samedi 21 avril 2018

Déclaration des évêques de la Conférence Episcopale du Tchad


            Frères et sœurs tchadiens,
« La paix soit avec vous » (Jean 20,19).
            Par cette salutation, le Christ ressuscité nous fait le don de la Paix que nous sommes chargés d’annoncer au monde comme pasteurs. Nous prions chaque jour pour cette paix qui est certes un don de Dieu mais constitue aussi une œuvre que nous sommes appelés à construire dans la justice.
            Réunis en session ordinaire du 12 au 19 avril 2018 à N’Djamena, au siège de la Conférence Episcopale, nous avons échangé sur la vie de l’Eglise et de la société. Notre rencontre se tient à un moment où le pays traverse une crise sociale dont il n’est pas encore totalement sorti. C’est dans contexte difficile qu’un projet de réforme des institutions est mis en œuvre. Et de ce fait nous constatons que ce projet ne reçoit pas l’adhésion de l’ensemble des citoyens.
            Ces deux situations nous préoccupent et nous amènent à prendre notre responsabilité de pasteurs.
            Comme Eglise, nous avons réfléchi sur notre engagement dans le service de la charité et du développement. Nous avons aussi examiné les interventions des unes et des autres dans le domaine de la promotion humaine mais force est de constater que la pauvreté grandit de plus en plus et que de graves violations des droits humains fondamentaux se généralisent.
            Nous avons pris toute la journée du 13 avril 2018 pour réfléchir sur la pratique de la Diya. Cette pratique se révèle être contraire à la volonté des Tchadiens exprimée dans la Constitution de 1996 qui stipule dans son préambule : « Nous Peuple Tchadien : affirmons par la présente Constitution de notre volonté de vivre ensemble dans le respect des diversités ethniques, religieuses, régionales et culturelles ; de bâtir un Etat de droit et une Nation unie fondée sur les libertés publiques et les droits fondamentaux de l’Homme, la dignité de la personne humaine et le pluralisme politique, sur les valeurs africaines de solidarité et de fraternité ».
            La pratique de la Diya divise les Tchadiens, compromet la paix sociale et les efforts faits pour restaurer l’Etat de droit, et ruine l’économie des communautés.
            C’est pourquoi nous demandons aux autorités compétentes que cette pratique ne soit pas imposée à une communauté où elle n’est pas de tradition et même dans les communautés où elle est reconnue, que son application soit très encadrée. Nous leur demandons aussi de restaurer l’autorité judiciaire et de dissoudre les accords intercommunautaires pris pour l’application de la Diya car cette pratique développe des rancœurs  intercommunautaires.
            Concernant la vie politique, nous exprimons notre inquiétude sur la manière dont le processus d’institution de la IVème République au Tchad se déroule. Ce processus, comme beaucoup le craignent, risque de fausser gravement les règles du jeu démocratique car il porte en germe une grave division des cœurs entre les citoyens. En plus de la divergence dans la classe politique sur le sujet, nous notons qu’une grande partie de la population tchadienne ignore complètement ce qui se passe.
            Un changement fondamental de cette nature devrait se faire dans le respect de la Constitution qui dit dans son article 224 : « La révision de la Constitution est approuvée par référendum ».
            Nous sommes conscients que notre déclaration peut être diversement interprétée, mais nous sommes poussés par l’amour que nous portons pour notre pays et le sens de notre responsabilité de pasteurs.
            Nous tenons à encourager les responsables politiques et administratifs, les acteurs sociaux et les leaders religieux, à continuer d’œuvrer pour la paix et la concorde sans oublier la population.
            Aux chrétiens ainsi qu’aux personnes de bonne volonté, nous demandons de garder au cœur l’espérance, car l’espérance ne déçoit pas.
            Que Dieu bénisse le Tchad !

N’Djamena le 19 avril 2018.

+ DJITANGAR GOETBE Edmond, archevêque de N’Djamena et administrateur apostolique de Sarh, Président de la CET
+ Jean-Claude BOUCHARD, évêque de Pala
+ Sébastien MIGUEL, évêque de Laï
+ Rosario Pio RAMOLO, évêque de Goré
+ Joachim KOURALEYO TAROUNGA, évêque de Moundou
+ Henri COUDRAY, vicaire apostolique de Mongo
+ Martin WAINGUE BANI, évêque de Doba.




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