samedi 6 juillet 2013

Tchad, marche pour soutenir la justice contre Habré (par Pascal Djimoguinan)


            N’Djamena le 5 juillet à la place de la Nation, on se croirait revenu aux temps de Hissène Habré ; une marche de soutien a lieu. Paradoxalement, c’est une marche contre Habré. La journée avait été déclarée chômée et payée afin de permettre à la population de marcher pour soutenir la justice qui est en train de se préparer à juger Hissène Habré.

            En dehors de cet aspect folklorique, il faut se rendre compte qu’il y a un fait majeur qui est en train de se mettre en place. La machine judiciaire est en train de se préparer à juger Hissène Habré pour des faits très graves :  inculpé  de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de tortures.C’est peut-être aussi la première fois qu’un ancien chef d’Etat africain va être jugé par une justice indépendante pour le mal qu’il a fait à ses concitoyens. C’est un défi pour toute l’Afrique.

            La vigilance s’impose car on risque dans cette histoire de se laisser berner si on n’y prend garde. On peut facilement se tromper de victime. Beaucoup voit en Habré un vieillard frêle jeté à la vindicte populaire. Il se présente comme une victime innocente qu’on mène à l’abattoir. Il a beau jeu de crier avec ses avocats au complot.

            Pourtant, au Tchad, la mémoire reste vive. Quelle famille ne se souvient de cette période où beaucoup avaient l’impression d’être des tchadiens de seconde zone ? Qui ne se souvient de cette période où, ayant perdu un membre de la famille, on devait continuer de se comporter comme si de rien n’était, de peur de se faire arrêter ? Qui ne se souvient de cette période où toute une partie du pays offrait un paysage comparable à ce qui restait après le passage d’Attila ?

            Non, il ne faut pas se tromper de victime. Il ne faut pas se laisser tromper par l’apparence physique d’Habré. Ce qui me choque personnellement, c’est l’outrance et l’arrogance de l’homme. Non seulement il ne reconnaît pas le mal qu’il a fait, il n’ose pas demander pardon à toutes les populations qui ont souffert dans leur chair. Ce qui fait la grandeur de tout homme politique, c’est d’assumer ses actes. Habré en serait-il capable ? Pourra-t-il oser demander pardon aux tchadiens ? Au-delà du jugement qui est en train de se mettre en place, j’ose croire qu’il pourra demander pardon.

            Malgré le temps, les blessures restent ouvertes. Le peuple et les victimes de Habré attendent son procès et une improbable demande de pardon de sa part pour que puisse commencer leur guérison. Le peuple n’est ni rancunier, ni revanchard. Il demande tout simplement que la justice fasse son travail et que le Tchad puisse retrouver la paix. Cette paix doit d’abord venir des cœurs. Que Dieu bénisse le Tchad !

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