samedi 7 janvier 2023

Mon papa, mon alter ego méconnu (par Pascal Djimoguinan)

 Qu’il me soit permis de faire un devoir de mémoire.

Mon père si ignoré, un grand commis de l’Etat…

De son Etat civil Djimoguinan Mongdjim Evariste, il a vu les jours dans l’an de grâce 1939 à Békondjo 1 par Doba, dans le Logone Oriental. Il perdra tous ses frères aînés et cela le marquera très profondément tout sa vie dans la formation de sa personnalité. Il sera toute sa vie le grand frère qui accueillera à bras ouverts tous ses autres frères et sœurs, ses cousins et cousines, toutes les personnes qu’il lui sera permis de rencontrer.

Il sera parmi les grand privilégiés de cette époque car il sera inscrit à l’école catholique saint François Xavier de Sarh (Moyen Chari) où il pourra faire ses études. Par la suite, il fera partie des premiers instituteurs formés par les prêtres pour enseigner dans les écoles catholiques.

Il optera ensuite, aux indépendances, pour la Sureté Nationale. Il passera le concours de la police du jeune Etat en train de se construire.

Le Tchad ne lésinera pas sur les moyens pour la formation de ses premiers policiers. Il sera envoyé en France, puis aux Etats-Unis pour être formé.

D’abord à Moundou, puis à N’Djamena, il sera le policier fidèle et courageux au service de la patrie.

Le premier président de la République, François Tombalbaye aura besoin d’une force à mi-chemin entre les CRS (Compagnie républicaine de sécurité en France) et une force présidentielle. Il créera donc la CTS (Compagnie tchadienne de sécurité). Pour cela, mon père sera envoyé sous le drapeau à Moussoro. Pendant quelques mois, il subira une formation militaire puis il reviendra à N’Djamena où il sera l’adjoint de commandant en chef de la CTS, le nommé Saleh Biani. Il sera à ce poste jusqu’au coup d’Etat militaire du 13 avril 1975. Il sera celui qui subira l’humiliation de la reddition du Camp de N’Djamena quand il apprendra à la radio la mort du président qui se trouvait sur un autre site.

De cette période, le contact était par intermittence, au grès des quartiers consignés, des permanences et des stand-by.

Après le coup d’Etat, mon papa a été d’abord été pris dans les tourbillons de la police et a dû passer deux années aux arrêts comme prisonnier politique. Ensuite, étant reversé dans la police nationale, il a été affecté à Abéché comme commandant du corps urbain de cette ville.

C’est là que le trouvera la guerre civile de 1979. Lorsque la ville a été prise par les FAN (Forces armées du Nord) de Hisseine Habré, On viendra le chercher à la maison. Le dernier mot qu’il dira à ma mère avant de partir est : « on vient de m’arrêter comme prisonnier, garde bien les enfants ». On ne le verra plus jamais.

Je n’ai jamais eu le temps d’avoir une relation d’adulte avec mon père. C’est l’adolescent qui a toujours été dans une relation de fascination pour le père et en même temps une attitude de rébellion. Comme adulte, il me faut toujours inventer pour combler le gap d’une relation normale entre un père et un fils.

Je lui dois bien ces mots de reconnaissance, en attendant d’être réunis un jour pour vivre cette relation qui n’a jamais connu sa maturation.

Repose en paix, Capitaine Djimoguinan Mongdjim Evariste.




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