Sarh n’aura jamais autant mérité son surnom de
« ville archaïque » que pendant ces jours de la première quinzaine de
novembre 2016. Il aura fallu qu’un problème de succession se pose pour que
cette ville provinciale replonge dans les affres d’un passé récent et donner
l’impression de n’être jamais entrée dans la modernité.
Les faits tels qu’ils sont relatés semblent assez
simples. Un simple fait divers dira-t-on s’il n’y avait une politisation à
outrance de l’événement. Deux petits fils de Bezo se disputent le trône,
Mahamat Bezo d’un côté et Ngaryedji Djiminan Bezo de l’autre. Deux faits
viennent aggraver le problème. Mahamat qui est musulman n’est pas initié (au
yondo, initiation local) alors que Ngaryedji l’est. La population Sara est du
côté de ce dernier parce que ce dernier aurait été désigné par la famille et
que par l’intiatiation traditionnelle il peut présider et assister aux
cérémonies traditionnelles. Cependant, Mahamat qui est coopté par les autorités
civiles profiterait du décret n° 425, taillé à sa mesure et qui instaure le
sultanat de Sarh dans la sous-préfecture de Sarh.
La réaction de la population sara a été très forte contre
cette nomination et cette érection du sultanat dans un territoire qui n’en a
jamais connu auparavant. Il a fallu un décret du Premier ministre pour calmer
la situation en attendant que la situation ne se clarifie.
Il serait intéressant de savoir comment s’est constituée
la dynastie des Bezo à Sarh.
Au Tchad, la colonisation civile couvre le période qui va
de 1920 à 1960, l’année de l’indépendance. Ainsi, en 1920 arrive le premier
gouverneur civil qui s’appelait LAVIT. Il y avait 9 régions comportant chacune
trois ou quatre districts. Avec un budget alimenté par les douanes, l’impôt
personnel, la taxe sur le bétail et les patentes des commerçants, le gouverneur
devait payer tous les administrateurs, le personnel subalterne et les
comptables.
La tâche du « commandant » (chef de district) était
énorme ; il devait s’occuper des travaux publics, agriculture, élevage,
santé, justice. Pour faire les routes, les cultivateurs étaient réquisitionnés.
Pour qu’il y ait une courroie de transmission afin que les ordres soient exécutés,
le commandant avait son chef de canton, qui lui, vivait des « droits
traditionnels », prélevés sur les récoltes de ses administrés.
Dans beaucoup de districts, la chefferie du canton avait
été confiée à des interprètes ou des goumiers qui avaient su se faire bien voir
des officiers français, durant la conquête ou la guerre de 1914.
Il y eu la réalisation du chemin de fer Congo-Océan,
vaste entreprise qui demandait de la main-d’œuvre. Celle-ci a été trouvée au
Tchad. Le gouverneur général de l’AEF, Antonetti fit rattacher le Moyen-Chari à
l’Oubangui de 1925 à 1936. Un décret de 1934 y rattacha même le Logone
géographique et le Mayo-Kebbi.
Celui à qui la sale besogne de recrutement fut confiée fu
le célébre Bé-i-so (Bézo). Il était sara par son père qui était de Koumra. Il a
débord été « serrviteur de Balnoudji, le frère du Ngar-Koumra, puis « goumier »
à Ngodéré, vers 1905. De là, il parit à Kyabé où il devint l’homme de confiance
d’un adjudant corse pendant la guerre de 1914. Quand enfin on décida de créer
des « chefs supérieurs » ayant barre sur plusieurs chefs de canton,
il devient « commandant » à 4 galons, tandis que Tatola, à Moïssala,
Batinda, pour les cantons Day, Beralengar, pour les cantons sara, n’en avaient
que trois, comme des capitaines. Avec cela, Bezo eu la haute main sur le
recrutement dans tout le département. Tous les jeunes gens sont enchaînés, avec
des cordes de cuir, par fils de 50, et partent à Pied pour Bangui où il sont
embarqués sur le fleuve jusqu’à Brazzaville. Ils y restaient deux ans à moins
qu’ils en meurent de maladie.
Voilà l’origine de la chefferie qui pose aujourd’hui
problème. Une création coloniale qui a su continuer avec l’indépendance.
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