samedi 24 décembre 2022

ESSAI : Du malaise des peuples africains francophones (par Pascal Djimoguinan)

 Nous assistons depuis quelque temps à des manifestations anti-français dans plusieurs régions dans l’Afrique subsaharienne francophone. Loin de n’exprimer qu’un malaise éphémère et de ce fait de ne manifester qu’un épiphénomène sans grande valeur, il s’agit, en réalité d’un ras-le-bol dont nous ne voyons encore que ce qui constitue la partie visible de l’iceberg. On gagerait beaucoup à s’arrêter sur ce « malaise » pour en analyser les causes et voir ce qu’il est encore possible de faire sinon, on ne s’arrêterait qu’à l’usage de palliatifs sans effet pour l’amélioration des relations franco-africaines.

Tout part d’une réalité qui n’est que l’arbre qui cache la forêt, la société des mercenaires russes présents sur le continent africain. Il faut reconnaître qu’il y a une grande partie du jeu géostratégique de la Russie cherchant à « prendre la place » de la France en Afrique francophone. Il est vrai que la Russie. Nous voyons, en effet, l’intensification de la coopération militaire en RCA et au Mali (On ne sait pas encore très bien de ce qu’il en est au Mali), une présence diplomatique plus forte qu’auparavant en Afrique et quelques aides sur le plan économique et industriel. Cependant, il serait naïf de croire que tout le mal vient de là. Il ne s’agit ici que de la goutte qui fait déborder le vase. Le problème a des racines plus anciennes et profondément plantées. Dès lors, il ne s’agit plus simplement de briser le thermomètre pour éradiquer la fièvre.

* Dans les profondeurs du malaise :

Comme nous l’avions dit, le malaise remonte très loin. On peut le faire remonter aux temps des indépendances. Celles-ci ont été mal préparées ou du moins mal négociées. Du coût la décolonisation n’a été que du leurre. La France n’avait accordé aux pays africains qu’une indépendance postiche. Il fallait à la France des voix à l’ONU et accorder les indépendances aux africains était pour elle une opération rentable. En plus des voix dont elle avait besoin, la France, par Jacques Foccart, continuait de diriger les pays africains à sa guise. Ce n’est pas étonnant que l’on ressorte aujourd’hui les accords secrets qui étaient les ficelles qui permettait à la France de manipuler la marionnette Afrique.

* Le malaise du Franc CFA :

Il est difficile de savoir exactement ce que la France a manigancé avec cette monnaie qui est commune à la majorité des pays africains ayant été colonisés par la France. Une chose est sûre. La souveraineté économique échappe aux Etats dits souverain, ayant en partage le franc CFA. En plus quelles sont les redevances qu’implique l’utilisation de cette monnaie. Quelle est la marge de manœuvre des Etats ? En plus, lorsque l’on voit que seuls les Etats francophones portent aux pieds ce qu’il convient de plus en plus à appeler un boulet, cela appelle à une réaction de fierté, voir de révolte que certains commencent à sonner.

* Le malaise d’une politique à géométrie variable pour la démocratie :

Si officiellement la France apparait comme le pays des droits de l’Homme et de la liberté, cela est très choquant pour beaucoup d’africains de voir qu’elle soutient des régimes qu’on peut qualifier de tout sauf de démocratique. La France perd donc sa crédibilité aux yeux de beaucoup d’africains en maintenant au pouvoir des hommes à sa solde qui ne respectent pas les droits de leurs citoyens et qui utilisent la répression sanglante pour rester au pouvoir.

Cette situation est arrivée à son paroxysme avec « l’exception tchadienne ». Alors que sur le plan international, les coups d’Etat sont condamnés, la France a soutenu et imposé le coup d’Etat au Tchad. Du coup, cette exception a servi de catalyseur pour les coups d’Etat dans la région.

La France a beau chercher à faire amende honorable ; pour de nombreux africains, elle ne fait que jouer au Tartuffe. L’heure n’est plus au discours, il faut passer aux actes. La France a beaucoup à perdre dans ce jeu si elle ne fait attention. Elle ne s’est pas rendu compte qu’elle a affaire à des adultes, échaudés par tant d’expériences malheureuses.

Aujourd’hui, si la France veut gagner le peu de crédibilité qui lui reste encore en Afrique, elle a intérêt à jouer franc jeu. Il ne lui sert à rien de continuer à soutenir des régimes illégaux et illégitimes.

Elle doit revoir toute sa politique, mettre tout sur table et discuter avec les africains pour un nouveau partenariat. Le plus difficile est de reconnaître qu’on a fait fausse route et qu’il faut rebrousser chemin. L’honnêteté intellectuelle est la marque des grands hommes et des grands Etats. Tout est encore possible au point où l’on est.




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