Aussi paradoxale que cela puisse paraître à certain qui
scrutent plutôt les indices de la macro-économie et les sphères de la haute
politique, on peut affirmer que la nation tchadienne est en train de se former
vaille que vaille et qu’il y a lieu à adopter un optimisme (non pas beat mais
réaliste) face à l’avenir.
Il est vrai qu’à bien de niveau, les indicateurs
traditionnels sont au rouge quand il s’agit de parler de cohésion sociale et de
la construction nationale au Tchad. Il s’agit ici de sortir des paradigmes
habituels qui ne correspondent plus à la réalité pour en créer de nouveau. Nous
oublions souvent que nous sommes dans le postmodernisme et qu’il n’y a plus de
canons auxquels il faut rester collé. Notre chance est qu’il faut tout le temps
inventer et créer. La nation tchadienne est, en ce sens, à inventer, à créer
par la nouvelle génération.
La chance du pays repose justement sur les épaules de
cette nouvelle génération qui est à plus d’un titre différente de l’ancienne.
L’ancienne génération était assez timorée, et ses
différents membres vivaient dans un complexe mortifère. L’ethnie était collée à
leur peau et personne n’osait entreprendre ce qui, d’une manière plus ou moins
tacite, était l’apanage d’une région ou d’un clan.
Les jeunes d’aujourd’hui au Tchad ne se gênent plus et ne
se laissent plus enfermer dans ce carcan. Il est étonnant de voir avec quelle
liberté ils s’expriment, sans peur d’appartenir à une sous classe. Ils ont
réussi à se libérer de tout cela.
Le signe le plus frappant est celui du mariage. Jusque il
y a encore dix ans, il était rare que les mariages se fassent en dehors des
différentes ethnies ou des différentes tribus. Aujourd’hui, les parents de
l’ancienne génération avalent leur langue de travers car leurs progénitures ne
les suivent plus dans les critères fortement ethnicisés du mariage. Autrefois,
le groupe sara restait dans son aire géographique, la Mayo Kebbi ne sortait pas
de son fief ; il en était de même des régions de l’Est et du Nord du pays.
Il n’en est plus question car il y a un brassage effectif de la population qui
se fait. Les jeunes sars ou les ngambayes n’hésitent plus à prendre femme ou
mari chez les massas, les toupouris, les kims et chez les moundangs. Les
gouranes, les kanembous ou les zaghawas n’hésitent plus à prendre des femmes au
Sud du Tchad.
Ce que la politique n’a jamais réussi à faire est en
train de se réaliser sous la poussée de la nouvelle génération. La nation
tchadienne est en train de naître à partir du bas, c’est-à-dire d’où on ne
l’attendait pas.
Les vingt prochaines années seront décisives dans la
constitution de cette nation. C’est un devoir citoyen que d’encourager ces
mariages même si l’on est de l’ancienne génération. Il faut reconnaître que la
société est en mutation et qu’il ne sert à rien de vouloir arrêter le train en
marche.
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