lundi 10 août 2015

Ô Mort, quand tu nous tiens (par Pascal Djimoguinan)



            Les anthropologues nous ont appris que ce qui différencie les humains de leurs congénères animaux, c’est le respect aux morts et tout le rite qui l’entoure. Depuis la nuit des temps, l’homme a accordé aux funérailles une très grande importance. Cependant, nous sommes en droit de nous interroger si au Tchad, nous ne sommes pas en train d’assister à un changement de paradigme parce que toute la simplicité et le respect est en train de faire place à un mercantilisme effréné et à une démonstration abusive de richesse avec des dépenses exagérées ?
            La célébration de la mort au Tchad a pris ces dernières années une allure inquiétante. Il ne s’agit plus de recueillement pour faire mémoire du disparu mais étalage de tout ce que la famille peut avoir comme richesse, au risque de s’endetter.
            Alors que très peu de personnes n’interviennent pour l’hospitalisation et l’achat des médicaments pendant la maladie, le décès provoque une folie généralisée.
            Autrefois, les obsèques du défunt se faisait dans les jours qui suivaient le décès. Aujourd’hui, il est de bon ton de laisser passer au minimum une semaine (en conservant le corps à la morgue) avant de procéder à l’enterrement. Pendant ce temps, les membres de la famille se réunissent chez l’un d’eux pour le deuil.
            Ce temps d’attente qui s’allonge d’année en année, vide les bureaux car les personnes éprouvées, tant qu’elles n’auront pas enterré leur parent, ne vont pas au travail. Les dossiers peuvent s’empiler sur les tables, on verra cela plus tard.
            Dans les lieux de recueillement, il faut bien nourrir chaque jour le monde qui se réunit. Il faut que la nourriture soit abondante pour éviter d’éventuelles critiques qui ne manqueront pas. Il faut donc prévoir un bon budget pour cela.
            Les membres de la famille du défunt les plus proches doivent songer à acheter des uniformes pour l’enterrement. On a pris l’habitude de l’appeler « d’honneur » (cela vient des filles d’honneur qui, lors des mariages, s’habillent d’une manière spéciale).
            Dès la veille de l’enterrement, il faut penser à la chapelle ardente. Il y a des agences de location des bâches et des meubles pour construire ce lui où le mort sera exposé. Chacun cherche à louer les meilleures chapelles ardentes. Il faut épater la galerie, tant pis pour le portefeuille.
            Autrefois, au fur et à mesure que les gens arrivaient au lieu du deuil, ils allaient voir le corps du défunt. Maintenant, tout est organisé, ritualisé. On attend le moment de la visite du corps. Alors, un long défilé passe pour regarder pour la dernière fois le corps. C’est le moment de toutes les exubérances, surtout du côté des femmes ; il y en a qui perdent connaissance (toujours les mêmes) et qu’il faut transporter. Cela fait partie du décor.
            Une fois que la cérémonie a eu lieu, on peut maintenant procéder à la levée du corps et aller au cimetière pour l’enterrement.

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