Autrefois, en pays Sara, il n’était pas donné à tout le
monde d’épouser une femme qui était déjà dans les liens matrimoniaux avec un
autre homme. Les histoires de rivalité s’arrangeaient dans le sang qui, seul
était capable de laver les affronts de ce genre.
Masngar avait eu l’outrecuidance d’épouser Madyon, une femme qui
était déjà mariée et qui, ayant eu des problèmes avec son mari, avait regagné
son village. La femme avait eu, de son premier mariage, un enfant qui était resté avec son
père.
Après quelque temps dans son nouveau foyer avec son Masngar, Madyon, appris le décès de son enfant resté dans le village de son ancien mari. Elle décida donc d’aller assister aux
funérailles de son enfant.
Masngar réunit les siens pour l’accompagner aux
funérailles du fils de sa femme et de son rival. Il lui fut vivement
déconseillé de s’y rendre car la famille du rival pourrait prendre cela comme
une provocation. Toute la famille refusa donc d’accompagner Masngar.
Masngar se trouvait devant un dilemme. S’il ne se rend
pas aux funérailles, Madyon pourrait ne plus revenir car il n’a pas été capable
de la soutenir pendant le deuil de son fils ; s’il s’y rend, il pourrait y
trouver la mort car son rival ou ses proches pourraient le défier dans un
combat singulier.
Masngar, après réflexion, fit égorger un cabri. Il se fit
préparer un bon repas qui prit le temps de manger, puis pris la peau de la bête
qu’il enroula, prit son fourreau de couteaux de jet et une sagaie et se rendit
au village où il y avait les funérailles du garçon.
Arrivé au lieu du deuil, Masngar choisit un arbre non
loin de l’endroit où le corps était exposé et s’assied ; il attendit un
temps relativement long puis se leva, prit la peau de bête qu’il avait apporté.
Il laissa sur place son fourreau de couteaux de jet et sa sagaie et alla vers
le corps désarmé. Après avoir regardé le cadavre, il déposa la peau de bête à
côté du corps puis regagna sa place sous l’arbre, attendant l’heure de l’enterrement.
Ce qui agaçait Masngar, c’est qu’il avait oublié de prendre du tabac avec lui.
Il avait une forte envie de fumer.
Il vit que dans un groupe d’hommes, quelqu’un était en
train de fumer. Il se leva, laissa ses armes sur place et alla vers le fumeur.
Il a toujours existé une très grande solidarité entre les fumeurs. L’autre lui
passa sa pipe. Il put ainsi tirée quelques bouffées, puis remit la pipe au
propriétaire et repartit s’asseoir.
Bientôt un groupe d’hommes s’approcha de Masngar. Il vit
que son rival était parmi eux. Il hésita entre se lever pour se mettre en garde
et attendre tranquillement assis ; il opta pour la seconde solution. Le
groupe s’approcha de lui. Son rival vint s’asseoir en face de lui et le salua
en disant : « Tu as accepté de
venir enterrer avec moi mon enfant ; désormais je te considère comme un
frère, plus comme un rival. Merci pour ce geste que tu as posé, tu es un grand
homme ! » Tout le groupe salua Masngar. Parmi eux, il y avait
encore un fumeur. Masngar lui demanda sa pipe et tira avec plaisir quelques
bouffées avant de la lui remettre.
Masngar attendit la fin de l’enterrement avant de rentrer
chez lui, assuré que sa femme allait rentrer à la fin du deuil.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire