Le Tchad, tout comme la plupart des pays africains s’est
engagé dans la lutte contre l’excision féminine. Après plus d’une décennie, le
résultat est plutôt mitigé. Il semble que le moment est venu plus une réflexion
plus systémique afin d’arriver à des stratégies plus adéquates.
Le problème de l’excision au Tchad est jusque-là envisagé
en lui-même, sans trop tenir compte qu’elle va côte à côte avec l’initiation
traditionnelle masculine. De ce fait, lutter contre l’excision féminine et en
même temps accorder plus de crédit à l’initiation masculine apparaît
paradoxalement pour les femmes comme une autre sorte de machisme et de
minimisation des femmes.
L’argument principal utilisé pour convaincre les
défenseurs de l’excision au Tchad n’est pas décisif. On se base généralement
sur le fait que l’excision n’a été introduite que tardivement au sud du Tchad
pour faire comprendre qu’elle n’est pas aussi traditionnelle qu’on voudrait le
faire croire. Cet argument n’est pas persuasif car on pourrait dire la même
chose de l’initiation traditionnelle masculine.
Nous pourrions pour cela, reprendre L’hypothèse de Joseph
Fortier (Histoire du pays Sara) lorsqu’il parle de l’implantation des
tribus sara dans le sud du Tchad. Il s’appuie lui-même sur Gayo KOGONGAR :
« En suivant M. Gayo KOGONGAR (Histoire précoloniale des populations
sara) nous distinguons deux groupes :
a)
Les plus anciennement installés au Tchad sont les Ngambay du Logone, les
Mbay et le Ngam du Moyen Chari. Or, il se trouve que ces trois ethnies ont en
commun une initiation qui leur est propre, et des légendes d’origine (mythe de
Sou, comme héros civilisateur) qui ont leur équivalent chez leurs voisins
centrafricains (le Wanto des Gbaya et le Téré des Banda sont des
prototypes de Sou.)
b)
Les derniers arrivés : Goulay de Dobo qui ont migré vers l’ouest
jusqu’à Donomanga et Mouroumgoulay, Mouroum de la région de Laï-Doba, clan
royal de Bédaya, Kaba-Démé de Kyabé qui n’avaient pas d’initiation quand ils
sont arrivés un peu avant 1800 ; ils ont tous « emprunté » une
initiation aux voisins ; les Goulay et les Mouroum aux Toumak ; les
Sar de Bédaya aux Ngam-Télé ; les Démé, aux Sar de Bédaya. Tous venaient
du nord du Fitri ou du Guéra, pour échapper aux gens du Baguirmi ou du Ouadaï.
Il se peut, sans que nous en ayons
la preuve décisive, que Ngambay, Mbay ou Ngam soient arrivés au Tchad depuis le
Bahr-el-Ghazal nilotique, en passant par le sud, c’est-à-dire par la
Centrafrique. »
Nous pouvons simplement souligner deux faits massifs.
Parmi les plus anciennement installés et qui ont une initiation qui leur est
propre, en gros, les Ngambay et les Mbay ne pratiquaient pas l’excision. Les
derniers arrivés n’ont pas d’initiation à leur arrivée et les ont tous « empruntés.
Ainsi, s’il faut lutter contre l’excision,
ce n’est pas parce qu’elle a été empruntée.
Il n’est pas adroit de valoriser l’initiation masculine d’une
part et de lutter contre l’excision sans pour autant trouver quelque chose qui
serait le pendant de l’initiation masculine. En pays sar, il existait une
initiation féminine qui a été supplantée par l’excision. Il faudrait
entreprendre des recherches dans ce domaine pour combler le vide que laisserait
la pratique de l’excision. Ce vide est un véritable frein contre la lutte de l’excision.
Un autre exemple se trouve chez les Mouroum. Les hommes
pratiquent une initiation traditionnelle (le yondo comme chez les sar) alors
que chez les femmes il n’y a pas d’excision mais une initiation traditionnelle.
L’étude de cette pratique pourrait beaucoup aider à la disparition de l’excision.
Pour le moment, ce qui fait la force de l’excision, c’est
que si les hommes pratiquent le « yondo », les femmes peuvent se
prévaloir de l’excision qui leur permet d’avoir leur propre rite.
Pour finir, il faut continuer d’expliquer que l’excision,
quel que soit sa forme est une mutilation génitale et que comme telle est une
agression contre l’intégrité physique de la femme. La solution à ce problème ne
viendra que d’un dialogue à tous les niveaux de la société. Il faut surtout
éviter que la lutte contre l’excision apparaisse comme une agression. Cela ne
fera qu’exacerber les antagonismes.
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