samedi 20 juin 2020

Tchad : La Nation ou bien un agrégat de communautés ? (par Pascal Djimoguinan)


            La construction d’une nation au Tchad doit faire face à plusieurs pierres d’achoppement dont il faudrait le concours de tous pour triompher. Pourtant, lorsque que l’on regarde les faits, on peut se prendre à douter que chacun cherche à édifier cette nation qu’on ne célèbre que du bout des lèvres.
            Un fait massif se donne à l’observateur du paysage socio-politique tchadien. Il y a ces dernières années un développement exagéré des chefs de races. Quel est leur statut juridique ? Bien sûr, la constitution du Tchad reconnait dans son préambule la « volonté de vivre ensemble dans le respect des diversités ethniques, religieuses, régionales et culturelles » mais est-ce une ouverture à des dérives qui pourraient mener hors de la république ? Les chefferies traditionnelles, sont-elles des monarchies dans la République ou des instances auxiliaires de l’administration du territoire ?
            Depuis l’institution des chefs de races, certains parmi eux n’hésitent pas dans les communiqués de presse à s’attribuer le titre de « sa majesté ».
            L’Etat semble fermer les yeux sur les probables dérives car il les utilise pour régler certains problèmes d’une manière communautaire. Il s’en suit que l’autorité-même de l’Etat s’érode car les textes de la République ne sont pas respectés. La pratique de la Diya répond également à ce désir nébuleux de l’Etat à démissionner devant ses devoirs. Comment une loi particulière peut-elle s’étendre à tous contre le grès des citoyens d’autres coutumes ?
            Dès qu’on fonctionnaire de l’Etat est nommé à un poste de responsabilité, les chefs traditionnels de son ethnie, son chef de race, chef de canton et autres envoient un message de félicitations au chef de l’Etat d’avoir nommé un des leurs à ce poste.
            Une question se pose. Quels sont les critères de choix dans les postes de responsabilité au Tchad ? N’est-ce plus la compétence ? Choisit-on les hauts fonctionnaires en vertu de leurs ethnies ? Est-ce une façon détournée de se partager le gâteau ? Ne devrait-on pas, au nom de la nation, interdire cette pratique ?
            Comment construire une nation si chaque ethnie ne défend que ses intérêts au dépend de l’intérêt général ? Tant que nous tenons à rester un agrégat d’ethnies, nous ne pourrons constituer une nation et avoir un projet commun.
            Pour finir, nous pouvons réfléchir sur la définition que Gaston Fessard donne de la nation. Il la définit comme « une unité sociale formée par un peuple (ou des peuples) qui, après avoir pris conscience de son unité, fondée sur une origine commune, tend à assurer son avenir en se représentant à soi-même et aux autres par le moyen d’un Etat ».
            La tâche est peut-être rude mais commençons à retrousser nos manches et à l’ouvrage. C’est toujours le premier pas qui est difficile. Construisons la nation tchadienne.





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