vendredi 19 juillet 2013

La menue monnaie au Tchad (par Pascal Djimoguinan)


            Au Tchad, il se passe un phénomène étrange dans l’utilisation de la menue monnaie. Dans pièces de monnaie qui n’ont pas été démonétisées ne peuvent pas être utilisées sans que personne ne puisse exactement dire d’où vient cette décision.
Le Tchad fait partie de la CEMAC (Communauté Economique et monétaire des Etats de l’Afrique Centrale) qui regroupe en tout six Etats (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, RCA et Tchad). Ces Etats ont une politique monétaire commune ; ils partagent une même monnaie, le CFA comme les Etats de l’Afrique de l’Ouest qui font partie de la CDEAO (Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest).
            Une fois que la monnaie est frappée, elle est distribuée dans tous les Etats la CEMAC et elle valable jusqu’à ce qu’elle soit retirée de la circulation.
            Au Tchad, il se passe un fait étrange. Alors la banque centrale considère certaines pièces de monnaie comme valable et qu’elle ne les a pas retirées de la circulation, il est impossible de les utiliser. Les commerçants ont d’un commun accord décider de ne pas las accepter. Il s’agit des pièces de 5 francs et de 10 francs. Ce qui est étonnant, c’est que ces pièces sont acceptées dans les autres Etats de la CEMAC.
            La question qui se pose est de savoir si le Tchad a une politique monétaire particulière ou s’agit-il tout simplement d’une décision des commerçants ? Dans le cas où cette dernière hypothèse se vérifierait, il serait intéressant de savoir ce que dit l’Etat.
            En dernier ressort, il faut se demander  qui dispose de l’autorité sur la démonétisation. Si la banque centrale reconnaît aux commerçants le droit de ne pas accorder de la valeur à certaines pièces de monnaie, il faudrait qu’elle les retire de la circulation. Si les pièces en question sont bien d’usage il faudrait alors demander que les commerçants puissent les accepter.
            Sans une décision claire, ce sont les consommateurs qui en subissent les conséquences puisqu’ils continuent de recevoir de la banque de l’argent qu’ils ne peuvent pas utiliser.

lundi 8 juillet 2013

N’Djamena, le phénomène des "avoirs" (par Pascal Djimoguinan)


            Il y a dans la ville de N’Djamena un phénomène nouveau qui est en train de s’amplifier. Dans les bars et les buvettes, il n’y a jamais la monnaie. Tout acheteur se voit remettre à la place de sa monnaie des bouts de papiers appelés des « avoirs » équivalent au reliquat qu’on devait lui doit. La question est de savoir s’il s’agit d’un phénomène créé  exprès pour obliger les clients à dépenser d’avantage.

            Il est peut-être normal de créer une monnaie parallèle lorsque l’on se situe au sein d’un univers donné. Ainsi dans des casinos, il est de coutume de changer de l’argent contre des jetons que l’on peut utiliser. Mais lorsqu’il s’agit de clients de passage dans les bars et dans les buvettes, il faudrait se poser des questions sur la légalité de ce système « d’avoirs ».

            Y a-t-il dans la ville de N’Djamena une pénurie de monnaies ou de petits billets ? Pourquoi cela se généralise un peu partout qu’après avoir acheter de la bière ou des bouteilles de fanta ou de coca cola, on ne puisse pas avoir son reliquat ?

            Selon certaines personnes, il s’agirait d’un moyen subtil qu’aurait trouvé les gérants des débits de boissons pour obliger les clients à dépenser plus qu’ils ne le voudraient. Si cela se vérifiait, ce serait une forme de malhonnêteté qui serait en train de se mettre en place sans que les gens ne réagissent.

            Chaque personne a le droit de gérer son argent comme il le veut. Or avec ce phénomène, les gens se font pratiquement arnaquer dans les bars et les buvettes. Tous ceux qui après avoir acheté de la bière et des bouteilles de soda, s’ils ne peuvent attendre plus longtemps à cause du manque de reliquat, sont obligés d’offrir de la boisson à d’autres pour solder les comptes.

            L’histoire ne nous dit pas quelle est la durée de la validité des avoirs, c’est-à-dire des bouts de papiers remis aux clients. Il faut se demander ce qui se passerait si chaque client produisait son bout de papier pour acheter les produits dans un débit de boisson.

            La société des consommateurs devrait réfléchir plus profondément sur ces problèmes afin d’éviter des désagréments aux consommateurs car si ce phénomène perdure, on risquera de la retrouver dans tous les magasins. Peut-être que même les banques finiront par payer leurs clients avec des avoirs. Mon espoir est que ce jour n’arrive jamais !

samedi 6 juillet 2013

Tchad, marche pour soutenir la justice contre Habré (par Pascal Djimoguinan)


            N’Djamena le 5 juillet à la place de la Nation, on se croirait revenu aux temps de Hissène Habré ; une marche de soutien a lieu. Paradoxalement, c’est une marche contre Habré. La journée avait été déclarée chômée et payée afin de permettre à la population de marcher pour soutenir la justice qui est en train de se préparer à juger Hissène Habré.

            En dehors de cet aspect folklorique, il faut se rendre compte qu’il y a un fait majeur qui est en train de se mettre en place. La machine judiciaire est en train de se préparer à juger Hissène Habré pour des faits très graves :  inculpé  de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de tortures.C’est peut-être aussi la première fois qu’un ancien chef d’Etat africain va être jugé par une justice indépendante pour le mal qu’il a fait à ses concitoyens. C’est un défi pour toute l’Afrique.

            La vigilance s’impose car on risque dans cette histoire de se laisser berner si on n’y prend garde. On peut facilement se tromper de victime. Beaucoup voit en Habré un vieillard frêle jeté à la vindicte populaire. Il se présente comme une victime innocente qu’on mène à l’abattoir. Il a beau jeu de crier avec ses avocats au complot.

            Pourtant, au Tchad, la mémoire reste vive. Quelle famille ne se souvient de cette période où beaucoup avaient l’impression d’être des tchadiens de seconde zone ? Qui ne se souvient de cette période où, ayant perdu un membre de la famille, on devait continuer de se comporter comme si de rien n’était, de peur de se faire arrêter ? Qui ne se souvient de cette période où toute une partie du pays offrait un paysage comparable à ce qui restait après le passage d’Attila ?

            Non, il ne faut pas se tromper de victime. Il ne faut pas se laisser tromper par l’apparence physique d’Habré. Ce qui me choque personnellement, c’est l’outrance et l’arrogance de l’homme. Non seulement il ne reconnaît pas le mal qu’il a fait, il n’ose pas demander pardon à toutes les populations qui ont souffert dans leur chair. Ce qui fait la grandeur de tout homme politique, c’est d’assumer ses actes. Habré en serait-il capable ? Pourra-t-il oser demander pardon aux tchadiens ? Au-delà du jugement qui est en train de se mettre en place, j’ose croire qu’il pourra demander pardon.

            Malgré le temps, les blessures restent ouvertes. Le peuple et les victimes de Habré attendent son procès et une improbable demande de pardon de sa part pour que puisse commencer leur guérison. Le peuple n’est ni rancunier, ni revanchard. Il demande tout simplement que la justice fasse son travail et que le Tchad puisse retrouver la paix. Cette paix doit d’abord venir des cœurs. Que Dieu bénisse le Tchad !

vendredi 5 juillet 2013

N’Djamena, les bennes de la mort (par Pascal Djimoguinan)


            Depuis deux jours, le quartier Walia, à la sortie sud de N’Djamena est en émoi. Un camion benne a renversé un couple qui allait à moto. Le garçon et la fille sont tous les deux morts. La population est révoltée et il y a même des échauffourées avec les forces de l’ordre. N’est-ce pas le moment de réfléchir sérieusement à l’utilisation des engins de grands travaux sur la voie publique ?

            Nous pouvons nous demander s’il n’y a pas à la suite de cet accident des morts en trop. Depuis déjà trois ou quatre ans, les bennes font une hécatombe à N’Djamena. Ces engins, sont souvent de vieux véhicules dont les freins ne fonctionnent plus depuis quelques décennies.

            La grande difficulté vient du fait qu’il est difficile de faire la différence entre les gros camions des  grandes entreprises qui sont en général en règle et les camions de quelques particuliers qui se lancent dans l’exploitation des carrières de sable ou de transport de la terre.

            Il serait intéressant que la police fasse paraître le statistique de tous les accidents, notamment de tous accidents des bennes dans la ville de N’Djamena avec le nombre de morts et de blessés. On serait sidéré par le nombre élevé des victimes. Pratiquement toutes les familles de N’Djamena ont eu un de leurs membres qui a été tué dans ces accidents.

            Sans se tromper, on peut dire que les accidents de bennes sont devenus un problème public que les autorités doivent prendre à bras le corps et tenter d’y apporter une solution. Il est étonnant de voir la lenteur avec laquelle ces autorités s’attaquent à ce problème.

            Il faudrait qu’une règle stricte s’applique aux engins de chantier afin que la sécurité revienne au niveau de la circulation. Toutes ces morts que nous connaissons sont inutiles. Il faudrait que plus jamais un N’Djamenois ne meurt sous les roues d’un engin des chantiers publics. La sécurité de tous les usagers de la voie publique doit primer sur les travaux. La vie humaine n’a pas de prix.


jeudi 4 juillet 2013

N’Djamena, ville chantier (par Pascal Djimoguinan)


            Pour toute personne de passage, N’Djamena ressemble à une immense fourmilière. Partout, il y a des chantiers. Les poses de premières pierres se succèdent les unes aux autres. Cela augure sans doute une ville moderne qui sortira de terre. Cela ne va cependant pas sans quelques difficultés. Quelles conclusions pouvons-nous tirer de cela dans un avenir à moyen terme ?

            Lorsque l’on se promène dans N’Djamena après un long temps d’absence dans le pays, on est surpris par les changements qui sont intervenus dans la ville. La première chose qui frappe, c’est la multiplication des routes asphaltées. On peut s’étonner du changement survenu en si peu de temps.

            La deuxième chose qui surprend, ce sont les nouvelles constructions. Leur nombre a littéralement explosé. Ce phénomène va encore s’amplifier lorsqu’on voit le nombre de chantiers, reconnaissable aux clôtures de tôles qui les entourent. S’il ne faut retenir qu’un seul chantier pour illustrer ce dépaysement, on peut tout simplement parler de la construction de la cité des affaires. C’est impressionnant de voir comment les anciens camps de la Garde Nationale et Nomade, de la gendarmerie et la prison centrale ont disparu pour laisser place à un vaste espace où se grouillent des ouvriers, en train de mettre en place un chantier de construction. Cela ne va pas sans rappeler la disparition de l’ancien camp des martyrs pour laisser place à la Place de la Nation.

            L’un des travaux pharaoniques, très impressionnant dans N’Djamena, c’est la construction des échangeurs qui faciliteront la circulation dans la ville et diminueront les embouteillages qui commençaient à se multiplier ; il faut dire que c’est une première dans la ville de N’Djamena.

            Toutes ces constructions ne vont pas sans poser de problèmes. Il y a beaucoup de déviations sur les routes avec plusieurs voies de circulation fermées. Cela crée des embouteillages un dans certaines parties de la ville mais n’est-ce pas le prix à payer pour mettre en place des structures modernes ?

            Les indices montrent que N’Djamena est en train de se transformer et de devenir une ville moderne. Il ne faudrait pas uniquement s’arrêter sur les infrastructures mais aussi former les N’Djamenois à un changement de mentalité. On ne peut pas vivre dans une ville moderne avec une mentalité d’anarchiste. Lorsque toutes ces structures seront en place, le moindre accroc au code de la route pourrait devenir catastrophique. Dès maintenant, il faut conscientiser la population sur l’importance des feux et des panneaux de circulation. C’est à ce prix que l’homo ndjamenois deviendra vraiment un citadin. La mutation doit commencer. Encore hier, sur la route, j’ai vu des grosses cylindrées brûler les feux sur la route comme si le code de la route ne les concernait pas. Il faut que le code de la route commence à nous concerner tous.


lundi 1 juillet 2013

Centrafrique, un volcan prêt à se réveiller (par Pascal Djimoguinan)


            Cela fait déjà trois mois que François Bozizé a été chassé du pouvoir par Michel Am-Nondokro Djotodia et sa horde de séléka. Depuis, l’insécurité règne à Bangui et dans toute la RCA. Rien ne semble indiquer que cela va prendre fin bientôt ; au contraire des signes inquiétants montrent que les choses peuvent empirer. A quoi peut-on s’attendre.

            La grande crainte des autorités semble venir des caciques de l’ancien régime qui penseraient à prendre leur revanche en organisant une rébellion qui viendrait prendre le pouvoir par les armes. A vrai dire, cela n’est qu’une distraction pour le peuple car le menace sérieuse pour l’actuelle régime ne viendrait pas de l’extérieur et cela pour plusieurs raisons dont la principale est que les éléments de la séléka sont d’excellents guerriers qu’une rébellion organisée à la hâte ne peut chasser en quelques jours.

            Le vrai danger viendrait plutôt de l’intérieur de la séléka même. Plusieurs indices  le montre et pointent vers le rouge. La séléka est une coalition d’une bande hétéroclite de guerriers venant de partout.

- Il y a d’abord deux groupes claniques toujours opposés mais qui se sont unis pour les besoins de la cause, à savoir bouter François Bozizé hors du pouvoir, les goulas et les roungas. Jusqu’à quand va tenir cet alliage ? Les susceptibilités sont très grandes et il est à parier que cela va bientôt éclater.

 - A côté de ce groupe originel est venu se greffer tous les bandits et hors la loi de la région ; parmi ceux-ci, on compte des tchadiens et des soudanais qui semblent vouloir faire la loi partout où ils passent. Il semble que selon un contrat signé avec Michel Djotodia, ils devraient être payés avant de partir mais ce dernier, depuis qu'il est au pouvoir, aurait décidé de dénoncer le contrat et de les payer en monnaie de singe

            La question ne concerne pas si ces différentes factions font s’affronter ; la question consiste à se demander quand cela va avoir lieu. A lire les différents signes, cela semble ne plus être pour longtemps. Jusqu’à il y a encore quelques semaines, on parlait beaucoup d’éléments incontrôlés de la séléka qui commettaient des exactions ; de plus en plus on parle de certaines factions qui semblent échapper carrément au contrôle du pouvoir. On parle surtout des éléments de séléka soudanais du camp de sapeurs-pompiers de Bangui et de quelques éléments de séléka tchadiens.

            Comme signes avant-coureurs, il y a les coups de feu qui reprennent la nuit et les exactions de plus en plus osées comme  la visite des locaux de la CICR dans la nuit du 26 juin. Dans l'après-midi du vendredi 28 juin et toute la nuit qui a suivi, à la suite d'une altercation avec les jeunes du quartier Gobongo, les éléments de la séléka ont tiré à l'arme lourde et légère dans toute la ville de Bangui. Alors que la population apeurée se terrait dans les maisons, les pillages ont eu lieu dans certains quartiers. En province la situation n'est pas meilleure, c’est la jungle ; chaque faction sème un désordre sans mesure (vol, viol, assassinats…). Bientôt, comme partout ailleurs, la révolution commencera à dévorerr ses propres enfants. On atteindra alors le point de "non-retour".

            En attendant, personne ne fait rien et attend le réveil du volcan. Les Nations-Unies ne devraient pas prendre à la légère la situation de la RCA. Il faudrait qu’elles aient une présence plus effective et penser sérieusement à envoyer des forces en Centrafrique car on ne voit pas comment les 2000 hommes de la Fomac peuvent faire revenir la sécurité sur tout le territoire, surtout que cet effectif n'est pas encore atteint.