Au Tchad, l’année 2021 est celle des élections présidentielles. Si la campagne électorale a commencé le 11 mars et que le premier tour des élections est prévu pour le 11 avril, il y a plusieurs raisons d’avoir peur plutôt que d’espérer. Il nous semble que toutes ces raisons tournent autour de trois principales, indices d’un manque de maturité politique.
La première des raisons d’inquiétude est que si, la lame
de fond fait apparaître une unanimité quasi-générale des partis de l’opposition
et de la société civile contre le candidat sortant, il a été impossible de s’entendre
sur un candidat commun. Evidemment, cette incapacité au compromis est un grand
handicap pour l’opposition car il va s’en dire qu’il y aura une grande
dispersion des voix et le seul bénéficiaire ne pourra être que le candidat
sortant. Cette première raison est consubstantielle à la deuxième.
La deuxième raison vient de l’incapacité des différents
acteurs de la politique tchadienne de se fédérer autour des idées politiques
porteuses. Au lieu de cela, on constate une cristallisation autour de
personnes. Les personnes peuvent bien être charismatiques mais il faut plutôt s’entendre
sur des idées pour construire une nation avec des institutions fortes. On ne se
soucie pas des idées mais on se préoccupe des candidats et chacun veut avoir
son propre candidat.
Si on ne s’entend pour sur les idées pour construire la
nation, on n’a plus la force de l’argument ; alors la seule chose qui
reste, c’est l’argument de la force. C’est ici que se trouve la troisième
raison d’inquiétude. S’il n’y a plus d’idéaux à défendre, s’il n’y a pas d’idées
commune, il ne reste plus que la force et la violence. Ainsi il est à craindre
que la campagne présidentielle ne dégénère en violence de toutes sortes, ce qui
rendrait le paysage politique illisible et l’avenir incertain.
La dernière raison d’inquiétude enfin est que le clan et
l’ethnie vont monter en puissance, même si l’on a vu ça et là quelques fissures
se dessiner. Face à la violence politique et à l’incapacité de l’Etat à
protéger ses citoyens, le seul refuge, le seul sanctuaire reste le clan ou l’ethnie.
On ne se sent mieux protégé que par les siens. Au fur et à mesure que la
campagne va s’amplifier, on verra que les regroupements se feront de plus en
plus sur les bases régionales, claniques, ethniques.
Faut-il parler du prologue ? Après avoir parlé de la
dernière raison, sommes-nous en droit d’en ajouter une autre ? Pour ne pas
blesser la logique aristotélicienne, nous parlerons simplement d’une raison qui
traverse en diagonal toutes les autres raisons. Il s’agit du non-dit du
discours. Chaque acteur de la politique tchadienne attend une solution, sans
doute une panacée, qui viendra de l’extérieur, d’une puissance étrangère. Drôle
de manie pour un peuple indépendant que de croire que la solution viendrait de
l’extérieur. Cela est d’autant plus inquiétant. Cela est d’autant plus
inquiétant que tous attendent un mot venant de la France pour que, comme par un
Deux ex machina, la situation s’arrange.
C’est à se demander combien de temps il faut encore attendre afin que les
tchadiens deviennent les acteurs de leur propre émancipation.
Faut-il dire que les dés sont irrémédiablement pipés et
qu’il n’y a plus rien à faire ? Un sursaut est encore possible. Le propre
de l’homme est de se montrer à la hauteur de la situation à n’importe quel
moment, surtout quand on ne l’attend plus. Peut-on lire les retraits de
certains candidats comme un réajustement pour arriver à un consensus ?
Seul l’avenir nous le dira. En attendant, il faut croiser les doigts en
espérant que le politique reprendra le dessus.
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