mercredi 16 novembre 2022

Figure libre : Paroles et actes prophétiques, quelles suites ? (Par Pascal Djimoguinan)

             La grande question qui se pose à la société civile, notamment à l’Eglise est de savoir ce qu’il faut fait dans les cas d’injustice, de répression et de manquement grave aux droits humains. Si les réactions de la société civile semblent plus évidentes, il n’en est pas de même pour l’église, dont les actions ne doivent pas être prises pour partisanes. Comment donc, pour l’Eglise, ne pas se taire devant des situations d’injustice sans s’affilier aux partis politiques ?

            Une chose est claire : l’Eglise doit être prophétique et pour cela, en aucune façon tremper dans l’injustice, la corruption, la répression. Elle doit toujours être du côté des opprimés, des faibles et ne pas tolérer qu’ils soient exploités. Cependant il faut reconnaitre que la relation entre la « communauté civile » et la « communauté civile[1] » n’est pas aisée.

            Si l’Eglise doit poser des actions prophétiques, et elle doit le faire, comment faire pour que les choses ne se diluent pas et ne restent qu’au niveau des actions prophétiques ?

            Nous avons ici une question très importante qui mérite qu’on s’y arrête. Quelle est la suite à donner aux prises de position de l’Eglise, pour éviter qu’elles ne soient stériles ?

            Il faut avant tout sortir du schéma classique où les responsables doivent prendre la parole et les fidèles ne se cantonnent que dans le rôle d’apprécier les discours et d’attendre que les changements tombent du ciel comme la manne. Dès lors une prise de conscience est nécessaire. Chacun doit savoir qu’il doit mettre la main à la pâte pour que la construction d’un Etat de droit se réalise.

            Il faudra donc une formation des consciences. Nous retrouvons ici le rôle essentiel de l’éducation dans une société démocratique. Les consciences doivent se former à ne pas accepter l’inacceptable.

            La société doit connaître ses droits et être prêt à les revendiquer. Il ne faut pas accepter l’injustice sous prétexte que c’est la « volonté de Dieu ». La société doit donc, avec une conscience éclairée, être prête à des actions citoyennes pour revendiquer le droit et la justice.

            Un piège que le pouvoir utilise à bon escient est d’acheter des consciences, de retourner quelques personnes pour faire échouer des actions qui commencent à porter du fruit.

            Il faut arriver à créer une conscience commune afin de créer une solidarité qui puisse servir de rempart aux achats des consciences.

            Le pouvoir dispose des moyens économiques dont il n’hésite pas à user. Dès qu’il y a la moindre action, l’Etat menace de ne pas payer les salaires. C’est là où le bat blesse. Comment contourner cela. La réflexion doit également s’engager à ce niveau.

            Si une société prend l’habitude de ne penser qu’avec son ventre, tout réflexion deviendra pour elle superflue, et elle ne sera qu’une société d’esclaves. Il faut former les consciences afin que des prises de positions prophétiques soient suivies d’actions citoyennes. C’est à se prix qu’une société pourra barrer la route à toute dictature qui veut s’imposer à elle. Peut-être que la route est encore longue, mais plus tôt on la prendre, mieux cela sera !




[1] Pour utiliser des expressions de Karl Barth, Communauté chrétienne et communauté civile, Labor et Fides, Genève, 1958.



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