mercredi 26 octobre 2016

Tchad : tensions sociales, le piège (par Pascal Djimoguinan)

            Le Tchad est en train de traverser, dans l’indifférence générale, une période de tensions sociales dont personne ne peut prévoir les conséquences ultérieures. Des grèves sèches sont déclarées un peu partout, une tentative de ville morte a eu lieu même si elle n’a pas encore connu le succès escompté. Il serait bien de s’arrêter un moment pour analyser cette situation et voir les perspectives d’avenir.
            Face aux difficultés économiques faisant suite à la baisse du prix du pétrole, le gouvernement tchadien, après quelque temps de retard dans le payement des salaires, a décidé du gel des primes et des indemnités des fonctionnaires pour une période n’excédant pas dix-huit mois (18) et de la suppression des bourses des étudiants des instituts supérieurs et des universités du pays. Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres. Dès le 28 septembre, les syndicats, après consultation, annoncent dans un communiqué de presse que « toutes les portes des écoles, des lycées, des instituts, des universités publiques et privées sans parler des bureaux administratifs doivent être désormais fermées jusqu’à nouvel ordre… par ailleurs les enseignants doivent rester mobilisés pour d’éventuelles autres actions.»
            Depuis, sans que cela ne semble émouvoir personne, les établissements d’enseignement tant publics que privés sont fermés ainsi que les centres de santé et les hôpitaux. Pour ces derniers la question n’est pas de savoir s’il faut reprendre, mais de savoir s’il faut maintenir le service minimum.
            Pendant que les éléphants se battent, les souris trinquent… Les différents protagonistes n’en sont encore que dans la démonstration des forces donc il n’y a pas encore de dialogue social en vue d’arranger la situation. C’est à croire que les tchadiens sont incapables de tirer des leçons des tensions sociales antérieures. Le passé a pour rôle d’aider le présent à ne pas aller à l’aveuglette vers l’avenir.
            Pendant que les adultes sont occupés à montrer les muscles en essayant de se faire peur mutuellement, les jeunes sont à la maison. L’école est fermée dans tous les sens du terme. On sait bien ce que peut engendrer l’oisiveté (rappelons-nous Candide de Voltaire : le travail éloigne de nous trois maux : l’ennui, le vice et le besoin.) Les jeunes abandonnés à eux-mêmes vont petit à petit glisser vers la délinquance, s’il n’y a personne pour les orienter (les tentations de l’argent facile, les vidéos pornographiques qu’on peut trouver à profusion sur le marché, etc.)
            Tout le monde sait que l’année scolaire n’est pas extensible à l’infini. Nous sommes déjà en novembre et cela signifie que le premier trimestre est pratiquement raté. Même si les cours reprennent, on ne pourra plus avoir neuf mois de cours. Qu’en sera-t-il du programme ? Faudra-t-il plus tard blâmer les jeunes à cause de la baisse de niveau ? Les élèves et les étudiants sont un cliché de la qualité de l’enseignement que leur donne les adultes. L’échec des jeunes est avant tout un échec des adultes.
            Dans les hôpitaux et les centres de santé, les malades sont chassés. Leur crime est de tomber malade alors qu’il y a des mouvements sociaux. Dans le passé, il y a eu des syndicalistes qui sont morts à cause de la fermeture des hôpitaux qu’ils avaient eux-mêmes décidées. Ils étaient tombés malades et personne ne pouvaient les soigner.

            Un proverbe du sud du Tchad dit : « C’est à force de rester sur place que le pied du champignon pourrit. » Il ne sert à rien de rester statique. Les deux camps (le gouvernement devrait s’engager dans un dialogue afin d’arranger la situation. Seul le mouvement est la vie. Il faut arrêter cette chronique d’une mort annoncée.

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