mardi 15 novembre 2016

TCHAD : Sarh, entre anachronisme et archaïsme (par Pascal Djimoguinan)

            Sarh n’aura jamais autant mérité son surnom de « ville archaïque » que pendant ces jours de la première quinzaine de novembre 2016. Il aura fallu qu’un problème de succession se pose pour que cette ville provinciale replonge dans les affres d’un passé récent et donner l’impression de n’être jamais entrée dans la modernité.
            Les faits tels qu’ils sont relatés semblent assez simples. Un simple fait divers dira-t-on s’il n’y avait une politisation à outrance de l’événement. Deux petits fils de Bezo se disputent le trône, Mahamat Bezo d’un côté et Ngaryedji Djiminan Bezo de l’autre. Deux faits viennent aggraver le problème. Mahamat qui est musulman n’est pas initié (au yondo, initiation local) alors que Ngaryedji l’est. La population Sara est du côté de ce dernier parce que ce dernier aurait été désigné par la famille et que par l’intiatiation traditionnelle il peut présider et assister aux cérémonies traditionnelles. Cependant, Mahamat qui est coopté par les autorités civiles profiterait du décret n° 425, taillé à sa mesure et qui instaure le sultanat de Sarh dans la sous-préfecture de Sarh.
            La réaction de la population sara a été très forte contre cette nomination et cette érection du sultanat dans un territoire qui n’en a jamais connu auparavant. Il a fallu un décret du Premier ministre pour calmer la situation en attendant que la situation ne se clarifie.
            Il serait intéressant de savoir comment s’est constituée la dynastie des Bezo à Sarh.
            Au Tchad, la colonisation civile couvre le période qui va de 1920 à 1960, l’année de l’indépendance. Ainsi, en 1920 arrive le premier gouverneur civil qui s’appelait LAVIT. Il y avait 9 régions comportant chacune trois ou quatre districts. Avec un budget alimenté par les douanes, l’impôt personnel, la taxe sur le bétail et les patentes des commerçants, le gouverneur devait payer tous les administrateurs, le personnel subalterne et les comptables.
            La tâche du « commandant » (chef de district) était énorme ; il devait s’occuper des travaux publics, agriculture, élevage, santé, justice. Pour faire les routes, les cultivateurs étaient réquisitionnés. Pour qu’il y ait une courroie de transmission afin que les ordres soient exécutés, le commandant avait son chef de canton, qui lui, vivait des « droits traditionnels », prélevés sur les récoltes de ses administrés.
            Dans beaucoup de districts, la chefferie du canton avait été confiée à des interprètes ou des goumiers qui avaient su se faire bien voir des officiers français, durant la conquête ou la guerre de 1914.
            Il y eu la réalisation du chemin de fer Congo-Océan, vaste entreprise qui demandait de la main-d’œuvre. Celle-ci a été trouvée au Tchad. Le gouverneur général de l’AEF, Antonetti fit rattacher le Moyen-Chari à l’Oubangui de 1925 à 1936. Un décret de 1934 y rattacha même le Logone géographique et le Mayo-Kebbi.
            Celui à qui la sale besogne de recrutement fut confiée fu le célébre Bé-i-so (Bézo). Il était sara par son père qui était de Koumra. Il a débord été « serrviteur de Balnoudji, le frère du Ngar-Koumra, puis « goumier » à Ngodéré, vers 1905. De là, il parit à Kyabé où il devint l’homme de confiance d’un adjudant corse pendant la guerre de 1914. Quand enfin on décida de créer des « chefs supérieurs » ayant barre sur plusieurs chefs de canton, il devient « commandant » à 4 galons, tandis que Tatola, à Moïssala, Batinda, pour les cantons Day, Beralengar, pour les cantons sara, n’en avaient que trois, comme des capitaines. Avec cela, Bezo eu la haute main sur le recrutement dans tout le département. Tous les jeunes gens sont enchaînés, avec des cordes de cuir, par fils de 50, et partent à Pied pour Bangui où il sont embarqués sur le fleuve jusqu’à Brazzaville. Ils y restaient deux ans à moins qu’ils en meurent de maladie.

            Voilà l’origine de la chefferie qui pose aujourd’hui problème. Une création coloniale qui a su continuer avec l’indépendance.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire