mercredi 4 septembre 2013

Les funérailles au Tchad, traits culturels 3 (par Pascal Djimoguinan)


            Au Tchad, lorsque survient un décès, tout devient irrationnel. Les comportements sortent de l’ordinaire. On a l’impression de vivre dans un monde parallèle à celui où on vit habituellement. La seule explication plausible de tout ce changement est que la mort étant elle-même absurde, il faut une autre absurdité pour en sortir. C’est seulement en suivant cette clé de lecture qu’on pourrait trouver du sens aux comportements humains qui accompagnent un décès.

            Si nous avons jusque-là décrit tout avec un calme absolu, c’est tout simplement que nous avons voulu pénétrer au corps de l’irrationalité pour en extraire une signification. En réalité, rien ne se passe exactement comme décrit dans les pages précédentes.

            Dès que le décès survient, tout tend vers l’excès, à commencer par les femmes. Elles expriment leur douleur bruyamment avec des pleurs et en se jetant par terre. Il faut un être assez fort à côté pour les retenir et leur éviter de se faire mal.

            Aussi bien pendant le temps du recueillement (en présence ou sans le corps), toute femme qui arrive pour le première fois à la place où se tient le deuil doit éclater en sanglot, entraînant les pleurs de celles qui étaient déjà présentes. Il y a une sorte de solidarité qui consiste à accompagner la nouvelle arrivante dans ses pleurs.

            Au Sud du Tchad, pour une grande partie des populations, il ne fait pas bon pour un homme de perdre sa femme alors qu’il n’a pas encore payé la dot. Ce serait le comble de la désolation pour lui. La belle-famille viendra avec le corps de la défunte chez le veuf et tant qu’il n’aura pas payé  la dot jusqu’au dernier sou, il ne sera pas procédé à l’inhumation.

            Au cimetière, avant l’inhumation, on assiste à toute une mise en scène où se mêlent la parodie, la mesquinerie, la vengeance et l’hypocrisie. C’est le lieu où toutes les querelles contenues vont s’exprimer avec une violence qui étonnera plus d’un. La violence du décès semble ne pouvoir se résorber que par une autre violence qui remettra les choses à l’endroit.

            Après l’enterrement, la famille se recueillera à la maison familiale transformée en « place mortuaire ». La durée de ce recueillement dépendra du sexe du défunt : trois jours pour les hommes et quatre pour les femmes.

            Pendant cette période, les cousins croisés passeront leur temps à parodier le défunt dans tout ce qu’il faisait, ce qui mettra une ambiance plus détendue dans l’assistance. Les fils et filles du défunt accepteront toutes les plaisanteries que leurs cousins feront. Il peut arriver que certains se fâchent et gâtent la fête mais cela n’est pas courant.

            A la fin de ces jours, on égorgera soit un mouton, soit une chèvre pour un repas commun avant qu’on donne la permission aux différentes personnes présentes de rentrer chez elle ; c’est le signal de la « dispersion ». Ce sera aussi l’occasion d’une réunion familiale pour voir comment continuer la vie après le défunt.

            La question qu’il faudra se poser est de savoir comment tout ce comportement autour de la mort se maintient alors que d’autres valeurs plus importantes de la culture sont en train de disparaitre. Faut-il se dire en suivant la théorie fonctionnaliste que si toutes ses structures se maintiennent, c’est qu’elles ont une fonction dans la société donc sont utiles ?

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