jeudi 24 mars 2022

TCHAD : Lutte contre les mutilations génitales (par Pascal Djimoguinan)

             A l’instar d’autres pays, le Tchad s’est engagé dans la lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF). Il a ratifié les conventions internationales protégeant les droits des femmes et des enfants. Il a, en outre, adopté des textes sur le plan national pour lutter contre les MGF ; on peut citer en l’occurrence la loi n° 006/PR2002 du 18 avril 2002, portant promotion de la Santé de la Reproduction interdit les MGF dans son article 9.

            Malgré ces engagements étatiques et aussi des différents groupes de la société civile et religieuse, la lutte contre les MGF semble marquer le pas. La pratique continue dans la discrétion.

La persistance de cette pratique détonne. Il fallait donc s’interroger si cette pratique a toujours existé dans le sud du Tchad, plus précisément dans le grand Moyen-Chari.

Les élèves de la classe de 1ère D2 du Lycée-Collège Charles Lwanga de Sarh ont entrepris une enquête sociologique pour savoir s’il n’existait pas une autre pratique, au sud du Tchad, particulièrement dans le Moyen Chari avant l’introduction de l’excision.

Il en ressort que bien avant l’introduction de l’excision, il existait une initiation de femmes, n’ayant aucun rapport avec l’excision ; il s’agit du « Ndo gɔ́ŕ ». Elle se faisant pendant une période de réclusion d’environ trois mois en brousse. Cette initiation porte principalement sur les conseils et la formation donnée aux néophytes.

Nous avons retenu ici, les apports de quelques élèves, représentatifs des autres.

Valerie NANDOJO KONGAR :

            L’initiation des femmes est un acte ou un processus qui permet d’apprendre les valeurs traditionnelles ou culturelles aux jeunes filles. Au Sud du Tchad, il existe plusieurs ethnies et chacune d’elles a sa culture ou tradition. Il s’agit de dire ici qu’elle genre d’initiation existait au sud du Tchad avant l’introduction de l’excision.

            L’initiation consiste à apprendre aux jeunes filles les valeurs traditionnelles. Au sud du Tchad, chaque ethnie pratiquait l’initiation à sa manière. Pour les Sar, avant l’introduction de l’excision, on rassemblait les jeunes filles en brousse pour la formation pendant plusieurs jours avant de les ramener à la maison. Cette formation consistait à montrer aux jeunes filles comment saluer, parler, demander quelque chose à un homme. Les filles apprennent qu’il faut se lever tôt pour balayer et préparer à manger. L’initiation consiste à montrer à ces filles la manière de s’habiller, de prendre part aux réunions, aux funérailles et aussi comment se protéger pendant la période des menstruations. Cette initiation s’appelait « Ndo gɔ̄ŕ »

            Dans d’autres ethnies par contre, la fille était appelée à rester auprès de sa maman pour la formation ; cette formation se passait aussi autour du feu la nuit et on parlait alors de « Tahowndal ».

            Bref, l’initiation des femmes était une pratique qui permettait aux jeunes filles de connaître les valeurs traditionnelles. Cette pratique était particulière dans chaque ethnie et se pratiquait de diverses manières.

 

            Antoinette DJERE :

            Par définition, l’initiation est le fait de donner les premiers rudiments d’une science ou d’un art à une personne ou à un groupe de personnes. Nous allons tenter de cerner en quoi consistait l’initiation des femmes au sud du Tchad avant l’introduction de l’excision.

            Jadis, nos grands parents pratiquaient une initiation féminine. En effet, cette initiation consistait à transmettre aux filles les valeurs culturelles traditionnelles de l’Afrique.

            Au sud du Tchad, chez les sar, cette initiation était appelée « Ndo gɔ̄ŕ ». On rassemblait les filles en brousse pour une durée de trois mois au cours de laquelle elles recevaient des notions sur les qualités de la femme qui sont entre autres : le respect de soi et d’autrui, la fidélité, la propreté, la solidarité, l’amour du travail, ainsi que les autres qualités d’une bonne femme. Cette initiation rendait les filles aptes à participer à divers préparatifs touchant les cérémonies d’initiation des jeunes garçons. Cette initiation des filles porte aussi le nom de « l’initiation aux conseils ».

            Pour conclure, nous pouvons dire que l’initiation des femmes a existé au sud du Tchad bien avant l’introduction de l’excision. Elle permettait d’éduquer les femmes. Il faut se demander pourquoi elle a aujourd’hui disparu pour faire place à l’excision.

 

            Hervé NDIL ALADOUMADJI :

            Par définition, l’initiation est le fait d’admette à la connaissance ou au culte d’un mystère religieux, aux pratiques d’une société. En effet, auparavant, les femmes étaient initiées avant l’introduction de l’excision. En quoi consistait cette initiation ? Cette question fera l’objet de notre travail.

            Avant l’introduction de l’excision au sud du Tchad, les femmes étaient initiées. En effet, c’est un privilège pour elles car cela ne concernait pas n’importe quelle femme. Au sud du Tchad, chez les sara Madjingaye, cette initiation était appelée « Ndo gɔ̄ŕ ». Seules les filles de la noblesse, des privilégiées, étaient initiées. La durée de cette initiation était de trois mois. Les filles se retiraient en brousse pour apprendre beaucoup de choses dont la qualité d’une femme exemplaire, respectueuse. Parmi les valeurs transmises, nous pouvons citer les suivantes : une femme doit ̂être réservée quand elle rit, surtout dans les lieux publics ; elle ne mange pas debout, ni en marchant ; la façon de s’habiller dans la société, la propreté aussi bien à la maison que dans la société, la solidarité et le travail bien fait. Cette initiation permettait aux femme d’assister aux cérémonie concernant l’initiation des garçons. Selon une légende, le secret de l’initiation aurait été découvert par les femmes qui l’ont ensuite transmis aux hommes qui finiront par les exclure de cette pratique.

            En conclusion, nous pouvons dire qu’avant l’excision, les femmes avaient une forme d’initiation au Tchad. Celle-ci consistait à transmettre une éducation, et des qualités telles que la fidélité, le respect et l’amour du travail. Il faut se demander pour quoi l’excision a remplacé cette initiation féminine.

 

            Armel Didier KOINA ASTA :

            L’initiation se définie comme étant l’ensemble des cérémonies introduisant quelqu’un dans une société secrète. Autrefois, avant l’introduction de l’excision qui vient des arabes, les femmes étaient initiées. Dans le Mandoul, on appelait cette initiation « gɔ̄ŕ ».

            Cette initiation ne concernait que les filles de la classe des nobles et celle de la classe des privilégiées. Les filles passaient trois mois en brousse et revenaient maquillées au village pour la danse. Durant leur séjour en brousse, elles apprenaient la manière de vivre dans la société. L’initiation consistait à transmettre aux filles des valeurs traditionnelles telles que le comportement ; elles devaient être respectueuses envers les autres, car une bonne femme est celle qui écoute les conseils qui lui sont donnés. Les filles ne doivent pas manger en cours de route, debout ; elles doivent s’asseoir avant de saluer les aînés. Elles apprenaient à s’habiller convenablement, c’est-à-dire d’une manière décente Elles devaient marcher et rire en suivant des normes que voulait la société. Elles apprenaient la propreté, aussi bien en ce qui concerne la nourriture que pour le corps. Il leur était enseigné la bonne manière de s’occuper de leur mari.

Après l’initiation, elles pouvaient préparer la nourriture pour l’initiation des garçons et pouvaient également prendre part aux différentes réunions qui se tenaient dans les villages.

Tout ce savoir se transmettait de génération en génération.

L’avantage de l’initiation traditionnelle féminine était que les femmes n’étaient pas exposées aux problèmes liés aux dangers de l’accouchement comme c’est le cas avec les femmes excisées. Il faut s’interroger sérieusement sur l’abandon de l’initiation féminine au profit de l’excision. Ne faudrait-il pas y revenir ?

 

Mahamat Adam YOUSSOUF :

 L’initiation dans son sens le plus couramment utilisé désigne une étape de la vie ou une procédure qui permet à un adolescent(e) de devenir mature. L’excision, d’un autre côté, est une pratique qui consiste à la mutilation de la femme. En quoi consistait l’initiation des femmes au sud du Tchad avant l’introduction de l’excision ?

De nos jours, force est de constater que l’initiation fait l’objet d’une interprétation différente de l’ancienne. Jadis, l’initiation des jeunes filles au sud du Tchad consistait à un moment d’isolement en brousse avec des ainées, celles ayant déjà bravé le stade de l’initiation et qui sont devenues femme car pour être femme, il fallait avoir été initiée. Ces jeunes filles, pendant la période de réclusion en brousse, recevaient des enseignements dans la perspective de les aider à bien gérer leur foyer après le mariage. Ainsi, une femme doit obéir à son mari, ne jamais propager les problèmes conjugaux et garder les secrets de son mari.

Tous ces enseignements étaient prodigués aux jeunes filles et c’est après avoir franchi ces étapes qu’elles étaient considérées comme des femmes dans la société.

L’initiation des jeunes filles, jadis, consistait juste à un enseignement du savoir faire et du savoir vivre aux jeunes filles pour leur permettre de mener une vie respectueuse.

De nos jours, avec l’introduction de l’excision, l’initiation des jeunes filles ne consiste malheureusement plus à un enseignement, mais plutôt à une mutilation de la femme car on fait l’ablation de certains organes et cela les expose à plusieurs dangers.

De tout ce qui précède, l’initiation qui avait lieu avant l’introduction de l’excision avait beaucoup d’avantage par rapport aux différents dangers inhérents à l’excision.





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