse plutôt que l’assurance.
1)
L’attente
joyeuse du Messie
Pendant le temps de l’Avent, ce qui nous
distingue en tant que chrétiens, c’est l’attente joyeuse de QUELQU’UN. Le
chrétien qui vit « éveillé » est porté en avant vers QUELQU’UN, comme
l’amoureux vers l’être aimé qu’il désire accueillir. Cette attente est au cœur
du Christianisme. Attendre quelqu’un est un mouvement dynamique de tout l’être,
un engagement de toutes les ressources personnelles. Celui qui vient n’est pas
un Dieu vague que nous-mêmes avons forgé ou fabriqué. Il dépasse l’homme, et le
transcende. Il est avant l’homme et au-dessus de lui. La Parole de Dieu nous le
présente comme « Emmanuel » (Is 7,14) ; « Conseiller
merveilleux, Dieu fort, Prince de la paix » (Is 9,5) ; « Rameau de la
souche de Jessé » (Is 11,1) ; « Fils de David, Celui qui vient
au nom du Seigneur » (Mt 21,9) ; « Fils du Très Haut » (Lc
1,32) ; « Fils de l’homme » (Lc 12,8) ; « Celui qui baptise
dans l’Esprit Saint » (Jn 1,33) ;
« Messie » (Jn 1,41) ; « Fils de Dieu » (Jn
1,49) ; « Sauveur du monde » (Jn 4,42) ; « Alpha et
Omega, Premier et Dernier, Commencement et Fin » (Ap 22,13). C’est le
Seigneur Jésus Christ qui vient sauver de l’angoisse du lendemain et des
ténèbres de la mort.
Certains de nos compatriotes semblent
hébétés devant le mystère de la vie et de la mort. Ils n’attendent plus rien,
ni de la religion, ni de Dieu. Pour eux, le Christ n’est pas venu. Il n’y a
rien de changé. Le mot Dieu est pour eux vide de sens, et la religion qui a
vocation de le faire connaître et aimer, apparaît comme une utopie, voire une
aliénation. Ceux qui n’attendent pas Dieu transposent leur espérance dans
l’attente d’un monde meilleur qui vient du seul effort de l’action collective
des hommes. Dans cette perspective, les promoteurs de l’humanisme athée pensent
que « l’homme et la société peuvent atteindre un état de perfection au
terme d’évolutions seulement humaines ».
2) Jésus vient nous donner la paix
Quand
il voulut entrer à Jérusalem, à la vue de la ville, Jésus pleura sur elle
« en disant : ‘‘Ah
! Si en ce jour tu avais compris, toi aussi, le message de paix ! Mais non, il
est demeuré caché à tes yeux’’ » (Lc 19,42). Ces derniers
temps, le mot « paix » et l’expression « cohésion sociale »
sont fréquemment employés par des acteurs politiques, militaires ou religieux.
Mais avons-nous vraiment compris le message de paix ? La paix du monde est
différente de la paix du Christ. La paix du monde se veut absence de conflits,
fin des hostilités, rejet de la haine. Elle est fondée sur les lois, la
reconnaissance mutuelle des droits humains, les accords et alliances politiques
et militaires, les répressions, les forces de défense et de sécurité. Mais la
paix du Christ ne va pas de soi et n’appartient pas aux données évidentes et
natives de la nature humaine. Elle ne se trouve pas dans nos mains. Elle est
tout d’abord un don de Dieu, la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ
(Rm 5,1). Jésus Christ, notre paix, détruit les barrières qui séparent les
peuples, supprime en sa chair la haine, crée un Homme nouveau, réconcilie avec
Dieu, proclame la paix, donne l’Esprit d’amour (Ep 2,14-18). Pendant son
ministère public, Jésus était conscient qu’il y a des tensions entre les
hommes. Il a travaillé à la réconciliation des êtres humains par son
enseignement, ses miracles, le pardon des péchés et l’accueil des pécheurs.
Dans son message de paix, Jésus exhorte ses disciples à la conversion, à l’amour
du prochain et de l’ennemi (Mt 5,43-48 ; Mc 1,15 ; Jn
13,34-35). Il proclame heureux « les doux », « ceux qui
ont faim et soif de justice », « les miséricordieux »,
« les cœurs purs », et « les artisans de paix » (Mt 5,5-9).
Au malade guéri ou au pécheur pardonné, Jésus dit « va en paix » (Lc
7,50 ; 8,48). À ses disciples, il dit : « Ayez du sel en
vous-mêmes et soyez en paix les uns avec les autres » (Mc 9,50). Aux disciples qu’il envoie
en mission, il dit : « En
quelque maison que vous entriez, dites d'abord : ‘‘Paix à cette maison !’’ » (Lc 10,5). Aux
apôtres vers qui il vient après sa résurrection, il dit : « La paix
soit avec vous » (Jn 20,19.21.26).
Jésus Christ qui est venu, qui doit
venir, nous est présent et habite parmi nous. En tant que serviteurs du Christ
Jésus, nous reconnaissons que Lui-seul scrute les cœurs. Pour cela, nous vous
exhortons à orienter votre vie vers le Christ, à être plus proches de lui, et à
vous laisser instruire par lui pour discerner ce qui est essentiel et faire de
vos vies des espaces d’humilité et de respect, de service et d’amour. Chaque
jour, chacun est invité à choisir entre deux chemins : vie et mort,
bonheur et malheur, sagesse et folie, confiance et méfiance, amour et haine, pardon et vengeance. Le
Seigneur lui-même nous exhorte à choisir la vie, le bonheur, la sagesse, la
confiance, l’amour et le pardon pour mettre en valeur nos talents (Dt
30,15-20). En dépit de sa souveraineté, Dieu ne s’impose pas. Il nous permet de
vivre comme des êtres humains libres et responsables de leur épanouissement ou
de leur malheur. Les derniers tristes événements survenus en Centrafrique
montrent qu’il y a encore des gens qui s’opposent à la volonté de Dieu, dévalorisent
leurs talents et s’autodétruisent en optant pour la mort, le malheur, la folie,
la méfiance et la vengeance.
3)
La
montée du grand banditisme
En toute vérité, nous nous inquiétons de
la montée du grand banditisme. Le peuple est encore pris en otage par des
groupes armés qui battent le pavé et occupent le devant de la scène. La liberté
de vaquer à ses occupations et de subvenir honnêtement à ses propres besoins
devient une pure illusion pour beaucoup de nos compatriotes qui sont entravés
dans leurs aspirations sur une large portion du territoire national. En effet,
l’insécurité contraint encore de nombreuses personnes à fuir leurs maisons et
villages et à se réfugier dans des camps de fortune comme c’est le cas à
Bangui, à Bambari, à Batangafo... Nous avons dénoncé à plusieurs reprises ces conditions
de précarité auxquelles sont soumis injustement les Centrafricaines et les
Centrafricains depuis le début de cette crise militaro-politique dont nous ne
cessons de déplorer les victimes innocentes. On dirait une lente descente aux
enfers.
Par ailleurs, nous condamnons avec la
plus grande fermeté les actes de banditisme orientés avec acuité ces dernières
semaines contre le personnel pastoral. L’abbé Mateusz DZIEDZIC, fidei donum polonais à la paroisse de
Baboua dans le diocèse de Bouar, pris en otage par le Front Démocratique du
Peuple Centrafricain (FDPC) au mois d’octobre, vient d’être libéré par ses
ravisseurs. Il semblerait que certains se plaisent même à disséminer des armes
au sein de la population. C’est un jeu extrêmement dangereux qui ne favorise
guère la cohésion sociale. Privilégions plutôt le dialogue, la médiation et la
diplomatie pour la résolution de nos différends. Aussi, exhortons-nous les
forces de sécurité nationale, la Minusca, les Sangaris et l’Eufor-RCA à
redoubler de vigilance quant à la sécurité et à la protection des populations
civiles.
4)
Pour
construire une société de paix
Il
est impossible de bâtir la paix avec la terreur, la méfiance réciproque, et
avec un esprit, un cœur et des mains armés. Même si la paix durable et véritable
est un don du Christ, elle dépend aussi de chacun de nous. Chacun a la
possibilité et le devoir de s’engager et de collaborer pour la paix. En règle
générale : chacun doit renoncer à se faire justice soi-même en suivant ses
propres convictions. L’instrument idéal pour résoudre les hostilités c’est le
dialogue raisonnable, la confrontation verbale, le débat constructif : se
parler pour arriver à des compromis de paix basés sur le respect réciproque.
Nous exhortons les médiateurs à croire davantage à leur capacité à promouvoir
la paix. Qu’ils soient toujours à l’écoute du peuple et des belligérants pour
établir des points de repères et
coopérer à trouver des solutions consensuelles aux divergences. Comme vous le
savez, dans toute société humaine, la loi n’a pas d’efficacité sociale sans la
figure de celui qui décide de la conformité ou non aux normes avec le pouvoir
de sanctionner la transgression. Que les juges se chargent donc de gérer les conflits entre les citoyens
pour sauver le droit et le bien des citoyens, et pour consolider la paix
sociale.
Loin de céder au fatalisme, croyons donc
fermement à notre capacité, en tant que peuple, à nous relever de la déchéance
dans laquelle nous sommes tombés. Les défis sont certes nombreux, mais ils ne
sont pas de l’ordre de l’impossible. N’avons-nous pas su maintenir les liens de
la cohésion sociale en dépit des blessures que chacun porte en lui-même ?
Nombreuses sont en effet les initiatives que nous avons engagées en ce domaine.
Elles ont davantage besoin d’être consolidées.
La détermination dans la recherche de la
paix durable et de la cohésion sociale par le pardon et l’acceptation de
l’autre dans sa différence est un caractère propre des forts. Allons-nous nous
laisser décourager par les embûches qui entravent nos chemins ? Désormais,
il est temps de nous poser les véritables questions. À quoi cela nous servirait-il
de continuer à nous entretuer ? Prenons appui sur le Seigneur pour
comprendre que le relèvement économique de notre pays et son développement ne
se feront pas sur les dépouilles mortelles de nos frères et sœurs. Toutefois,
dans ce contexte de grande fragilité, nous exhortons le gouvernement, à créer avec
l’appui de la communauté internationale, les conditions idoines de sécurité
pour tous les citoyens, à lutter contre l’impunité, à rétablir l’autorité de
l’État, pour consolider la cohésion sociale, le dialogue et la paix.
Le Christ vient. La sortie de cette
crise est à notre portée, pourvu que nous y croyions. C’est à ce niveau que
nous sommes interpellés en tant que croyants. Apprenons donc à faire le bien et la Centrafrique vivra en paix.
MARANATHA !
Prions ensemble :
Jésus Christ, Prince de la paix,
Incarnation de l’Amour infini du Père,
Salut toujours invoqué et toujours attendu,
Unique espérance des Centrafricains,
Toute l’Église crie vers toi et t’attend !
Viens Seigneur Jésus !
Viens nous sauver de la haine.
Viens nous donner le goût de vivre ensemble.
Viens nous apprendre à faire le bien aux autres.
Viens nous transformer en artisans de paix.
En
la Solennité du CHRIST ROI, CECA, le 23 novembre 2014
Le
Conseil Permanent
Mgr Dieudonné
NZAPALAINGA Mgr
Nestor-Désiré NONGO
Archevêque de Bangui Évêque
de Bossangoa
Mgr Guerrino
PERIN Mgr
Cyr-Nestor YAPAUPA
Évêque de Mbaïki Évêque d’Alindao
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire