samedi 20 février 2016

Tchad : Et si l'affaire Zouhoura était une patate chaude (par Pascal Djimoguinan)

            Depuis quelque temps, le microcosme tchadien est en ébullition à cause de l’affaire Zouhoura. Une affaire qui somme toute, semblait anodine puisque semblable à tant d’autres, a pris une allure très politique au point de devenir une patate chaude que chacun cherche à refiler rapidement à d’autres
            Le 8 février, une jeune fille, une tchadienne de 16 du nom de Zouhoura, a été violée par cinq hommes. Ceux-ci ont pris le temps de filmer leur crime et de le poster sur les réseaux sociaux, sûrs de l’impunité dont ils jouissent.
            Les jeunes hommes, fils de hauts dignitaires du régime en place , avaient pris l’habitude de violer des jeunes filles et de filmer leurs crimes. Ils les postaient par la suite sur les réseaux sociaux. Ils utilisaient le chantage pour obtenir le silence de leurs victimes.
            Dans le cas d’espèce, celui de Zouhoura, quelque chose n’a pas tourné rond. La jeune fille n’a pas cédé à la menace. Elle a révélé l’agression à sa famille. Dans un premier temps, la famille a porté plainte mais l’affaire a été très vite étouffée.
            En représailles, les agresseurs vont mettre en ligne la vidéo de Zouhoura nue et en larmes. Ce fut là une erreur fatale. La réaction ne se fit pas attendre. Dès le lundi 15 février, des centaines de manifestants se rassemblent à N’Djamena et exigent la justice Pour Zouhoura et toutes les autres. La police charge et il y aura un mort, un jeune de 17 ans ; selon le procureur général, "les éléments des forces de l'ordre mis en cause dans l'affaire seront mis aux arrêts et traduits devant les tribunaux".
            Les agresseurs seront finalement arrêtés mais l’affaire a pris des ampleurs titanesques. Le président Deby va réagir en « tant que chef de famille » et dira son écœurement en promettant que la justice sera rendue.
            La colère gronde partout au Tchad ; comme tous les jeunes du monde entier, ceux du Tchad n’acceptent pas l’injustice. Ils réclament justice. De ville en ville, des manifestations s’organisent
            Au lieu de mettre de l’eau dans son vin, le nouveau gouvernement choisit la manière forte. Le ministre de l’Intérieur ne veut pas voir la spontanéité dans les diverses manifestations. Pour lui, il y aurait manipulation : « Nous sommes sûrs, nous sommes convaincus que ces élèves-étudiants sont instrumentalisés par des groupes, je ne les appellerais même pas des politiciens, par des politicards au petit pied qui jettent les enfants dans la rue. Ce n'est pas normal ! Je dis que le festival du désordre est terminé ! »
            Loin de calmer le jeu, cela semble jeter dans l’arêne l’opposition politique et la société civile. Personne ne peut prédire ce que sera demain. Les réseaux téléphoniques et sociaux sont fortement perturbés sur l’ensemble du territoire.

            Le gouvernement gagnerait à ne pas se tenir uniquement à des réactions circonstanciées mais à prendre des initiatives favorables à la paix et à l’Etat de droit. Il faudra laisser la justice aller au bout de ses investigations.


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