vendredi 26 avril 2019

Tchad : Vous avez dit écologie ? (par Pascal Djimoguinan)


Le Tchad est un vrai pays de paradoxe. Deux décisions contradictoires peuvent aller de pair sans déranger personne et sans personne ne relève le contraste. Si officiellement le Tchad reconnaît que l’accès à l’énergie et le respect de l’environnement sont les piliers du développement, sur le plan pratique, cela reste un vœu pieux. Il n’y a pas de synergie entre les différentes décisions et les applications qui en sont faites.
            Il y a d’un côté une chasse à l’homme terrible qui est organisée par les agents de l’environnement contre les vendeurs et trafiquants de bois et de charbon d’un côté et de l’autre une pénurie terrible de gaz butane. C’est à croire que les gens devraient croiser les bras et attendre jusqu’à l’agonie la fourniture du gaz dans les centres de distribution.
            Si des décisions sont prises pour éviter la déforestation et que tout abattage d’arbres, même les simples élagages sont sévèrement punis, on est étonné de voir qu’aucun effort n’est fait pour moderniser l’élevage. Alors que le Tchad est un grand pays d’élevage, les techniques n’ont pas évolué depuis la nuit des temps. Tout se fait de manière artisanale. Il n’y a pas de « ranch » comme tel et les bêtes (bœufs, moutons, chameaux) sont lâchées dans la nature. Tout se fait au détriment de la nature végétale et la déforestation ne fait qu’augmenter partout où passent les bêtes.
            Il faudrait que de nouvelles lois soient prises, si l’on veut que l’environnement soit respecté en même temps que la pratique de l’élevage. Mais trouvera-t-on un responsable politique qui soit intéressé par un problème aussi trivial ???





mercredi 24 avril 2019

Message de Pâques de l'Archevêque de Bangui (RCA)


« Frères, si vous êtes ressuscités avec le Christ,
recherchez les réalités d’en haut » Col 3, 1
Chers frères et sœurs,
Et vous, hommes et femmes de bonne volonté,
« La paix soit avec vous ! » (Lc 24, 36)
            C’est avec les mots du Ressuscité que je voudrais introduire la méditation de cette nuit glorieuse où le ciel et la terre se rencontrent en une même aspiration profonde et si importante : la paix.
Aujourd’hui, Jésus ressuscité nous donne la paix, sa paix, non pas celle du monde, mais la vraie paix. Tous nous désirons ardemment la paix : la paix du cœur, la paix de l’esprit, la paix dans nos familles et dans l’ensemble de notre pays. Sans cela, il ne pourrait y avoir ni croissance, ni prospérité, ni développement intégral[1].
Jésus nous comble de sa paix au terme de l’intense combat spirituel qui nous a opposés au Malin durant le carême. Le Seigneur nous a dispensé la force spirituelle nécessaire pour aller jusqu’au bout et triompher. Ce furent 40 jours de ferventes prières, de privations, de solidarité dans le partage, d’assiduité à répondre aux appels de l’Eglise. De telles attitudes reflèten[2]t la descente nécessaire, la plongée dans la mort avec le Christ qui précède la remontée vers la Vie incorruptible.
La paix du Ressuscité se manifesta dans un climat d’abattement où les apôtres, éprouvés par l’absence physique du Maître, timorés et ceints par la menace de la mort, se condamnèrent eux-mêmes à la réclusion. Pour nous aussi la joie pascale s’épanouit dans une morosité lourde et inquiétante liée à la situation socio-politique de notre pays, à toutes nos espérances inassouvies et à tous ces évènements qui, se produisant, ne cessent de susciter de multiples questionnements : sommes-nous sortis de cette crise infernale qui dure depuis des décennies ? Le forum de Bangui avait prôné la résolution « impunité zéro ». La Constitution de la République Centrafricaine indique que la justice sociale fait partie des principes de la République. Les décisions politiques actuelles respectent-elles l’esprit de ces deux textes ? Il ne peut pas avoir de paix sans justice comme le rappelle le psalmiste : « Justice et paix s’embrassent » (Ps 84, 11).
C’est au milieu de ces frustrations, de ces désespoirs, de ces croupissements que retentit aujourd’hui ce cri joyeux : Alléluia, Jésus est ressuscité !
1. « Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour » (Ac 10, 39)
 Frères et sœurs,
Afin de nous sauver et de nous réconcilier avec Dieu, Jésus s’est abaissé jusqu’à atteindre le comble : la mort sur la croix. Cet abaissement salutaire eut deux aspects : d’abord celui que lui ont assigné ses ennemis puis celui, sublime, qu’il manifesta de son plein gré : ma vie « je la donne de moi-même » (Jn 10, 18)
Les pages de l’Évangile que nous avons écoutées durant les dernières semaines du temps de carême nous présentèrent un Jésus autour de qui l’étau s’est progressivement resserré. Nombreuses furent les tentatives publiques pour lui faire dire la parole blasphématoire qui aurait alors justifié son arrestation et sa mise à mort : mais chaque fois le Fils de l’homme y échappait, sans pour autant renoncer à marcher jusqu’au terme de sa mission. Il fallut alors qu’un des siens le trahît : ses adversaires purent enfin assouvir leur courroux en l’humiliant jusqu’à l’extrême. (cf. Is 52, 14 ; 53, 2b-3 ; Is 53 4a - 5b).
Jésus, en acceptant d’être humilié, et de descendre jusqu’au shéol, a voulu se faire solidaire de toute la misère humaine. Aujourd’hui, son geste atteste qu’il accepte de prendre sur lui le sort injuste des nombreuses victimes de la crise centrafricaine. Il n’y a pas raison de désespérer car son destin indique ce que sera l’aboutissement de l’histoire. La satisfaction des bourreaux de Jésus ne fut qu’un triomphe éphémère car Dieu a ressuscité son Fils et il a choisi de ne pas leur manifester la gloire de son relèvement (Cf. Ac 10, 41 ).
Frères et sœurs,
Tout au long de sa vie, Jésus s’est abaissé pour servir l’humanité. Aujourd’hui encore, il s’abaisse pour se faire solidaire de tous ceux qui souffrent et qui, les yeux levés vers le ciel, implorent désespérément la justice. Lui qui s’est fait esclave de l’humanité afin de l’élever dans la gloire du Père nous montre aussi qu’il n’y a de véritable glorification que dans le service et l’amour du service.
Aujourd’hui, il nous arrive de courir éperdument après le pouvoir ainsi qu’après des postes ministériels en y voyant la récompense suprême, la gloire sur terre, en oubliant que « ministre » signifie « serviteur », abaissement et que celui qui veut être le premier doit être l’esclave de tous. (Cf. Mc 10, 44) Ne courir qu’après les honneurs terrestres, c’est choisir de descendre vers le shéol non pas pour en ressortir mais pour y demeurer. Or le Christ en ressuscitant montre qu’il n’y a de réalités d’en haut, de véritables valeurs que l’abaissement, le service, l’humilité lesquels favorisent la proximité, le dialogue et la compassion.
  Qu’il me soit permis à travers un tel appel de rendre hommage à l’Eglise de Centrafrique qui depuis 125 ans, dans la souffrance et la joie, n’a cessé d’annoncer le Christ et d’œuvrer pour la libération de tous ses enfants qui croupissent sous le poids de la misère et de l’injustice. Puisse-t-elle annoncer encore et toujours Jésus solidaire des pauvres et des petits dans la pauvreté et le service. En cette année que nous avons consacrée au dialogue œcuménique et interreligieux, je voudrais aussi saluer toutes les autres religions, qui, depuis leur installation en Centrafrique, prônent la paix, l’amour et la réconciliation. La joie de Pâques est un appel à l’espérance et à la persévérance, un appel au dialogue pour la réunification de l’unique Corps du Christ. Le Christ est ressuscité, alléluia !
2. Jésus est le Chemin, la Vérité et la Vie (Cf. Jn 14, 6)
Frères et sœurs, Si nous sommes ressuscités avec le Christ, nous sommes concrètement appelés à vivre non plus selon la chair mais selon l’Esprit. C’est à cela que nous appelle le baptême dont le moment de célébration par excellence est la Pâques. Répondant à l’appel du Christ, tous nous acceptons de renoncer à Satan ainsi qu’à toutes ses séductions. Être ressuscité avec le Christ après avoir plongé dans la mort avec lui signifie opter résolument pour un nouvel état de vie. Telle est aussi l’espérance du Seigneur pour chacun de nous, lui qui nous appelle à le retrouver en Galilée.
Plus que jamais, en ces heures d’inquiétude et de questionnements, Jésus s’offre à nous comme un compagnon de route, la route à suivre pour la prospérité, la justice, le partage équitable des biens que recèle notre terre. Il se présente à nous comme la vie, une vie donnée, une vie à contempler et à accueillir qui fournira l’énergie vitale dont nous avons besoin pour traverser ces heures sombres de notre histoire et faire enfin lever sur notre terre une authentique civilisation de l’amour. Jésus qui a triomphé de la mort nous apprend que le bien et la vérité constituent les derniers mots de l’histoire, non pas la violence, l’arrogance, la vengeance, corollaires du mal.
 « Le bras du Seigneur se lève, le bras du Seigneur est fort ! » (Ps 118, 16). La puissance du Seigneur est susceptible de faire de la pierre méprisée, bafouée, humiliée, rejetée par le bâtisseur, la pierre angulaire de la création renouvelée (cf. Ps 118, 22). Je dis cela pour vous encourager vous tous qui souffrez et peinez aujourd’hui afin que vous ne désespériez pas de voir se lever le jour nouveau et que vous ne perdiez pas foi en Jésus-Christ.
 Frères et sœurs,
L’évangile de la messe du jour nous présente les premiers témoins de la résurrection : Marie Madeleine, la pécheresse pardonnée que l’Eglise honore en tant qu’« apostola apostolorum », Pierre et Jean. Leur mention nous rappelle que nous sommes nous aussi appelés à être témoins de la résurrection de Jésus dans nos cités, dans nos familles. Pierre, 4 Jean, Marie Madeleine et les autres disciples ont été les témoins de la vérité que le monde s’évertue souvent à occulter afin d’égarer les fils de Dieu.
Oui, notre société a besoin de voir se manifester des hérauts de justice et de vérité. « La vérité germera de la terre » a proclamé le psalmiste (Ps 84, 12). Je souhaite de tout cœur qu’en Centrafrique nous nous dévouions à œuvrer en toute franchise, en toute transparence et qu’ainsi nous brisions le silence sur les drames qui s’y jouent. « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ! » (Ps 84, 11)
 Ne laissons pas croître une culture du mensonge qui desservirait toutes nos attentes et même fausserait nos dialogues. Jésus nous révèle le secret pour être dans la vérité et la récompense inouïe que nous en obtenons : « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. » (Jn 8, 31-32) Cela revient à dire que vivre dans le mensonge établit dans la servitude, la servitude vis-à-vis de Satan, le Père du mensonge.
Je voudrais saluer la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation qui a été mise en place sur le plan national pour promouvoir la vérité et la justice et je l’appelle à ne pas oublier les nombreuses victimes qui attendent que l’on considère et résolve leurs revendications.
Tous ensemble, demandons au Christ, par l’intercession de la Vierge Marie, Notre Dame de l’Oubangui, de dissiper les ténèbres de notre méchanceté, de notre convoitise et des faux témoignages qu’il nous arrive de porter, afin que nous entreprenions le chemin de la conversion et de la paix intérieure. Qu’il nous donne la force de tenir fermes lorsque nous sommes victimes d’injustice et de mensonge. Que son Esprit éclaire tous ceux qui exercent le ministère de la justice pour qu’ils délaissent l’impunité et rendent vraiment justice.
À tous, je souhaite une très belle et sainte fête de Pâques. Amen !
Dieudonné Cardinal NZAPALAINGA
Archevêque Métropolitain de Bangui


[1] 1 Cf. Paul VI, Populorum progressio, n° 87, 1967 : « Le développement est le nouveau nom de la paix. »
[2] 2 Cf. Constitution de la République Centrafricaine, art. 25.



lundi 25 mars 2019

Qu'avons-nous fait pour en arriver là ? (par Pascal Djimoguinan)


            Samedi 23 mars 2019, une terrible nouvelle vient d’Afrique, plus particulièrement du Mali : « Plus de 130 civils peulhs ont été massacrés dans la ville de Ogossagou. C’est la désolation complète, bétail brûlé, cases incendiées… La ville est complètement vidée de ses habitants. » Ce massacre aurait été perpétré par une milice des chasseurs
            Nous sommes maintenant habitués aux décomptes macabres des victimes des attentats terroristes de par le monde. Peut-on s’habituer à l’insoutenable ? Il se trouve que malheureusement, cela fait désormais partie de notre quotidien.
            L’homme est un être qui vit de la résilience. Il finit toujours pas s’habituer aux situations les plus insoutenables pour pouvoir survivre.
            En Afrique, il ne manque de jours où nous apprenons des massacres opérés soit par des djihadistes au Mali, soit par Boko Haram dans la région du Lac Tchad, soit par les Shebabs en Somalie.
            Pourquoi l’anormal tend-il à se normaliser ? Comment arrivons-nous à tellement nous habituer aux tueries de masses que nous ne voyons plus le côté choquant ?
            Où va notre monde ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Nous sommes obligés de nous durcir le cœur pour survivre à cette vaque meurtrière qui nous entoure désormais. Nous vivons une époque où le « Tsunami du terrorisme » nous envahit et risque à tout moment d’emporter ce qui nous reste de notre humanité.
            Qu’avons-nous pour notre défense ? Nous n’avons très peu de moyen pour nous prémunir contre ce mal qui nous guette.
            Le peu de moyen qui nous reste est la seule chose qui peut encore nous maintenir dans notre humanité. Il s’agit de notre conscience.
            Nous devons nous engager dans le combat de la conscience. Il s’agit de l’éduquer, de la renforcer.
            Cela semble si peu, mais c’est ce qu’il y a de plus puissant chez l’homme. Avec la conscience, nous nous pouvons vaincre le combat contre tous les obscurantismes qui menacent le monde.
            Nous nous armons de notre conscience et de notre espérance et nous savons que nous sauverons notre humanité. Le mal le plus absurde ne peut avoir le dessus sur la raison. Restons vigilants car nous sommes tous des sentinelles, des vigiles qui veillons sur notre humanité. Avant d’essuyer une larme, je voudrais penser aux victoires de demain.




mercredi 13 février 2019

LU POUR VOUS/Délit de presse : le directeur de publication du journal Eclairage est condamné.


            Le directeur de publication du journal tchadien Eclairage a été condamné mercredi à six mois de prison avec sursis pour diffamation envers le frère du président Idriss Déby Itno.
            Deli Nestor, directeur de publication du journal, a été condamné à six mois de prison avec sursis, 500.000 francs (750 euros) de dommages et intérêts et 50.000 francs (75 euros) d’amende. La procédure contre M. Deli avait été lancée le 12 juillet 2017, après la plainte de M. Déby à la suite d’un article publié en juin et intitulé « Vilgrain, Daoussa Déby et compagnie dans la guerre du sucre ». L’article incriminait le frère du président Idrisse Déby Itno, Daoussa Déby Itno, comme étant « l’un des barons de la fraude » relative à l’importation de sucre depuis le Soudan vers le Tchad. « Mécontent de cet article, Daoussa Déby a porté plainte contre nous pour diffamation », a déclaré Deli Nestor à l’AFP. « Nous avons fourni toutes les preuves de cette fraude organisée par Daoussa Déby, mais le tribunal a voulu se débarasser des dossiers pour nous condamner », a-t-il ajouté. Le Tchad était en 2018 classé 123ème sur 180 dans le classement de la liberté de la presse de l’ONG Reporters sans frontières (RSF).
https://www.africa1.com/news/article-sur-le-frere-du-president-au-tchad-directeur-de-journal-condamne-145683?



mardi 12 février 2019

Tchad : figure libre. Et si on s'en prenait à rêver (par Pascal Djimoguinan)


« Pour réaliser une chose vraiment extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez d’un trait jusqu’au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager » Walt Disney.
            Même si parfois le rêveur a mauvaise presse auprès de l’opinion, il faut admettre que les grandes choses qui se sont réalisées dans notre monde sont nées d’un rêve, parfois fou au départ. Il faut donc oser rêver, oser aller au-delà de ce que le réalisme pourrait interdire. Au niveau des Sciences, Gaston Bachelard a parlé des obstacles épistémologiques pour désigner tout ce qui vient faire écran entre le désir de connaître du scientifique et l’objet qu’il étudie. Il faut donc être capable de dépasser les habitudes acquises pour poser des questions, au-delà des apparences…
            Et si on rêvait d’un Tchad où tous s’engageraient à ne plus jamais prendre des armes contre leur pays…
            Rêve fou, irréalisable, pure utopie…
            Osons le penser ! Le Tchad serait-il le seul pays en Afrique où les freins seraient tels qu’aucun dialogue ne serait possible, où la force de la société civile serait stérile ? Il y a beaucoup de pays en Afrique qui connaissent des difficultés pour mettre en place une démocratie apaisée. Et pourtant leurs citoyens ne se découragent pas. Pourquoi faut-il qu’au Tchad la solution des armes soit pensée comme une panacée ?
            L’esprit des citoyens dans ce pays serait-il tourné de telle façon qu’il nous est impossible de penser que l’histoire n’est pas inscrite dans le « mythe de l’éternel retour » mais qu’elle est linéaire ? Pourquoi faut-il que l’esprit s’enferme dans une stérilité telle qu’il en vient à dévorer ses propres enfants ?
            La baïonnette est sans doute utile pour bien de choses mais on ne peut s’asseoir dessus. Il est donc impossible de construire un pays en s’asseyant sur une baïonnette.
            Il est possible de penser un Tchad où il serait infâme de prendre les armes pour les utiliser contre les citoyens du pays. Comment s’engager avec une telle légèreté dans une guerre fratricide où le frère tue le frère, viole la sœur, spolie la mère et profane la terre avec le sang d’un parent ?
            Voici le temps de prendre au sérieux la citoyenneté qui unit les fils de la nation tchadienne. Ce n’est point l’apologie d’une dictature car aucune ne peut tenir devant une société civile bien enracinée dans le peuple.
            Osons rêver que, à tous les niveaux de l’engagement politique au Tchad, il y ait un engagement citoyen. Il faut apprendre à aimer le pays. Il n’y a qu’un seul Tchad que la génération actuelle léguera à la génération future. Quelle honte s’il faut laisser un tas de ruine aux enfants à venir ? Quelle honte si l’avenir ne retient de certains hommes politiques que le titre de bouchers ou de vautours (parlons plutôt de charognards car plus parlant).
            Tous les hommes politiques tchadiens, vous êtes face à l’histoire et sachez qu’aucune de vos transactions cachées n’est sécrète. Tout le monde le sait et c’est sur cela que vous êtes jugés. Vos sourires hypocrites à la télévision et sur les photos ne vous trompent que vous-mêmes. Le peuple n’est pas dupe !




vendredi 8 février 2019

Plaidoirie pour le Tchad (par Pascal Djimoguinan)


Dimanche 2 février 2019, une patrouille de mirage 2000 français est intervenue dans le Nord du Tchad contre un convoi de 40 véhicules pick-up d’un groupe armé venant de Lybie. Cette colonne est celle de l’Union de Forces de la Résistance (UFR) de Timane Erdimi.
            Une controverse s’est aussitôt engagée pour reprocher à la France d’intervenir dans les affaires intérieures du Tchad. Pour les rebelles, cela constitue un tournant dangereux pris par la France. Pour le gouvernement tchadien, c’est la colonne des mercenaires terroristes qui aurait été neutralisée et mise hors d’état de nuire.
            Au-delà de toute polémique, il y a des questions qu’on aimerait bien se poser sur le Tchad.
            Comment se fait-il que bien que nous soyons en 2019, le Tchad ressemble à un petit royaume médiéval où les affaires politiques se règlent par des armes au gré des alliances familiales et claniques ? Peut-on dire qu’un problème familial soit un problème national ?
            Il est étonnant de constater que malgré toute la formation politique dont ont bénéficié beaucoup de tchadiens, ils trouvent que la seule solution politique consiste à lancer une colonne de pick-up contre une capitale et de la prendre dans une charge de cavalerie.
            Où a-t-on fauté ? Qu’y a-t-il de particulier dans la philosophie politique tchadienne. D’où vient-il que la perspective d’une guerre fratricide ne fasse pas hésiter les tchadiens ?
            La douleur des tchadiens ne semble rien dire aux hommes politiques et aux militaires. Personne n’ose imaginer la souffrance des populations de N’Djamena lors d’une attaque de la ville. Faut-il se rappeler les foules sur le pont vers la ville frontière de Kousseri ?
            Il faut se dire que la responsabilité des « politico-militaires » est engagée. Il ne faut plus jamais de guerre dans les grandes villes du Tchad. Ces guerres n’ont rien arrangé depuis qu’elles ont commencé. Elles n’ont apporté que leurs lots de tueries, de pillages et de destructions. Après chaque guerre, il faut repartir de nouveau, construire, tout refaire.
            A-t-on l’assurance que la situation nouvelle qu’engendra la guerre sera meilleure que celle que le pays connait en ce moment ?
            En Afrique, les exemples récents montrent que la société civile est capable d’apporter des changements politiques et de l’alternance au pouvoir.
            Peut-on être capable au Tchad de laisser les armes pour s’engager dans les combats de la société civile.
            La réflexion doit s’engager dans ce domaine. Il faut plutôt voir comment renforcer la société civile et l’aider à trouver une base plus solide auprès de la population. Une solution qui ne prendra pas en compte l’avis des populations tchadiennes est une solution compromise. Le peuple est majeur et doit pouvoir décider de son avenir.
            En attendant, il faut attendre une ouverture de la part de ceux qui gouvernent afin que le jeu politique puisse se passer pleinement. La fermeture n’a jamais profité à personne.





mercredi 6 février 2019

LU POUR VOUS/AFRIQUE - Un jardin botanique pour combattre le paludisme


En Afrique, le paludisme est l’une des maladies les plus répandues et les plus mortelles. Selon l’OMS, en 2018, ont été enregistrés de par le monde 216 millions de cas et 445.000 décès à cause du paludisme dont 194 millions en Afrique – et 407.000 morts sur ce continent. Plus de 70% de l’ensemble des morts causées par le paludisme sont constituées par des enfants de moins de 5 ans dont plus de 80% vivent en Afrique subsaharienne. Dans cette région, seuls 19% des enfants touchés par la pathologie parviennent à recevoir un traitement adéquat et toutes les deux minutes, un enfant meurt de paludisme. Le Nigeria est le pays qui affronte la charge la plus lourde, avec 27% des cas au niveau mondial. Cette pathologie, outre le fort impact qu’elle présente sur la santé, a également une incidence importante sur le développement économique. Depuis l’an 2000, le paludisme a couté à l’Afrique subsaharienne 300 millions d’USD par an seulement au titre de la gestion des cas, les couts étant estimés jusqu’à 1,3% du PIB continental.
Depuis l’an dernier, est en cours l’administration d’un nouveau vaccin antipaludique au Kenya, au Ghana et au Malawi. D’ici 2020, l’OMS compte vacciner au moins 360.000 enfants. Entre temps, pour faire face à la pathologie, il est fait recours aux médicaments traditionnels à base de chloroquine qui cependant sont toujours moins efficaces dans la mesure où le plasmode, cause de la diffusion de la maladie – transmise par la piqure des moustiques anophèles – est parvenu à devenir résistant aux médicaments.
En 1972, le pharmacien chinois Tu Youyou est parvenu à isoler l’artémisinine, principe actif de l’armoise naturelle. L’artémisinine s’est révélée particulièrement efficace pour lutter contre le paludisme dans la mesure où elle parvient à éliminer le plasmode. Grâce à cette découverte, la scientifique a reçu le Nobel pour la Médecine en 2015. Portée en Afrique par des médecins asiatiques, l’artémisinine a aidé à réduire les effets du paludisme.
Les Jésuites ont ainsi décidé de cultiver l’armoise pour en tirer la précieuse artémisinine. Depuis des années, les religieux disposent d’un arboretum à Oyo, au Tchad. Au sein de ce jardin botanique, outre à préserver les espèces autochtones rares, ils se proposent de cultiver et de diffuser les plantes médicinales. « Cultiver l’armoise – explique le Père Franco Martellozzo SJ, depuis plus de cinquante ans missionnaire au Tchad – n’est pas simple. Les semences sont tellement fragiles qu’elles doivent être irriguées par pénétration capillaire dans des récipients particuliers. Ensuite, les premiers plants doivent être transplantés dans des lieux protégés et seulement deux mois plus tard, être mis en pleine terre ». Pour rendre possible la culture de ce jardin botanique, a été construit un système d’irrigation qui fonctionne grâce à une installation électrique solaire. « De l’armoise – remarque le Père Martellozzo qui collabore avec son confrère français, le Père Serge Semur – est ensuite extraite l’artémisinine dans l’espoir qu’elle puisse constituer un frein à la maladie avec laquelle la population est contrainte de cohabiter depuis des siècles ». (EC) (Agence Fides 06/02/2019)