mardi 27 août 2013

N’Djamena, la ville aux mille ronds-points (par Pascal Djimoguinan)


            N’Djamena, ville chantier, ville multicolore avec d’innombrables facettes. Ce qui y frappe le plus, c’est le nombre de ronds-points. Certes, ils rendent la circulation plus fluide et donnent à la ville une allure moderne, mais ils rateraient leur objectifs s’ils ne nous invitaient pas à la réflexion.

            Tout peut être sujet de réflexion, même ce qu’il peut y avoir de plus trivial. Les ronds-points de N’Djamena portent différents noms qui célèbrent les différents événements vécus par le pays. Nous avons ainsi le rond-point de l’union, celui du centenaire, celui du cinquantenaire, celui de la paix, etc.

            Si le rond-point du cinquantenaire commémore les cinquante années de l’indépendance du Tchad, il nous rappelle qu’un chemin a été fait vers la liberté et que tout un avenir commun reste à construire. S’il n’y avait rien d’autre à retenir de ce rond-point, le seul fait qu’il soit une invitation à s’ouvrir à l’inconnu avec la certitude d’un vivre ensemble, cela suffirait.

            Là où j’ai le plus de difficulté, c’est le rond-point du centenaire. Que commémore-t-on ? D’aucuns diront que c’est la fondation de Fort-Lamy ou de N’Djamena. Et alors, avant, n’y avait-il rien ?

- Reconnaissons-nous qu’il y a cent ans nous n’existions pas ? A-t-il fallu que nous soyons découverts et que le colon ait ainsi recouvert de son sceau la légitimité de notre existence?

- Que penser de l’histoire du peuple qui habitait dans les parages avant l’arrivée des colons. Célébrer le centenaire de N’Djamena, n’est-ce pas un aveu de notre part que seule la colonisation a permis notre entrée dans l’histoire de l’humanité ?

- Un jour dans l’histoire, grâce au génie créateur de l’administrateur colonial, N’Djamena est sorti du néant, avec un nouveau peuple sorti de nulle part.

            Nous avons déjà célébré le centenaire et avons reconnu implicitement que nous avons été découverts ; est-il possible d’en tirer quelque chose de positif ? Le philosophe Fabien Eboussi Boulaga disait dans l’un de ses cours à propos de la découverte de l’Afrique : « L’Afrique, jusqu’au nom est problématique. Faut-il parler des Afriques ? Cela pose également le problème d’un continent problématique jusque dans son appellation et dans la détermination de ses habitants. L’Afrique est à la fois une récapitulation et une projection de l’histoire. La découverte de l’Afrique fait allusion à une objectivation. La découverte de l’Afrique, prise positivement, pourrait signifier l’ouverture de l’Afrique au monde. »

            Il y aurait beaucoup de choses à dire de tout cela mais nous ne voudrions retenir que la dernière partie de la citation. Fort-Lamy (N’Djamena) pourrait être à la fois une récapitulation et une projection de l’histoire. La découverte de Fort-Lamy ferait ainsi allusion à une objectivation. La découverte de Fort-Lamy, prise positivement, pourrait signifier l’ouverture de Fort-Lamy au monde.

            Ainsi, en commémorant le centenaire de Fort-Lamy, nous avons célébré l’ouverture de Fort-Lamy au monde. Nous sommes ainsi ouverts à l’extérieur occidental puisque déjà nous étions ouverts vers l’Orient.

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