lundi 23 janvier 2017

Comment priaient les Sar avant le christianisme (par Pascal Djimoguinan)

            Parmi les jeunes tchadiens, notamment ceux du sud du pays, très peu savent comment priaient leurs ancêtres autrefois. Il serait intéressant de leur rappeler ce qui se passait autrefois afin qu’ils puissent donner plus de crédit à ce qu’ils croient aujourd’hui. La foi actuelle vient renforcer, voire corriger ce que les anciens entrevoyaient. Nous présentons ici une offrande aux ancêtres pour un marché dans le pays Sar[1]
            Ce que je vais vous dire, c’est ce qui concerne la prière à Dieu de nos ancêtres de jadis.
            Quand ils priaient, ils réfléchissaient à ce qu’ils allaient faire, et celui qui avait un culte à remplir auprès d’une Puissance, il allait, par exemple, un jour de marché de coton, il s’en allait rester à côté de la case et priait les Mânes de son père, il disait :
            « Toi, esprit de mon père, si tu me donnes vraiment de la force, que le coton que je vais vendre demain, m’apporte beaucoup d’argent. Et si j’ai bien gagné, je viendrai t’acheter un cabri, ou bien un poulet, et je t’en verserai le sang, en remerciement de l’argent du coton que j’aurai gagné par la force que tu m’as donnée pour que je gagne bien. »
            Donc, quand ils priaient les Puissances, ils disaient :
            « Toi Dieu, si tu me donne de la force, que cette Puissance ait beaucoup de force, pour que cette chose, je l’obtienne selon la prière que je fais. »
            Ainsi, il prononce en même temps le nom de Dieu pour que sa Puissance lui donne de la force et qu’il obtienne selon sa prière ce qu’il cherche.
            Les ancêtres priaient également en offrant de la farine délayée. Ils disaient :
            « Cette farine délayée que je verse à côté de la case, je la donne à mon père ; si l’esprit de mon père a de la force, que ce que je vais vendre produise quelque bénéfice. »
            Ayant prononcé ces paroles, la personne sort, prend sa marchandise et l’emporte. Si la vente se passe bien, La personne sera bien heureuse, autrement, il refera un autre rite propitiatoire auprès de son père.
            Lorsque la vente a rapporté beaucoup de bénéfice, la personne fera un sacrifice d’animal (un poulet ou un cabri) ; lors de ce sacrifice, il dira :
            « Père, je t’ai offert de la farine délayée qui t’a été agréable et les affaires ont bien marché ; aussi je verse le sang d’un animal pour toi ; mange avec joie et donne-moi la force de prospérer dans l’avenir. L’ancêtre est la semence de Dieu et tous ceux qui ont des problèmes avec un ancien sont punis par Dieu. Ainsi, c’est la farine délayée que je t’offre, père ; que cet argent gagné nous apporte le bonheur, à moi et à mes enfants. Qu’à l’avenir, nous soyons à l’abri de toute morsure du scorpion et du serpent ; que tous mes petits enfants soient en parfaite santé. »
            Il n’est pas étonnant de trouver dans ces prières des accents des psaumes. Dieu est présent avant que tout homme ne vienne l’annoncer. Nous nous rappelons la fameuse prêche de saint Paul à l’aréopage (Actes des apôtres 17,22-31).




[1] Jacques Fédry, Pascal Djiraingue, Prières traditionnelles du pays Sara,CEL, Sarh, 1977, p. 16-19.

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