A toute l’Eglise-Famille de
Dieu de N’Djamena,
Grâce et paix de la part de
Dieu le père et de Jésus-Christ notre Seigneur dans la communion du
Saint-Esprit.
Avec de premier dimanche de l’Avent, nous prenons résolument
la route qui nous conduira jusqu’à cette nuit lumineuse du 24 décembre. Chaque
année, l’Eglise refait spirituellement la marche d’Israël vers la terre
promise. Cette marche de foi et d’espérance a commencé avec le patriarche
Abraham ; mais c’est surtout dans l’exode de l’esclavage d’Egypte qu’elle
est devenue plus explicite.
Au cours de cette marche Israël traversera des situations
difficiles mettant en jeu son avenir mais il éprouvera surtout l’amour et la
fidélité de Dieu. Chaque Eglise particulière revit dans son contexte cette
expérience d’Israël.
Le point de départ de la marche d’Israël comme nous le
savons est une décision souveraine de Dieu face à la situation inacceptable de
misère dans laquelle se trouve son peuple en Egypte. Le cœur miséricordieux de
Dieu a frémi : « J’ai vu, j’ai
vu la misère de mon peuple… j’ai entendu son cri devant ses oppresseurs… je
connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer… » (Ex 3,7-8)
Malgré les avertissements et les fléaux, le pharaon est
resté inflexible et indifférent au sort du peuple. Alors Dieu agit. La
délivrance de la nuit pascale et la conclusion de l’alliance du Sinaï sont les
signes de salut qui restent comme des marques indélébiles de l’action continue
de Dieu en faveur de son peuple.
Dieu n’a jamais abandonné son peuple, et ces deux
expériences de l’Exode aideront le peuple d’Israël tout au long de l’Histoire,
à relativiser les épreuves des autres traversées du désert qu’il subira. Il
restera fermement enraciné dans l’espérance d’entrer un jour dans la terre
promise.
Notre marche vers Noël de cette année se fait dans un
contexte social particulièrement difficile. Elle sera longue et pénible au
regard de ce que nous voyons, entendons et sentons.
Nous voyons une grande partie de notre peuple s’enfoncer
dans la misère et le désespoir, victime des hésitations ou des choix pas
toujours éclairés de la part de ceux qui sont censés le conduire vers le
bonheur et la paix.
Nous entendons les cris de souffrance de ceux qui ont
faim, de ceux qui ne peuvent plus se soigner, de ceux qui se sentent méprisés
et exclus des biens fondamentaux auxquels ils ont droit. Nous sommes surtout
sensibles aux cris de détresse de nos jeunes, élèves et étudiants, qui voient
leur avenir hypothéqué. Nous sentons la sourde colère monter des cœurs, même
des plus pacifiques devant les humiliations et les dénis de droit.
Cependant même si tous les indicateurs peuvent pousser au
pessimisme, nous affirmons haut et forts que nous sommes un peuple d’espérance.
La parole de Dieu tout au long de ce temps de l’avent entretiendra cette
espérance et nous engagera à la rendre visible. Descendants d’Abraham par la
foi, nous devons nous enraciner dans l’espérance car il a espéré contre toute
espérance (Rm 4,18) en restant fidèle à la seule volonté de Dieu… « comme s’il voyait l’invisible. » Et
Dieu l’en a récompensé.
Cela peut paraître naïf de croire, dans notre contexte
actuel, que nos poignards ou nos couteaux de jet puissent se transformer un
jour en socs de charrue et nos lances en faucille. Grâce à la foi tout cela est
possible à condition, dès à présent, de « marcher à la lumière du Seigneur… » (cf. Is 2,1-15)
Cela est possible car nous sommes des enfants de la
lumière, destinés à rayonner pour faire reculer l’obscurité. « C’est l’heure désormais de nous arracher au
sommeil… de nous dépouiller des œuvres de ténèbres pour revêtir les armes de
lumière… » nous dit l’apôtre Paul qui nous exhorte à nous conduire
avec dignité et à tirer les leçons du passé (cf. Rm 13,1-14)
Dans un passé récent, en effet, nous avons fait comme les
contemporains de Noé : on mangeait et on buvait, on se mariait… et nous
avons été surpris par cette crise… Le Christ nous invite désormais plus de vigilance et à la clairvoyance dans
la gestion rationnelle de nos ressources pour assurer notre vie familiale dans
la dignité et tenir les engagements pris dans nos relations sociales (cf. Mt
24,37,44).
Cela peut paraitre également irréaliste d’imaginer un
jour le loup habiter avec l’agneau ou la panthère vivre en compagnie du
chevreau. Ce sont là des images symboliques dont le prophète Isaïe se sert pour
désigner les groupes antagonistes et en conflits permanents… Il affirme ainsi
que rien n’est impossible à Dieu et que tout est possible à une condition :
que la connaissance de Dieu remplisse le
pays comme l’eau remplit le lit d’une rivière » (cf. 11,10)
La Parole de Dieu est la puissance même de Dieu ;
Elle ne peut servir comme un simple argument pour justifier une situation ou
des comportements contraires à sa volonté ; elle doit éclairer toute
décision et précéder toute action. C’est pourquoi le prophète demande à chacun
de nous de se répéter à soi-même et aux autres cette parole forte : « Dites à ceux qui sont découragés, prenez
courage, soyez forts, ne craignez pas, voici que votre Dieu vient vous sauver »
(Is 35,4)
Comme il l’a fait par le passé, Dieu est à l’œuvre pour
nous sauver. Il nous donne des garanties de la réalisation de ses promesses à
travers les signes … l’ultime signe est celui de l’Emmanuel : « Voici que la Vierge a conçu et va mettre au
monde un fils : « Emmanuel » qui signifie « Dieu avec
nous. » (Is 7,13-14)
Demande Gédéon à l’ange qui vient lui confier
une mission de la part de Dieu (Jg 6,3). Certains d’entre
nous se posent certainement la même question devant ce que Dieu nous demande en
ce temps de l’Avent. Qu’est-ce qu’Il nous demande ?
Il nous demande de ne pas céder au découragement, au
laisser aller, au chacun pour soi… Au contraire il nous dit de prendre nos
responsabilités, lesquelles ? Comment ? Que pouvons-nous faire ?
Que devons-nous faire ? En somme quelle réponse ecclésiale pouvons-nous
donner à la situation dans laquelle nous nous trouvons ?... Ce sont des
questions que j’aimerais que les communautés chrétiennes de base ou des
paroisses se posent lors de leurs réunions.
Les causes et les auteurs de cette situation, nous les
connaissons et nous laissons ceux qui en ont la charge le devoir de rétablir la
justice et le droit là où c’est nécessaire. L’urgence pour nous ce sont les
victimes. Nous en sommes tous certes, mais parmi nous il y en a qui sont plus
fragiles que nous… ceux qui ne peuvent s’alimenter, ceux qui ne peuvent pas se
soigner, ceux qui ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l’école… bref, ceux
qui désespèrent… Que pouvons-nous faire avec eux et pour eux ?
Cette question a été posée à Jean Baptiste par plusieurs
catégories de gens parmi les foules venus l’écouter. Voici sa réponse :
« Que
celui qui a deux chemises partage avec celui qui n’en a pas et que celui qui a
de quoi manger fasse de même… » (Lc 10,14
Lors de l’assemblée pastorale diocésaine du 17-18
novembre dernier, j’ai entendu le rapport des activités pastorales menées dans
les paroisses. Deux paroisses ont mentionné des initiatives qui m’ont donné
beaucoup de joie : une paroisse a créé une Caritas paroissiale pour venir
en aide aux plus démunis… en particulier les enfants.
Une autre s’est entendue avec un dispensaire pour prendre
en charge les soins de quelques malades sans ressources… une autre de la ville
a collecté des habits pour envoyer en zone rurale pour ceux qui sont dans le
besoin…
Ces initiatives très louables se situaient dans le cadre
du Jubilé de la miséricorde durant lequel nous nous sommes exercés à imiter
notre Père miséricordieux dans la relation avec nos frères et sœurs et nous
avons appris que la pratique des œuvres de la miséricorde qui nous rapprochait
de Dieu est fondamentale dans notre vie chrétienne.
Dimanche dernier, nous avons fermé les portes saintes de
la Miséricorde mais Dieu n’a pas fermé son cœur… Et nous en conséquence, nous
ne pouvons pas fermer notre cœur mais écoutons la voix de Dieu à travers les
cris de détresse quotidiens de nos frères et sœurs. N’arrêtons pas la pratique
des œuvres de la miséricorde.
C’est bien de la tradition de l’Eglise depuis les
origines d’organiser le service de la charité et l’assistance aux membres les
plus fragiles de la communauté a été la cause de l’institution des diacres. « Entre eux, tout était commun… aussi parmi
eux nul n’était dans le besoin » ‘Ac 4,32-34)… Et nous aujourd’hui que
faisons-nous des frères et des sœurs qui sont dans le besoin ? Les
connaissons-nous ?
Les pauvres sont le bien commun et la richesse de l’Eglise
et elle a le devoir de veiller sur eux. Comment resserrer les liens entre nous
dans la communauté chrétienne, dans la paroisse et au niveau du diocèse autour
des projets exprimant notre solidarité et notre communion avec nos membres les
plus démunis ?
La prise en charge des
prêtres qui est désormais une réalité dans nos communautés paroissiales ne
peut-elle pas s’élargir à tous les frères et sœurs démunis d’autant plus que c’est
en raison de leur précarité économique que les prêtres sont pris en charge par
les fidèles ?
Je demande aux paroisses de penser à organiser une
structure d’accueil, d’écoute et de partage en faveur de ceux et celles des
nôtres qui sont dans l’indigence. Quelle que soit la forme d’assistance que
nous leur apportons, qu’elle respecte leur dignité.
Je félicite les paroisses qui sont déjà engagées dans ce
domaine. J’encourage les autres à faire de même afin que le Nom du Seigneur
soit béni maintenant et à jamais. Bonne entrée en Avent et bonne route vers
Noël.
N’Djamena le 25.11.2016
+ DJITANGAR
Goetbé Edmond
Archevêque de N’Djamena
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