S’attaquer à la décolonisation
de l’esprit en Afrique est très difficile car cette colonisation est tellement
pernicieuse qu’on arrive difficilement à la débusquer. Elle peut être présente
dans les choses qui semblent d’emblée innocentes. Il faut parfois un long
travail personnel ou en groupe pour arriver à la déloger. Nous pourrons donner quelques
exemples assez simples de colonisation inconsciente des esprits d’une
génération donnée au Tchad.
Dans les années 70s, il n’était pas aisé de se procurer
de la lecture au Tchad. Seules les librairies de la rue suppléaient à ce besoin
légitime d’instruction. Or ces librairies n’étaient ni riches, ni variées. Cela
faisaient que la littérature disponible et à la portée des jeunes, c’était des
bandes dessinées du western et quelques héros très courageux. Quelques noms
peuvent rappeler bien des choses à ceux qui ont vécu cette période ; cela
nous permettra de survoler le travail dévastateur que cela a fait.
-Il y a d’abord les « bouquins du western » :
Il y est question de quelques blancs courageux, pleins de sentiments
altruistes, en lutte avec des tribus de méchants indiens, sanguinaires, non
civilisés. Au prix d’un héroïsme grandiose, les héros blancs finissent toujours
par triompher et mettre de l’ordre et la civilisation.
Le jeune lecteur tchadien, sans s’en rendre compte,
épousait les sentiments des blancs contre les indiens. Petit à petit, il se
blanchissait l’esprit et légitimait les revendications des blancs sur les
terres des peaux rouges.
- Ensuite,
il y a des bouquins d’autres héros, cette fois plus du western, mais de même
teneur. Il s’agit des noms comme Zembla, Akim, Tarzan, Korak, Rahan…
Il s’agit
toujours de blancs vivant dans la jungle. Ils sont toujours gentils, très bien
organisés et qui tentent de civiliser des tribus d’indigènes ; Ils ont
quelquefois à les protéger contre quelques blancs méchants ou à combattre des
tribus sauvages, dirigées par des sorciers, des rois barbares et sanguinaires.
Ces héros finissent par triompher et remettre de l’ordre dans les tribus
sauvages.
Le
jeune lecteur petit à petit assimilait le fait que le blanc est « civilisé »,
bon, magnanime, organisateur tandis que les noirs et autres sont des sauvages,
méchants, sanguinaires, pas dignes de confiance.
Petit
à petit, le jeune tchadien mettait plus sa confiance dans un blanc et ne
croyait pas un autre noir. Il pensait que toute solution constructive ne
pouvait venir que du blanc, de l’occident. Il se mettait à singer le blanc en
tout.
En ce
rend bien compte des catastrophes que cela entraine. Il faut donc du temps et d’un
long travail pour sortir de ce lavage de cerveau pernicieux qu’a vécu toute une
génération.
Il ne
faut pas croire que cela est fini. La colonisation des esprits continue encore
aujourd’hui avec des moyens encore plus grands. Cela passe par des films (tous
ces feuilletons adulés), les medias sociaux et autres. Il ne faut pas s’étonner
du développement de l’utilisation des produits cosmétiques pour ressembler aux
héros…
Il
suffit d’ouvrir les yeux pour voir comment se fait la colonisation des esprits
et entreprendre le long chemin de libération.
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