samedi 17 mai 2014

Afrique : A quand la fin des indépendances? (par Pascal Djimoguinan)


            On se souvient de cette boutade rapportée par le professeur Jean-Paul Ngoupendé, parlant de paysans en Centrafrique qui, mécontents du sort qui leur était réservé, demandaient quand prendraient fin les indépendances. Si cela portait au début au sourire, il faut dire que cela devient maintenant un rire jaune. Que reste-t-il encore des indépendances africaines aujourd’hui ? Faut-il les jauger à l’aune du développement économique ou à celle de la sécurité ? Si l’économie était autrefois la brèche qui permettait à l’Occident de diriger l’Afrique, aujourd’hui c’est l’insécurité chronique qui règne en Afrique qui sort de cheval de Troie pour faire perdre au vieux continent son autonomie, jugez-en !

            En janvier 2013, pour arrêter la horde des djihadistes d’AQMI dans leur marche victorieuse vers Bamako, la France a dû intervenir militairement (pour mettre en œuvre la résolution 2085 du conseil de sécurité des Nations-Unies) en envoyant un contingent de soldats. Pendant ce temps, les africains passaient leur temps à discuter de l’opportunité d’une intervention au Mali ; il y avait plus de réunion que de réelle volonté d’intervenir concrètement. Dans la foulée de son intervention, la France a imposé des élections qui se sont déroulées dans un délai relativement court.

            En Centrafrique, lorsque les Nations-Unies votent leur résolution le jeudi 5 décembre par la résolution 2127 (qui autorise le déploiement de la mission internationale, le France intervint dans un pays qui se débattait depuis plusieurs mois dans une guerre civile qui se passait loin des medias. Dans la foulée, la France organisa un mini-sommet à l’Elisée sur la Centrafrique où sont convoqués divers chefs d’Etat africains. Le cœur de l’Afrique s’est déplacé à Paris où désormais les décisions les plus importantes sont prises au vu au su de tout le monde. Par la suite, la France en profitera pour réorganiser ses forces en Afrique avec le prétexte de la sécurité dans le Sahel. Il ne se trouve désormais plus personne pour protester. Le silence est éloquent : l’Afrique ne peut se passer du parrain français pour assurer sa défense.

            Le 17 mai 2014, le président Hollande convoque à l’Elysée les présidents du Nigéria, du Cameroun, Du Benin, du Tchad et du Niger pour un sommet sur la sécurité sur le Nigéria et pour voir comment contrer Boko Haram, cette secte islamiste qui sévit dans la région. Si l’Afrique francophone avait perdu son autonomie sur le plan sécuritaire depuis très longtemps, ce dernier sommet marque un tournant ; désormais l’Afrique anglophone, par le biais du Nigéria vient de signer son entrée dans la françafrique sécuritaire. Il n’y a plus de fierté. A l’impossible, nul n’est tenu.

            On ne peut plus demander quand viendra la fin des indépendances ; nous y sommes déjà. Nous sommes en train de vivre une nouvelle ère où les décisions les plus importantes pour l’Afrique se prennent ouvertement en Occident. Nous avons peut-être mérité cela puisque nous sommes incapables d’assurer notre propre sécurité. Nous avons préféré capables de bâillonner les peuples plutôt que celle qui pouvaient assurer sa sécurité. Nous ne nous sommes jamais occupé de la circulation des armes et exigé que les embargos soient respectés.

            Quelle Afrique allons-nous léguer à la prochaine génération ? Incapables de la développer sur le plan économique, nous sommes en train de resserrer les dernières entraves qui feront de l’Afrique un continent sans autonomie, et cela, peut-être avec bonne conscience, tout simplement parce que nous ne sommes pas conscients. Pauvre Afrique !

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