dimanche 14 mars 2021

Tchad, élection 2021 : 4 raisons d'avoir peur (par Pascal Djimoguinan)

             Au Tchad, l’année 2021 est celle des élections présidentielles. Si la campagne électorale a commencé le 11 mars et que le premier tour des élections est prévu pour le 11 avril, il y a plusieurs raisons d’avoir peur plutôt que d’espérer. Il nous semble que toutes ces raisons tournent autour de trois principales, indices d’un manque de maturité politique.

            La première des raisons d’inquiétude est que si, la lame de fond fait apparaître une unanimité quasi-générale des partis de l’opposition et de la société civile contre le candidat sortant, il a été impossible de s’entendre sur un candidat commun. Evidemment, cette incapacité au compromis est un grand handicap pour l’opposition car il va s’en dire qu’il y aura une grande dispersion des voix et le seul bénéficiaire ne pourra être que le candidat sortant. Cette première raison est consubstantielle à la deuxième.

            La deuxième raison vient de l’incapacité des différents acteurs de la politique tchadienne de se fédérer autour des idées politiques porteuses. Au lieu de cela, on constate une cristallisation autour de personnes. Les personnes peuvent bien être charismatiques mais il faut plutôt s’entendre sur des idées pour construire une nation avec des institutions fortes. On ne se soucie pas des idées mais on se préoccupe des candidats et chacun veut avoir son propre candidat.

            Si on ne s’entend pour sur les idées pour construire la nation, on n’a plus la force de l’argument ; alors la seule chose qui reste, c’est l’argument de la force. C’est ici que se trouve la troisième raison d’inquiétude. S’il n’y a plus d’idéaux à défendre, s’il n’y a pas d’idées commune, il ne reste plus que la force et la violence. Ainsi il est à craindre que la campagne présidentielle ne dégénère en violence de toutes sortes, ce qui rendrait le paysage politique illisible et l’avenir incertain.

            La dernière raison d’inquiétude enfin est que le clan et l’ethnie vont monter en puissance, même si l’on a vu ça et là quelques fissures se dessiner. Face à la violence politique et à l’incapacité de l’Etat à protéger ses citoyens, le seul refuge, le seul sanctuaire reste le clan ou l’ethnie. On ne se sent mieux protégé que par les siens. Au fur et à mesure que la campagne va s’amplifier, on verra que les regroupements se feront de plus en plus sur les bases régionales, claniques, ethniques.

            Faut-il parler du prologue ? Après avoir parlé de la dernière raison, sommes-nous en droit d’en ajouter une autre ? Pour ne pas blesser la logique aristotélicienne, nous parlerons simplement d’une raison qui traverse en diagonal toutes les autres raisons. Il s’agit du non-dit du discours. Chaque acteur de la politique tchadienne attend une solution, sans doute une panacée, qui viendra de l’extérieur, d’une puissance étrangère. Drôle de manie pour un peuple indépendant que de croire que la solution viendrait de l’extérieur. Cela est d’autant plus inquiétant. Cela est d’autant plus inquiétant que tous attendent un mot venant de la France pour que, comme par un Deux ex machina, la situation s’arrange. C’est à se demander combien de temps il faut encore attendre afin que les tchadiens deviennent les acteurs de leur propre émancipation.

            Faut-il dire que les dés sont irrémédiablement pipés et qu’il n’y a plus rien à faire ? Un sursaut est encore possible. Le propre de l’homme est de se montrer à la hauteur de la situation à n’importe quel moment, surtout quand on ne l’attend plus. Peut-on lire les retraits de certains candidats comme un réajustement pour arriver à un consensus ? Seul l’avenir nous le dira. En attendant, il faut croiser les doigts en espérant que le politique reprendra le dessus.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire