Pour mieux connaître un
peuple, il faut connaître ses racines. Pour cela, il faut connaître sa
mythologie, sa cosmogonie et sa cosmologie. Pour les peuples Sara, connaître
leur génie civilisateur et leurs croyances permet de mieux saisir leur réalité.
Nous reprenons ici une introduction faite par le père Joseph Fortier, un
jésuite, dans son livre Le mythe et les
contes de Sou en pays Mbaï-Moissala, Classiques africaines, 1967, pp 21-22.
Au niveau des grands dieux, tous [les
Sara] connaissent un esprit bienfaisant, créateur des hommes, parfois dieu de l’orage
et de la pluie ; toutefois, chez les Ngambaye, ce dieu, pourtant connu, s’efface
devant Sou, le héros civilisateur. Il est nommé Lúɓā ou Lúə̄ chez les Mbay « Nə́ɓā »
chez les Madjingaye et les Ngama ; « Núɓā kindā » chez les
Kaba de Kyabé, qui soulignent ainsi son rôle créateur : Núɓā kindā « il façonne et il pose ». Partout,
c’est un seul et même dieu, très vite assimilé à Allah des musulmans, ou à
celui des chrétiens.
A Lúə-Núɓā, dans tout le
Moyen-Chari, est associé « Kadə », dont le nom signifie « soleil »
et qui donne la fertilité aux champs mais surtout la fécondité aux femmes. Les
Madjingaye disent « mbang » pour désigner dans la vie quotidienne le
soleil visible et réservent le mot « kadə » pour l’usage cultuel les
Kaba disent « Kadja ». On ne rend pas de culte à « Lúə̄ »,
car il est toujours bienfaisant, mais on rend un culte à « Kadə », car
il intervient dans l’activité des hommes et peur leur nuire, si on ne l’honore
pas.
A un niveau inférieur, « Sou »
est le premier ancêtre, le héros civilisateur, qui a apporté aux Sara les
semences, les outils, les armes, le feu et le secret de l’initiation. C’est un
personnage ambigu : souvent, il a gâté ou détruit l’œuvre de Lúə-Nəɓā. En
dehors du Mythe, dans les contes, il apparait comme un farceur, un « trickster ».
Nous ne parlerons pas ici des génies
à forme animale, ou logeant dans les arbres ; particulièrement
nombreux chez les Ngambaye, leur importance et leur rôle varient d’une tribu à
l’autre.
Au niveau du culte familial, on
trouve partout :
a) Le
culte des mânes : « Úma » chez les Ngambaye, « Má »
chez les Mbay « Ɓádə̄ » chez les Madjingaye et les Ngama.
Après le grand sacrifice de levée de deuil, chez les Mbay, on dresse, en dehors
du village, une hutte en branchages pour les morts, kújə́ má de gə̄. Chaque année, dans l’enclos familial, au mois de
janvier, on fait une offrande de boule de mil et de poisson, accompagné d’une
prière pour les morts mais on n’élève pas d’autel permanent, à la
différence des Madjingaye.
b) Le
culte des jumeaux : Ndungajē (Ngambaye) Ndingā gə̄ (May,
Madjingay et Ngama) Nunga (Kaba de Kyabé). Seul les Mbay de Moissala
pratiquent ce culte indifféremment à la naissance de tous leurs enfants,
jumeaux ou non.
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