Dis-moi comment tu jures et je te dirai en quoi tu crois.
Une des grandes manifestations des croyances des peuples se révèlent dans la
manière dont ils prêtent serment ou dans les manières dont ils jurent. Comment
faisaient les peuples Sars autrefois. Sans doute, nous avons encore aujourd’hui
dans les habitudes, les relents de ce qui se faisait autrefois.
Les chefs de terre avaient un grand rôle dans la société
traditionnelle Sar. Leurs adjoints étaient appelés « Ngomgang ».
C’était donc le Ngombang qui donnait, lorsqu’il y avait litige le sorgho hâtif
qui servait pour les serments.
Pour prêter serment, ou pour jurer comme on le dit
couramment, on pouvait utiliser soit les feuilles de néré (Parkla africana), soit une plante appelée en sar «də̀ro » (Combretum glutinosum), soit le sorho hâtif. Le də̀ro était difficile à trouver puisqu’il faut aller le
chercher loin en plus, généralement, on utilisait les feuilles du néré et le
sorgho hâtif pour les serments.
Pour le serment, les deux adversaires apportent l’agent
que le ngombang dépose sur l’épi de sorgho avant de dire[1] :
« Vous êtes
venus me voir pour prendre le sorgho et jurer parce que vous avez un litige
entre vous. Je n’y suis pour rien. J’ignore ce que vous avez fait, j’ignore
votre querelle. Vous êtes cependant venus me voir. Je vous donne le sorgho pour
jurer. Je ne suis pas coupable du malheur qui pourrait survenir. Je n’ai de
querelle personnelle avec aucun d’entre vous deux. Cependant, comme c’est ma
charge de donner le sorgho, et que vous êtes venus me voir, je le ferai. Ce
sorgho que je vous donne, je le donne avec un cœur pur. Si l’un de vous va
raconter des histoires sur moi au village, qu’il réfléchisse sur ce qu’il dira,
car je ne suis pas allé moi-même vous chercher pour venir faire le serment.
Voilà ce que le ngombang dit avant de donner le sorgho
quand il s’agit de jurer dans un litige qui oppose deux personnes.
Il y a aussi des cas de calomnies et de rumeurs malsain
contre une personne ; cela peut concerner la sorcellerie. Lorsqu’une
personne prend conscience de pareilles rumeurs contre elle, elle peut chercher
elle-même le sorgho hâtif et aller trouver l’instigateur des rumeurs en disant :
« Cette histoire,
cela fait longtemps que j’en entends parler ! Comme j’ai vainement attendu
que tu viennes me trouver, c’est moi qui viens faire un serment sur moi-même
devant toi. Si ce que tu racontes, c’est moi qui l’ai fait, que ce sorgho que
je vais manger sous tes yeux me fasse gonfler le ventre et me tue ! Ou
bien que la saison sèche qui vient arrive après ma disparition, et qu’elle n’arrive
pas en ma présence ! »
Il y a également des cas ou quelqu’un jure avec l’eau du
marigot ou la foudre. Si la personne a choisi de jurer par l’eau du marigot,
elle dit : « Si j’ai fait ces actions-là, que l’eau du marigot me prenne. »
S’il se trouve que la personne a effectivement commis l’action et qu’il est
juré par mensonge pour convaincre les autres, il peut aller trouver le « Na-Naw-man »
(le chargé d’office des fonctions liées au fleuve). Elle dira :
« Moi, ou, j’ai
fait telle faute. Quand on m’en a parlé, j’ai nié catégoriquement, et j’ai juré
par l’eau du marigot, annule ce serment-là pour moi »
La personne paiera avec de l’argent ou avec des céréales.
Quand il s’agit du serment avec la foudre, on le fait de
la même façon mais la personne qu’il faut voir est le « faiseur de pluie ».
C’est lui qui a habilité d’annuler le serment avec la foudre.
Des différents serments dont il a été question, ceux
concernant l’eau (marigot ou foudre) sont moins grave car on peut les annuler
si on s’y prend à temps et qu’on voit la bonne personne pour le faire. Par
contre, le serment avec le sorgho, le də̀ro ou le néré est
plus grave car on les ingère et il est impossible par la suite de les recracher
totalement.
Il y a un troisième cas où l’on peut être amené à jurer.
Ici, il ne s’agit ni d’accusation mutuelle, ni par le sorgho ou le néré ;
il s’agit du cas il y a une mésentente entre deux frères et qu’ils en viennent
à échanger des paroles méchantes. Celui qui en prend l’initiative prononcera un
serment sur lui-même, disant :
« Toi, mon
frère, je n’ai plus que toi dans la famille ; mais puisque tu ne peux me
supporter, je m’en vais de mon côté ; quant à ce départ qui est le mien,
je ne remettrai plus jamais les pieds dans ce village : ou alors, ce sera
mon cadavre ! Si je retourne en camion, que le camion me renverse et que
je meure : si je reviens à pieds, qu’une bête m’attrape en chemin et me
tue ! »
Après avoir dit cela la personne quitte pour aller s’installer
dans un autre village. Si jamais il ressent de la nostalgie pour son ancien
village, il appelle alors ses amis, au nombre de quatre ou cinq pour leur dire :
« Moi, j’ai
maintenant un grand désir de retourner dans mon village ; or, ce qui m’avait
fait partir, c’est tel ou tel problème. Je vous le fais savoir ; quant à
moi, je retourne au village. »
Après ces paroles, il prépare son voyage. A son arrivée d’un
l’autre village, avant même de manger ou de boire, il se rend chez un chef de
terre, et s’étant assis devant lui fait cette déclaration :
« Moi, ce qui
m’a fait jurer sur moi-même c’est telle ou telle chose ; mais puisque
maintenant je veux revenir, donne-moi de l’eau que je boive et que je me lave
le visage, car ce village n’est pas pour moi un village d’emprunt. »
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