Il est courant d’entendre dire que les langues africaines
sont des langues pauvres car elles ne peuvent pas conceptualiser et ont très
peu de mots. Malheureusement il y a des africains qui s’engouffrent dans cette
brèche ouverte par les scientistes du XIXème siècle qui étaient en quête de théorie capable
de légitimer la colonisation. Suivant cette théorie de langue pauvre, le mongo,
(langue du groupe sara) devrait
disparaître dans les oubliettes car seules les langues occidentales seraient
capables de fournir l’outil nécessaire à la communication aujourd’hui.
Ce que l’on oublie souvent dans ce genre de débat est que
le rôle d’une langue est de permettre la communication. Dès qu’une langue
permet cette communication, on ne peut plus dire qu’elle est pauvre. Or il y a
plusieurs milliers de personnes qui communiquent en mongo et rien n’indique que
cette communication passe mal.
Une seconde chose est que ce qu’on appelle pauvreté d’’une
langue n’est en fait que le fait de sortir une langue de son contexte (du
milieu où elle est utilisée) pour la mettre dans un nouveau milieu. Il ne faut
pas oublier que toute langue vivante s’adapte et emprunte des nouveaux mots
pour exprimer des réalités tout à fait nouvelles. L’exemple du français est
bien parlant puisqu’il a emprunté des mots dans les langues qui ont été en
contact avec lui (latin, grec, anglais, etc)
L’illusion de la pauvreté des langues africaines vient du
fait qu’on a l’impression que les langues européennes sont plus riches parce qu’elles
ont plusieurs mots pour nuancer, préciser une réalité. Une langue peut avoir plusieurs mots pour nuancer une réalité liée au à un contexte socioculturel précis. Prenons un simple exemple en mongo pour montrer l’inanité
de cette idéologie de langue pauvre.
Pour exprimer l’action d’une femme en train de travailler
au mortier avec son pilon, le français n’a qu’un seul verbe, piler pour
exprimer là où le moment a plusieurs nuances :
- « Soueu » exprime piler mais en ce
sens que l’on est en train d’enlever les grains de mil de l’épi.
- « Seub », piler dans le sens d’enlever
le son du mil
- « kindeu kid », piler dans le sens de
nettoyer le reste de son du mil déjà pilé.
- « Kour », piler dans le sens d’écraser
le mil pour faire de la farine
- « neut », piler la semoule de mil en y ajoutant un peu d’eau
- ‘ « Ngueu »,
c’’est piler le mil pour faire directement la farine, sans avoir au préalable
enlevé le son.
On traduirait invariablement toutes ces actions en
français par le verbe piler sans savoir qu’il y a des nuances très importantes
pour ceux qui utilisent le mil. Il ne viendrait pour autant pas dans l’esprit d’un
mongo de tirer la conclusion que le français serait une langue pauvre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire