Avec la révolution numérique, la parole n’a jamais été
autant présente dans la vie. Le téléphone portable avec les différents gadgets
qui s’y trouvent a bouleversé notre quotidien. L’espace et le temps ont été
bousculés, repensés, réorganisés. Deux endroits distants de plusieurs
kilomètres peuvent être joints en quelques secondes alors que par manque
d’antenne servant de relai, deux autres endroits distants d’à peine 30 kms ne
peuvent être joints qu’après quelques heures. Si on a jamais autant parlé il se
trouve qu’en même temps, la parole est dévaluée. On peut tout dire, n’importe
quand, sur n’importe quoi, comme on veut. Dire et se dédire ne posent plus
problème. Il est peut-être temps de revenir sur ce qui donnait de la valeur à
la parole prononcée.
Dans la tradition des peuples sara au sud du Tchad, la
parole était d’or. Toute prise de parole dans la société était ritualisée.
Chacun connaissait son rôle et toute parole avait le poids que lui donnaient la
circonstance et la personne qui la prononçait. Ainsi, une parole engageait la
personne qui la disait.
Chez les mongos, lorsqu’une personne disait quelque chose
et que par la suite faisait autre chose, cela pouvait aller jusqu’à détruire
toute sa vie. Il fallait faire une réparation. Il y a ce qu’on appelle
« GAMA » qui poursuit celui qui ne fait pas ce qu’il dit. La
tradition dit que la personne commence à dépérir et à perdre la santé. Cela
pourrait même aller jusqu’à une mort subite de la personne. les exemples de cas
où le Gama peut poursuivre la personne sont multiples. Un jeune homme qui sous
le coup de la colère quitterait la maison familiale en jurant de ne plus y
retourner mais qui quelque temps après y reviendrait. Cela pourrait également
être le cas de la femme qui partirait de son foyer de la même manière et qui y
serait ramenée après conciliation.
La réparation du « gama » était une espèce de
confession devant un tiers. Cela se passait le matin. A l’aube, une femme doit,
à partir des graines de courges, préparer de l’huile qu’on mélangeait aux
oignons sauvages pour le gama. A jeun, la personne doit confesser à haute voix ce
qu’elle a fait avant de boire de cette huile préparée. On dit alors qu’elle a
enlevé le gama. Elle peut donc reprendre l’activité qu’elle s’était juré de ne
plus exercer.
Le gama nous fait découvrir comment aujourd’hui nous
accordons très peu de valeur à ce que nous disons. Pourrions-nous revenir à une
parole de valeur ? Sommes-nous encore capables aujourd’hui d’être des
hommes et des femmes de parole ?
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