Les peuples au sud du Tchad, plus particulièrement ceux
du grand groupe sara, accordent une grande importance à tous ce qui a une
valeur morale et font tout pour l’encourager dans la société. Toute la culture
a pour rôle de promouvoir cette valeur. Cette grande importance pourrait
paraître exagérée si on ne fait pas le lien avec la vie. Toute valeur n’est
valeur que par son rapport à la vie. Tout ce qui vient aider à l’accroissement
de la vie est donc valeur et tout ce qui va contre la vie n’est pas valeur.
Ainsi, l’éducation, la culture, les relations, tout est au service de la vie.
La Vie pourrait être conçue comme un « transcendantal » en ce sens qu’elle
transcende toutes les valeurs particulières et c’est elle qui leur donne d’être
des valeurs.
Il n’est pas étonnant donc dans ces sociétés de voir tout
le système qui se met en place pour engendrer la vie, la faire grandir la
concevoir.
Il suffit comme exemple de prendre quelques cas précis,
qui pourraient paraître absurdes à un moderne ou à un moderniste mais qui en
réalité, fait partie de ce système « vitaliste. »
Comme dans beaucoup de sociétés, chez les peuples sara,
une femme ne peut pendant sa période de menstruation, toucher à la nourriture
qui sera consommée par les hommes. Le sens premier est tout simplement lié au
sens que le sang a dans la société. Le sang est la vie. La perte de sang
équivaut à une diminution de la vie. Pendant cette période, les femmes auraient
besoin de se régénérer, elles ont besoin de plus de repos et de tout ce qui
pourrait augmenter en elles cette vie (nous ne voulons pas situer dans une
perspective de jugement de valeur)
C’est dans cette même logique qu’il y a les interdits
autour de toute mort violente. En cas de noyade, d’assassinat, ou d’accident de
chasse, normalement les deuils ne se font pas comme dans les cas habituels ;
les enterrements se font de manière précipitée. Ensuite, les veillées funèbres
pour ces cas ne se font que de manières sommaires. On n’accepte pas que la vie
puisse couler de cette façon. Toute fuite de la vie inquiète car la vie doit
être à tout prix rétablie.
La parole est performative dans les sociétés sara. Ce qu’elle
énonce est suivi d’effet. En ce sens, les bénédictions se réalisent par l’accroissement
de la vie chez les bénéficiaires. Si les malédictions font peur, c’est qu’elles
diminuent la force vitale chez les personnes sur qui elles sont prononcées.
Leur puissance est proportionnelle à la position qu’occupe la personne qui la
prononce par rapport à celle sur qui elles sont prononcées. Il faut donc éviter
à tout prix de recevoir des malédictions de la part des parents proches (père,
mère, oncles, tantes). Ceux qui ont donné la vie sont ceux qui peuvent la
diminuer par leurs paroles quand ils sont outragés.
La vie est donc la valeur suprême et le but de toute
éducation au sud du Tchad est à son service. Il est bien dommage qu’au nom d’une
certaine modernité, toutes ces valeurs soient rejetées aujourd’hui.
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