Notre réflexion sur la situation de la femme tchadienne aujourd’hui partira d’un problème de vocabulaire avant de s’étendre sur la progression que connait la femme tchadienne par rapport à son « être citoyen ». En parlant de la femme tchadienne, il y a un abus de langage qu’il faudra tout de suite corriger. Nous ne parlerons que des femmes originaires du Sud du pays dont nous sommes plus familiers de vécu. Il faudrait qu’une autre réflexion se fasse sur celle du Centre et du Nord du pays pour compléter le tableau que nous donnons.
1 Question de
vocabulaire :
En voulant parler de la
situation de la femme tchadienne, un problème de vocabulaire s’est d’emblée
posé et il nous a fallu faire un choix.
- Emancipation : C’est le premier mot qui s’est présenté à nous.
Il nous a paru très adéquat au départ mais nous l’avons rejeté parce qu’il nous
donne l’impression d’exprimer un état fixe à atteindre.
- Libération de la femme tchadienne : Le deuxième mot qui s’est
présenté est la libération de la femme. Nous aurions pu l’utiliser mais nous
aurions été très vite rattrapés par l’actualité. Ce mot est chargé ;
l’ombre du féminisme avec ses différents courants se profile. Il nous fallait
un mot plus neutre, non parce que nous ne voulons pas nous engager, mais parce
que nous voulons réfléchir en englobant toute la réalité.
- Autonomisation : Finalement nous avons préféré ce mot aux
autres puisque d’abord cela son sens même, veut dire « se donner la
loi », c’est-à-dire, avoir un comportement basé sur des règles choisies en
toute liberté. En plus, ce mot donne l’idée d’un processus. Tout cela que ce
mot a notre préférence dans cette réflexion.
2 L’autonomisation en
question :
- Le parcours de la femme
tchadienne pour écrire son autonomisation n’est pas un long fleuve tranquille.
C’est un chemin escarpé sur lequel il y a des obstacles contre lesquels il a
fallu et il faut s’y reprendre plusieurs fois avant d’avancer. Parmi les obstacles
sur lesquels la femme tchadienne bute, il y a la tradition.
La tradition constitue un
élément essentiel de la vie humaine. Malheureusement, elle fait parfois
intégrer des attitudes et des comportements qui, en réalité, ne sont pas
porteurs. Ainsi donc, la femme au Sud du Tchad a intégré que son développement
normal doit se faire à l’ombre de l’homme. C’est comme si la maturité de la
femme se fait grâce à un tuteur permanent. Cela a une incidence sur toutes les
activités de la femme.
Enfant, elle travaille dans
les champs des parents, puis mariée, dans celui de son mari. Elle ne peut donc
pas gérer par elle-même le produit de son travail. Elle ne possède pas de
grenier, si bien qu’elle faire le commerce, et elle le fait bien, mais elle le
fait pour son père, pour ses frères ou pour son mari. Elle ne pouvait donc pas
avoir une activité productrice de revenu pour son propre compte.
Cette conception de dépendance
par rapport au mari était si forte qu’au début des indépendance, le salaire de
la femme qui avait un emploi (elles étaient très peu nombreuses), appartenait à
son mari, et elle ne pouvait pas en user comme elle le voudrait.
Avec l’indépendance, vers la
fin des années 70 surtout, l’idée de l’émancipation de la femme tchadienne
était à l’ordre du jour. Cependant, cette idée était comprise comme une chose
qui se passe sous la tutelle de l’homme. La politique semblait lâcher du lest,
mais en réalité, c’était une liberté contrôlée. L’émancipation se faisait pour
autant qu’elle ne remettait pas en cause l’emprise de l’homme. Il faut signaler
que cette idée se développait dans la même période où la politique de
l’authenticité se mettait en place. Il fallait revenir à la tradition et cela
se passait avec l’idée de la femme qui devait plier l’échine (dans le vrai sens
du mot puisque, pour donner de l’eau à un homme ou pour le saluer, la femme
devait s’asseoir respectueusement pour le faire…)
- La rupture va avoir lieu involontairement
pour l’homme. Ce sont les circonstances qui vont créer les conditions à cette
autonomisation de la femme.
On peut situer la période de
cette rupture en 1979. C’est l’année où ont commencé ce qu’on appelle
pudiquement au Tchad, les événements. Avec la guerre civile en pleine capitale,
la majorité de la population originaire du Sud du pays a dû se replier dans
l’arrière-pays où elle a ses origines, donnant ainsi un sens politique à une appellation
géographique : « La zone méridionale ».
Avec ce repli, et les salaires
étant coupés, il a fallu réinventer toute l’économie ménagère. Ce sont les
femmes qui ont pris la situation en main. Entreprenantes et vigoureuses, elles
ont pris sur elles de faire bouillir la marmite. Ce qui a commencé comme une
solution de circonstance, va changer toute la société. La femme va commencer à
gagner son autonomie, d’abord financière, puis le reste suivra. Avec l’argent
qu’elles arrivent à gagner, les femmes vont entreprendre dans tous les
domaines. Elles auront d’abord une plus grande liberté pour leurs déplacements
(le commerce exige des déplacements pour acquérir des marchandises) ;
elles vont commencer à investir (achats de terrains, de champs, constructions
de maisons). Disposant de moyens financiers, elles font payer la scolarisation
de leurs filles…
En prenant leur autonomie
physique, les femmes vont aussi gagner leur autonomie intellectuelle et
pourront prendre des décisions avec plus de liberté.
Beaucoup plus de femmes vont
être intégrées dans la fonction publique ; il y aura de moins en moins de
métiers qui sont considérés uniquement comme masculins. Les femmes parviendront
à se créer une nouvelle place dans la société. Ce qui leur était refusé, elles
vont le prendre grâce à leur dynamisme et à leurs compétences.
Le long chemin de l’autonomisation
de la femme tchadienne a commencé et elle continue. Le combat n’est pas fini.
Il reste à acquérir d’autres droits dans la société et faire inscrire toutes
les filles à l’école, éliminer le mariage précoce et toute violence faite à la
femme. L’avenir peut être regardé avec optimisme car l’espoir est permis. Mais
il ne faut pas dormir sur le laurier des combats déjà gagnés. Il faut rester
vigilant.
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