lundi 5 mai 2014

Tchad : construction d'une nation dans le quotidien (par Pascal Djimoguinan)


            Aussi paradoxale que cela puisse paraître à certain qui scrutent plutôt les indices de la macro-économie et les sphères de la haute politique, on peut affirmer que la nation tchadienne est en train de se former vaille que vaille et qu’il y a lieu à adopter un optimisme (non pas beat mais réaliste) face à l’avenir.

            Il est vrai qu’à bien de niveau, les indicateurs traditionnels sont au rouge quand il s’agit de parler de cohésion sociale et de la construction nationale au Tchad. Il s’agit ici de sortir des paradigmes habituels qui ne correspondent plus à la réalité pour en créer de nouveau. Nous oublions souvent que nous sommes dans le postmodernisme et qu’il n’y a plus de canons auxquels il faut rester collé. Notre chance est qu’il faut tout le temps inventer et créer. La nation tchadienne est, en ce sens, à inventer, à créer par la nouvelle génération.

            La chance du pays repose justement sur les épaules de cette nouvelle génération qui est à plus d’un titre différente de l’ancienne.

            L’ancienne génération était assez timorée, et ses différents membres vivaient dans un complexe mortifère. L’ethnie était collée à leur peau et personne n’osait entreprendre ce qui, d’une manière plus ou moins tacite, était l’apanage d’une région ou d’un clan.

            Les jeunes d’aujourd’hui au Tchad ne se gênent plus et ne se laissent plus enfermer dans ce carcan. Il est étonnant de voir avec quelle liberté ils s’expriment, sans peur d’appartenir à une sous classe. Ils ont réussi à se libérer de tout cela.

            Le signe le plus frappant est celui du mariage. Jusque il y a encore dix ans, il était rare que les mariages se fassent en dehors des différentes ethnies ou des différentes tribus. Aujourd’hui, les parents de l’ancienne génération avalent leur langue de travers car leurs progénitures ne les suivent plus dans les critères fortement ethnicisés du mariage. Autrefois, le groupe sara restait dans son aire géographique, la Mayo Kebbi ne sortait pas de son fief ; il en était de même des régions de l’Est et du Nord du pays. Il n’en est plus question car il y a un brassage effectif de la population qui se fait. Les jeunes sars ou les ngambayes n’hésitent plus à prendre femme ou mari chez les massas, les toupouris, les kims et chez les moundangs. Les gouranes, les kanembous ou les zaghawas n’hésitent plus à prendre des femmes au Sud du Tchad.

            Ce que la politique n’a jamais réussi à faire est en train de se réaliser sous la poussée de la nouvelle génération. La nation tchadienne est en train de naître à partir du bas, c’est-à-dire d’où on ne l’attendait pas.

            Les vingt prochaines années seront décisives dans la constitution de cette nation. C’est un devoir citoyen que d’encourager ces mariages même si l’on est de l’ancienne génération. Il faut reconnaître que la société est en mutation et qu’il ne sert à rien de vouloir arrêter le train en marche.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire