lundi 16 mai 2016

Peter Singer, un philosophe à connaitre (par Pascal Djimoguinan)

            Peter Albert David Singer est un philosophe et homme politique australien (il s’est présenté sans succès au Sénat australien comme candidat vert) né le 6 juillet 1946. Il est surtout connu pour ses positions sur des questions de bioéthique qui ont suscité la controverse dans beaucoup de pays.
            On peut mieux entrer dans la pensée de Singer par deux livres, Animal Liberation (1975) et Rethinking Life and Death : The Collapse of Our Traditional Ethics.
            Dans Animal Liberation (La Libération Animale), Singer s’élève contre ce qu’on appelle le spécisme. Il rejette la discrimination entre les êtres, uniquement en se basant sur l’espèce, en accordant la priorité à l’espèce humaine.
            Selon Singer, tous les êtres sensibles (capables d’éprouver le plaisir ou de souffrir) doivent être considéré comme moralement égaux et traités de cette façon. Cela dit, il est injustifié d’utiliser des animaux pour se nourrir car cela entraîne une souffrance disproportionnée par rapport aux bienfaits que les êtres humains tirent de cette consommation. Une obligation morale découle de cela : il est obligatoire de ne pas manger la chair des animaux (végétarisme) et même des produits ou service issus des animaux ou de leur exploitation (véganisme).
            De cette pensée, Singer va tirer des conséquences éthiques qui sortent de l’ordinaire :
            La première conséquence porte sur l’avortement. Tout part donc des préférences liées à la capacité de ressentir du plaisir ou de la douleur. De là on parvient à un calcul utilitariste. Puisque un fœtus de 18 semaines n’a pas, selon Singer, la capacité de ressentir la douleur ou du plaisir, il n’y a donc rien contre la préférence de la femme qui veut avorter ; ainsi, l’avortement serait moralement permis.
            La deuxième conséquence concerne l’infanticide. Pour Singer, les nouveau-nés ne sont pas encore des personnes car ils ne possèdent pas les caractéristiques essentielles d’une personne à savoir, la rationalité, l’autonomie et la conscience de soi. Ainsi, le meurtre d’un nouveau-né ne serait pas aussi grave que celui d’une personne.
            Dans le second ouvrage Rethinking Life and Death : The Collapse of Our Traditional Ethics, Singer essaie d’explorer les voies et les contradictions ouvertes par les progrès de la médecine. Il s’agit ici d’aborder la valeur de la vie humaine et de l’éthique de la qualité de vie.
            Que pense Peter Singer du meurtre ? Est-ce un mal de tuer ?
Singer part de la conception traditionnelle de la vie comme sacrée. Il se demande si la vie est sacrée en elle-même. Si tel en est le cas, il serait aussi odieux de tuer un cochon, d’arracher un chou que de tuer un être humain. Or le problème qui se pose est que quand nous disant que la vie est sacrée, nous ne pensons qu’à la vie humaine. Singer demande alors pourquoi la vie humaine serait différente des autres.
Dans ses considérations, Singer s’étonne du débat pour maintenir en vie un homme qui ne mène plus qu’une « vie végétarienne » alors qu’on tue les chiens errants, on utilise des singes pour des expériences, on tue le bétail. Pourquoi cette différence, se demande Singer ?
Singer fait recours aux interdits, notamment de tuer dans les sociétés. Cela se fait en vue de se protéger mais avec des nuances :
- Sociétés tribales : le crime c’est tuer quelqu’un de la tribu
- Dans les Etats plus développés, sont protégés ceux qui se trouve à l’intérieur de la frontière nationale
- Aujourd’hui on estime que c’est mal de tuer quelles que soient la race, la religion, la classe sociale, nationale, des êtres humains sauf quelques exceptions (auto-défense, guerre, peine capitale, etc.)
            A partir de cette morale partiale, liée à une tribu, une société, Singer se demande pourquoi la morale ne serait liée qu’à l’appartenance à notre espèce. Cela l’amène à chercher la définition de vie humaine et être humain.
            Si l’on définit l’être humain par membre de l’espèce homo sapiens, les conséquences ne sont pas les mêmes que quand on le définit par une liste des indicateurs d’humanité dont la conscience et le contrôle de soi, le sens du futur et du passé, la capacité d’entrer en relation avec les autres, de se préoccuper des autres, la communication et la curiosité.
            Dans la première définition l’embryon, le fœtus, l’enfant handicapé mental, le nouveau-né sont acceptés comme être humain puisque faisant partie de l’espèce homo sapiens. Dans le deuxième cas cela ne serait pas le cas. Pour lever toute ambiguïté, Singer propose d’utiliser pour le premier cas, le terme de l’espèce homo sapiens et pour le deuxième, de parler de personne.
            Pour Singer c’est à tort qu’on emploie le mot personne comme étant la même chose qu’être humain. Il fait donc un parcours historique du terme personne pour s’arrêter à John Locke : Personne est un être pensant et intelligent, capable de raison et de réflexion, et qui peut se consulter soi-même comme le même, comme une même chose qui pense en différents temps et en différents lieux.

            A partir d’ici, il est plus facile de voir où pointe la réflexion de Singer. Nous encourageons la lecture de la suite de l’ouvrage de Singer. Pour lui un grand singe, un bonobo, serait plus une personne qu’un nouveau-né, un handicapé mental, un être humain dans le coma. Le respect de la personne est plus pour le premier que pour les seconds. Pour le faire il faut être capable de dépasser une première gêne qui s’installe. Pour pouvoir rejeter ses arguments il faut les connaître. On ne peut pas tout simplement les rejeter sans les connaître.

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