Le Tchad est en train de traverser, dans l’indifférence
générale, une période de tensions sociales dont personne ne peut prévoir les
conséquences ultérieures. Des grèves sèches sont déclarées un peu partout, une
tentative de ville morte a eu lieu même si elle n’a pas encore connu le succès
escompté. Il serait bien de s’arrêter un moment pour analyser cette situation
et voir les perspectives d’avenir.
Face aux difficultés économiques faisant suite à la
baisse du prix du pétrole, le gouvernement tchadien, après quelque temps de
retard dans le payement des salaires, a décidé du gel des primes et des
indemnités des fonctionnaires pour une période n’excédant pas dix-huit mois
(18) et de la suppression des bourses des étudiants des instituts supérieurs et
des universités du pays. Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux
poudres. Dès le 28 septembre, les syndicats, après consultation, annoncent dans
un communiqué de presse que « toutes
les portes des écoles, des lycées, des instituts, des universités publiques et
privées sans parler des bureaux administratifs doivent être désormais fermées
jusqu’à nouvel ordre… par ailleurs les enseignants doivent rester mobilisés
pour d’éventuelles autres actions.»
Depuis, sans que cela ne semble émouvoir personne, les
établissements d’enseignement tant publics que privés sont fermés ainsi que les
centres de santé et les hôpitaux. Pour ces derniers la question n’est pas de
savoir s’il faut reprendre, mais de savoir s’il faut maintenir le service
minimum.
Pendant que les éléphants se battent, les souris
trinquent… Les différents protagonistes n’en sont encore que dans la
démonstration des forces donc il n’y a pas encore de dialogue social en vue
d’arranger la situation. C’est à croire que les tchadiens sont incapables de
tirer des leçons des tensions sociales antérieures. Le passé a pour rôle
d’aider le présent à ne pas aller à l’aveuglette vers l’avenir.
Pendant que les adultes sont occupés à montrer les
muscles en essayant de se faire peur mutuellement, les jeunes sont à la maison.
L’école est fermée dans tous les sens du terme. On sait bien ce que peut
engendrer l’oisiveté (rappelons-nous Candide de Voltaire : le travail
éloigne de nous trois maux : l’ennui, le vice et le besoin.) Les jeunes
abandonnés à eux-mêmes vont petit à petit glisser vers la délinquance, s’il n’y
a personne pour les orienter (les tentations de l’argent facile, les vidéos
pornographiques qu’on peut trouver à profusion sur le marché, etc.)
Tout le monde sait que l’année scolaire n’est pas
extensible à l’infini. Nous sommes déjà en novembre et cela signifie que le
premier trimestre est pratiquement raté. Même si les cours reprennent, on ne
pourra plus avoir neuf mois de cours. Qu’en sera-t-il du programme ?
Faudra-t-il plus tard blâmer les jeunes à cause de la baisse de niveau ?
Les élèves et les étudiants sont un cliché de la qualité de l’enseignement que
leur donne les adultes. L’échec des jeunes est avant tout un échec des adultes.
Dans les hôpitaux et les centres de santé, les malades
sont chassés. Leur crime est de tomber malade alors qu’il y a des mouvements
sociaux. Dans le passé, il y a eu des syndicalistes qui sont morts à cause de
la fermeture des hôpitaux qu’ils avaient eux-mêmes décidées. Ils étaient tombés
malades et personne ne pouvaient les soigner.
Un proverbe du sud du Tchad dit : « C’est à force de rester sur place que le
pied du champignon pourrit. » Il ne sert à rien de rester statique.
Les deux camps (le gouvernement devrait s’engager dans un dialogue afin
d’arranger la situation. Seul le mouvement est la vie. Il faut arrêter cette
chronique d’une mort annoncée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire