samedi 15 août 2020

De la dépendance politique à l’indépendance économique (par Pascal Djimoguinan)


            Plusieurs Etats africains fêtent en cette année 2020 leur soixantième anniversaire d’accession à la « souveraineté internationale ». Chimère ou désillusion ? N’est-ce pas venu, pour tous ces sexagénaires, le temps de l’inventaire ? De quelles marges disposent ces Etats aussi bien sur le plan politique qu’économique ?
            N’est-ce pas un truisme que de dire que quand Paris tousse, l’Afrique francophone s’enrhume ? Tout analyste assez fin pourra décortiquer dans toute décision importante prise en Afrique francophone les effluves parisiennes. Plus, quand la décision à prendre est capitale, le président français n’hésite pas à convoquer à Paris les chefs d’Etat de l’Afrique francophone (tous ont encore en mémoire la convocation de Macron des chefs d’Etat du Sahel à Pau le 16 décembre 2019). Toute décision politique importante en Afrique francophone doit avoir, sinon l’aval de Paris, du moins son accord implicite puisqu’ayant été informé au préalable.
            Cette dépendance politique a pour corollaire la dépendance économique ou vice-versa. Nul n’est besoin de rappeler ici le contentieux du franc CFA avec l’épisode Macron-Ouattara du passage à l’Eco.
            Un proverbe africain dit que « la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit. »  Malheureusement plusieurs Etats francophones vivent dans la culture de la fameuse aide au développement. Tout projet de développement repose sur l’aide extérieure. Aucun effort n’est fourni sur le plan intérieur. Au contraire, toute source de financement intérieur devient le lieu de tous les gaspillages et de gabegie (douanes, taxes, impôts, etc.)
            Cette politique de tout attendre d’un financement extérieur se retrouve à tous les niveaux. Ainsi pour la moindre œuvre à réaliser, on se tourne vers les « projets » pour obtenir une aide financière extérieure. En Afrique francophone, des Etats jusqu’aux plus petites organisations sont devenus des « mendiants professionnels » vivants sous la perfusion perpétuelle de l’assistanat financier.
            Comme le disait le poète martiniquais, « Voici le temps de se ceindre les reins comme un vaillant homme. »(Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal). Il est temps de sortir de notre sommeil dogmatique et de nous prendre en main. L’aide extérieur maintient dans une somnolence soporifique. Cherchons à développer les activités locales génératrices de revenus et à les défendre. Il faudrait commencer à en faire l’inventaire et alors à les encourager. Toute aide financière extérieure ne doit venir que pour servir d’appoint et non prendre la place des financements intérieurs. Il est étonnant qu’après une soixantaine d’années d’indépendance, on en est encore à dépendre complètement de l’aide occidentale.
            Nous devrions quand même avoir un peu de fierté. Toute aide extérieure qui vient étouffer les initiatives et les efforts intérieurs est toxique. Ayons le courage de l’affirmer.
            Ce ne sera que lorsque nous aurons atteint un certain niveau d’indépendance économique que nous pourrions prétendre à l’indépendance politique. Nos bras ne sont pas faits pour quémander mais pour travailler. Soyons les artisans de notre indépendance en nous prenant nous-mêmes économiquement en main.



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