Il est des sujets au Tchad où le commun des mortels perd
toute objectivité lorsqu’il consent à l’aborder. Tel est le cas du bilinguisme.
Très vite, il y a un amalgame et il devient très vite impossible de mener un
débat constructif. Or il s’agit d’un sujet qui concerne la construction d’une
nation. Au Tchad, il s’agit de faire mémoire d’’’un avenir à construire
ensemble et pour cela, il faut savoir avancer sans tabou, cherchant ce qui peut
aider. Une fois que l’on a réussi à se débarrasser de toutes les pesanteurs culturelles
et socioreligieuses, que peut-ont dire du bilinguisme au Tchad ?
Au Tchad comme partout ailleurs, on ne vit pas en vase
clos ; nul n’est comme une ile dans la mer. Il s’agit donc de regarder
autour de nous pour voir ce qui se vit avec beaucoup de bonheur.
Nous avons l’exemple de quelques grandes démocraties qui
vivent le bilinguisme et qui pourraient nous servir de paradigme. Il s’agit du
Canada, de la Belgique et de la Suisse.
Le Canada vit le bilinguisme (anglais et français) en
développant des législation et des politiques qui qui mettent en œuvre le
statut égal du français et de l’anglais au niveau national tout en protégeant
les droits des minorités anglophones ou francophones dans les différentes
provinces. Sur le plan pratique, cela comprend quatre grands points à savoir :
·
l'obligation pour le gouvernement fédéral de gérer ses affaires à la fois
en français et en anglais et le droit pour les usagers de recevoir les services
de l'administration dans l'une des deux langues ;
·
l'encouragement des autres niveaux de gouvernement (les provinces et
territoires, mais également les municipalités) à fournir des services dans les
deux langues ;
·
l'obligation pour certains acteurs privés à fournir des indications dans
les deux langues (comme l'étiquetage des produits alimentaires par
exemple) ;
·
le soutien aux acteurs non-gouvernementaux qui encouragent ou promeuvent le
statut de l'une ou l'autre des langues officielles (ce qui inclut un soutien
aux organisations de la minorité anglophone au Québec et à celles de la
minorité francophone ailleurs).
En Belgique,
le bilinguisme a suivi les vicissitudes de l’histoire. A la naissance de la Belgique,
il y a eu une révolution contre le Pays-Bas (1830) ; c’était la
bourgeoisie en grande partie francophone qui se tournait contre un pays néerlandophone.
En 1898, le flamand devenait une langue officielle en Belgique. Les
francophones, prenant peur que le flamand ne deviennent obligatoire pour eux,
ont favorisé la loi de 1921 qui dit que la langue serait limitée, basée sur un
territoire. C’est ainsi que petit à petit, on verra se mettre en place les trois
communes linguistiques. A partir de 1932, la langue flamande est devenue
obligatoire dans les écoles flamandes. Aujourd’hui, la situation linguistique
de la Belgique peut se résumer ainsi : les langues officielles sont le français qu’on parle en Wallonie au
sud de la Belgique, le néerlandais au nord de la Belgique et l’allemand à l’est.
En Suisse, la question
des langues est une composante culturelle et politique essentielle. Il y a
quatre langues parlées en Suisse : le français, l’allemand, l’italien et
le romanche. Seules les trois premières sont en usage officiel pour les
rapports à la confédération et aux cantons. Le territoire national est découpé
en quatre zones linguistiques. La langue majoritaire y détermine la langue en
usage. La constitution fédérale fixe quatre principes : l'égalité des langues, la liberté des citoyens
en matière de langue, la territorialité des langues et la protection des
langues minoritaires.
La vue cavalière de ces trois pays
parlant plusieurs langues officielles pourrait aider le Tchad à sortir de son
bourbier. Il y a des pays qui reviennent dans tous les pays cités quand il s’agit
des langues officielles :
- L’égalité
des langues : cela signifie que dans l’administration, les langues
officielles se valent ;
- La
liberté des citoyens en matière de langue : on ne devrait pas obliger un
citoyen à étudier une autre langue en plus de la langue officielle qu’il parle.
Il est libre d’apprendre une autre langue et on ne devrait pas lui demander s’il
est quand même tchadien quand il ne parle pas l’autre langue officielle.
- L’Etat
a l’obligation de respecter le droit pour les usagers de recevoir
les services de l'administration dans l'une des deux langues
- Et
si l’on disait qu’au Tchad, la langue officielle majoritaire déterminait la
langue en usage ? C’est ici que nous touchons le point qui fâche. Il ne
faut pas imposer une langue inconnue dans un milieu qui ne la parle pas. Ainsi
pour les affections des fonctionnaires, il faudra tenir compte de leur
formation pour éviter des créer des impairs. Chacun à la place qu’il faut et
tous construirons le pays.
La question du bilinguisme est une épine au pied du Tchad
mais seul un débat sans passion et rationnel peut aider à avancer. Ne pas
prendre l’utilisation de l’arabe et du français dans l’administration comme un
problème religieux mais plutôt comme un problème pratique. Ne pas confondre l’arabe
littéraire qui est la langue officielle et l’arabe dialectal qui est une langue
nationale comme toutes les autres langues parlées dans le pays. Le débat
continue…
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