N’Djamena le 5 juillet à la place de la Nation, on se
croirait revenu aux temps de Hissène Habré ; une marche de soutien a lieu.
Paradoxalement, c’est une marche contre Habré. La journée avait été déclarée
chômée et payée afin de permettre à la population de marcher pour soutenir la
justice qui est en train de se préparer à juger Hissène Habré.
En dehors de cet aspect folklorique, il faut se rendre
compte qu’il y a un fait majeur qui est en train de se mettre en place. La
machine judiciaire est en train de se préparer à juger Hissène Habré pour des
faits très graves : inculpé de crimes de guerre, de
crimes contre l’humanité et de tortures.C’est peut-être aussi la première fois qu’un ancien
chef d’Etat africain va être jugé par une justice indépendante pour le mal qu’il
a fait à ses concitoyens. C’est un défi pour toute l’Afrique.
La vigilance s’impose car on risque dans cette histoire
de se laisser berner si on n’y prend garde. On peut facilement se tromper de
victime. Beaucoup voit en Habré un vieillard frêle jeté à la vindicte
populaire. Il se présente comme une victime innocente qu’on mène à l’abattoir.
Il a beau jeu de crier avec ses avocats au complot.
Pourtant, au Tchad, la mémoire reste vive. Quelle famille
ne se souvient de cette période où beaucoup avaient l’impression d’être des
tchadiens de seconde zone ? Qui ne se souvient de cette période où, ayant
perdu un membre de la famille, on devait continuer de se comporter comme si de
rien n’était, de peur de se faire arrêter ? Qui ne se souvient de cette
période où toute une partie du pays offrait un paysage comparable à ce qui
restait après le passage d’Attila ?
Non, il ne faut pas se tromper de victime. Il ne faut pas
se laisser tromper par l’apparence physique d’Habré. Ce qui me choque
personnellement, c’est l’outrance et l’arrogance de l’homme. Non seulement il
ne reconnaît pas le mal qu’il a fait, il n’ose pas demander pardon à toutes les
populations qui ont souffert dans leur chair. Ce qui fait la grandeur de tout
homme politique, c’est d’assumer ses actes. Habré en serait-il capable ?
Pourra-t-il oser demander pardon aux tchadiens ? Au-delà du jugement qui
est en train de se mettre en place, j’ose croire qu’il pourra demander pardon.
Malgré le temps, les blessures restent ouvertes. Le
peuple et les victimes de Habré attendent son procès et une improbable demande
de pardon de sa part pour que puisse commencer leur guérison. Le peuple n’est
ni rancunier, ni revanchard. Il demande tout simplement que la justice fasse
son travail et que le Tchad puisse retrouver la paix. Cette paix doit d’abord
venir des cœurs. Que Dieu bénisse le Tchad !
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