mardi 31 décembre 2024

La spiritualité ignatienne et l’écologie (par Pascal Djimoguinan)

En février 2019, la Compagnie de Jésus annonçait les quatre Préférences apostoliques universelles (PAU) qui seront à la base de la mission des jésuites pour les dix années suivantes. L’une de ces quatre PAU est une invitation à « Travailler avec d’autres pour la sauvegarde de la maison commune », en lien avec l’encyclique du pape Laudata si. Si cet engagement écologique est en lien avec l’encyclique, il faut dire que dans la spiritualité ignatienne-même, on trouve dès l’origine des germes écologiques. Si cette spiritualité est basée sur les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, on peut dire qu’on y trouve déjà les ferments qui rendront le pape, lui-même jésuite, sensible à la sauvegarde de la nature. En visitant les Exercices, nous tenterons de faire ressortir quatre points qui sont les pierres d’attente de l’écologie.

1- Principe et fondement comme point de départ :

Au début des Exercices, au numéro 23, nous trouvons un court texte qui a pour titre Principe et fondement, qui pose le fondement de toute la spiritualité ignatienne. Dans une relation triangulaire entre Dieu, l’homme et la création, Ignace donne l’importance de la création comme don fait à l’homme pour l’aider à rendre un culte à Dieu. La création est donc prise dans sa juste mesure. Elle vient de Dieu et doit tourner l’homme vers Dieu. Notre maison commune, nous la recevons de Dieu. Sans la déifier, nous devons donc en prendre soin. Si c’est un don de Dieu, il faut savoir la recevoir dans la louange et l’action de grâce.

2- Composition des lieux

Dans le premier exercice, saint Ignace donne des conseils pour la prière. Dans le premier préambule, il demande pour la prière qui va suivre et toute les autres, de faire la composition des lieux. Il s’agit dans la contemplation de ce qui est visible, de voir avec la vue de l’imagination le lieu matériel où se trouve la chose que je veux contempler [47].

Dans toute la prière ignatienne, la nature est présente. Il ne s’agit pas de ce vider l’esprit, mais de le remplir du réel de sorte qu’il soit une aide. La mer, le désert, les bourgs, les personnages, tout est présent et tout accompagne l’orant dans sa quête de Dieu. La maison commune est intégrée dans la prière ignatienne et devient ainsi une aide qui peut aider, en cas de distraction, à revenir à la prière.

3- Application des sens :

Dans la prière ignatienne, l’application permet d’utiliser les cinq sens dans la prière. Il s’agit donc de voir, avec la vue de l’imagination, d’entendre avec les oreilles, de sentir par l’odorat, de goûter par le goût et enfin de toucher par le tact. L’application permet de se rendre présent à la nature, de s’ouvrir à la sensibilité de tout ce qui nous entoure, de s’y intégrer pour pouvoir la saisir de l’intérieur. Il ne s’agit plus ici d’une écologie superficielle, mais de faire partir de la nature dont on est un élément.

4- La contemplation pour parvenir à l’Amour :

Le dernier exercice est la contemplation pour parvenir à l’Amour [230-237]. Dans cet exercice, il s’agit d’abord de se rappeler les bienfaits (dont la création) reçus de Dieu. Dans un deuxième temps, on voit comment Dieu habite dans les créatures et cela dans toute l’échelle de la création : dans les éléments, dans les plantes, dans les animaux et dans l’homme. Enfin, il s’agit de considérer comment tous les biens et tous les dons descendent d’en haut.

Il s’agit de voir Dieu dans toute la création ; on s’exerce ainsi à découvrir Dieu présent dans le moindre brin d’herbe. Dieu est ainsi présent dans toute la création. Une fois que cette découverte est faite, on comprend que c’est une œuvre pieuse que de « Travailler avec d’autres pour la sauvegarde de la maison commune », On peut ainsi trouver Dieu en toute chose. Voilà comment il faut vivre et faire l’écologie. 

samedi 14 décembre 2024

TCHAD Au cœur du conflit nord-sud de Rodrigue Naortangar (par Pascal Djimoguinan)

 Rodrigues Naortangar nous fait cadeau d’un livre dont rien que le titre est évocateur et alléchant : Tchad : Au cœur du « conflit nord-sud ». Ce livre de 254 pages, paru aux Presses de l’ITCJ (Institut de Théologie de la Compagnie de Jésus) a été édité le 22 mars 2024 à Abidjan. L’auteur, à la fois ethnologue et théologien, utilise ses compétences scientifiques pour titiller la sensibilité des ses concitoyens. Il suffit de voir le titre de l’ouvrage. Les guillemets en disent plus long que ce qu’ils contiennent. L’expression nord-sud est au Tchad une marmite d’émotions bouillonnante ; elle clame ce que personne n’ose avouer. Le sous-titre vient à point pour éclairer le propos : Une lecture anthropologique de la guerre civile de 1979-1980.

Ce livre très documenté remonte à l’origine de tous les problèmes du Tchad, comme on remonte à la source pour trouver l’eau la plus fraîche et le plus pure. Ainsi, il voit déjà, dès avant la colonisation la mise en place du terreau où va germer et se développer le problème tchadien. La colonisation ne fera qu’un catalyseur dans les conflits qui éclateront plus tard. Tels de poupées russes, les événements s’enchaînent les uns aux autres jusqu’à l’explosion de la guerre civile.

Les événements de 1979 transformeront l’état de guerre larvée dans lequel se trouve le Tchad depuis plusieurs années en guerre civile ouverte. Rodrigue Naortangar, en tant que pasteur et scientifique, revisitera tous les événements vécus pour faire ressortir ses différentes implications et faire prendre conscience des enjeux qui traversent les années pour être encore présents aujourd’hui dans le vécu des tchadiens. On voit défiler le CSM (Conseil Supérieur Militaire) et le FROLINAT éclaté, qui seront les acteurs majeurs du conflit.

Pour comprendre le Tchad d’aujourd’hui, ce livre est incontournable. Il faut donc visiter ce livre qui revisite toutes les maladies infantiles du Tchad pour faire apparaître les carences à combler.



vendredi 6 décembre 2024

TCHAD : L'imbroglio d'un pays atypique.(par Pascal Djimoguinan)

 Au Tchad, la tentation est grande. Faire comme les Etats de l’AES et chasser l’armée française au nom de la souveraineté, au nom d’une certaine souveraineté. Ce qui semble clair sur le papier ne l’est pas en réalité. N’est-on pas en train de mettre la charrue devant les bœufs et de jeter le bébé avec l’eau du bain ?

Pour le président Mahamat Kaka, le départ des troupes françaises du Tchad semble un coup de poker politique qui semble le libérer de l’aliénation d’une tutelle qu’il porte à fleur de peau et dont les fils blancs dont il est cousu sont trop apparents.

            Le gouvernement s’appuie sur le climat anti-français ambiant, pour dénoncer l’accord de coopération militaire avec la France. Bien que cela relève de la pure démagogie, le gouvernement joue à l’innocent trahi dans sa bonne foi…

S’expliquant sur l’arrêté du 29 novembre 2024 mettant fin à la coopération militaire avec la France, le ministre des affaires étrangères du Tchad a estimé que cette décision était le résultat d’une analyse approfondie, visant à renforcer la souveraineté nationale et à garantir la sécurité des citoyens.

De fil en aiguille, une commission spéciale a été mise en place pour résilier les accords militaires avec Paris, et des manifestations voient le jour dans différentes villes pour soutenir la décision.

Parfois, c’est dans l’hilarité générale qu’il faut jouer aux Cassandres.

On fait rapidement la comparaison avec les pays de l’AES en oubliant le vieil adage français qui dit que « Comparaison n’est pas raison ». Cet adage attribué à Raymond Queneau a bien sa place ici, vue que le Tchad ne ressemble pas à ces pays. Il est bien atypique. En effet, placé aux confins du Soudan et de la Lybie, le Tchad a toujours fait l’objet de la convoitise de ces pays. Mal aimée, la France a toujours été le mal nécessaire qui a servi à l’équilibre du Tchad face aux intérêts divergents venant de ces pays, plutôt orientés vers l’Orient arabe avec des risques d’intégrisme religieux. Il faut dire qu’avec le départ de la France, le Tchad se retrouvera seul face à ces pays, qui, en plus, sont en guerre.

Il y a donc à parier que les conflits de la Lybie et du Soudan vont s’étendre au Tchad, qui, plus est, joue mal au pompier pyromane.

Le Tchad se retrouve ainsi dans la fournaise ardente avec l’affaire Yaya Dillo mal réglée, la guerre du Soudan qui génère des réfugiés et dans laquelle malgré se dénégations, il prend part,

Aux frontières méridionales du Tchad, les russes sont aux aguets, sachant que la nature a horreur du vide. Face aux appels d’air provoqués par l’instabilité générée par la Lybie et le Soudan, le Tchad se tournera vers les russes, mais la situation ne sera pas pour autant maitrisée.

Il va sans dire que nous allons tout droit vers des lendemains dont personne ne peut se porter garant. Le Régime lui-même pourra-t-il s’en sortir ? Rien n’est moins sûr. Il ne reste donc qu’à croiser les doigts en espérant que le Tchad ne retournera pas à l’ère des tendances politico-militaires


jeudi 7 novembre 2024

TCHAD: Peut-on encore espérer ? (par Pascal Djimoguinan)

 Au point où nous sommes, que faut-il penser de la situation politique ? Sur le plan démocratique, les jeux semblent déjà faits et les dés sont pipés. Les derniers mirages de la Conférence Nationale Souveraine se sont escomptés et l’on va tout droit vers un parlement monochrome.

Jusqu’au 22 octobre, on pensait que le pouvoir allait jusqu’au bout donner l’illusion d’une démocratie apaisée en allant aux élections législatives et communales avec ses partis satellites. C’était un coup de tonnerre qui a retenti lorsque monsieur Zen Bada, secrétaire général du parti au pouvoir, le MPS, a annoncé que son parti irait seul aux élections du 29 décembre. C’était la fin de la coalition présidentielle Tchad uni qui regroupait quelque 230 partis politiques qui avaient accompagné le président de la République pendant les élections présidentielles.

C’est à peine si plusieurs membres de cette coalition ne retiennent leurs larmes. Ils voient le ciel tomber sur eux, puisqu’ils attendaient en retour de leur allégeance une place au parlement. Beaucoup apprenaient ainsi leur première leçon de politique. Ils découvraient ainsi qu’en politique, seuls les intérêts comptent.

Le terrain semble maintenant favorable au MPS car les partis satellites n’ont pas d’assises pour se présenter seuls aux élections tandis que ceux pouvant faire le poids prônent le boycott.

Nous allons donc tout droit vers ce qui sera le monopole d’un parti Etat, sans opposition démocratique au parlement. Les acquis de la Conférence Nationale Souveraine sont désormais renversés.

Le Tchad se retrouvera avec les trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) entre les mains de l’Etat. Il n’y aura plus de contre-pouvoir pour les cinq années à venir.

Si l’on appelle la presse le quatrième pouvoir, pourra-t-elle vraiment jouer son rôle ? Il est clair que tout jouera contre elle car des lois liberticides seront votées pour la museler.

Les perspectives les plus pessimistes doivent être envisagées pour les années post-élections, à moins qu’une entente se fasse au dernier moment pour reporter les élections et permettre à tout le monde d’y prendre part. C’est ce que nous appelons de tous nos vœux car il y va de l’avenir du Tchad.



lundi 7 octobre 2024

Tchad : 20 octobre 2024 martyrs oubliés (par Pascal Djimoguinan)

 Voici que s’approche la date fatidique,

Date marquée en lettres de sang

Date faite de larmes et de morves.

J’écoute, que disent les journaux :

« Le 20 octobre 2022, des milliers de Tchadiens descendaient dans la rue pour protester contre la prolongation de la transition de deux ans. Des dizaines de personnes ont été tuées par les policiers et les soldats à N’Djamena. »

Mais tout le monde tourne son regard vers le mur

Tous feignent de ne pas voir

Ces morts effacés, oubliés, niés

Ils n’existent tout simplement pas

Car la realpolitik est passé par-là.

 

Mais les faits sont têtus

Si ces jeunes ne sont pas officiellement morts

Il y a cependant des cœurs qui saignent

Il y a des mères qui pleurent leurs enfants :

Un cri s’élève dans Rama, pleurs et longue plainte : c’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, car ils ne sont plus (Matthieu 2,18).

Des milliers de Rachel ne sont pas entendues et leur peine est niée.

Elles sont néantisées car elles ne font pas le poids.

 

Mais les faits sont têtus, le 20 octobre approche.

Qui se rappellera ces innocents tombés ?

Qui marquera d’une pierre blanche leur passage ?

Je ne pleurerai pas, on ne pleure pas les martyrs

J’énoncerai tout simplement le courage.

Vive un Tchad épris de justice et de paix

Honneur à vous, martyrs pour un Tchad nouveau.



dimanche 22 septembre 2024

TCHAD : qui se rappelle encore les cahiers de chants des années 70s ? (par pascal Djimoguinan)

 Le Tchad a également connu les années d’insouciance qui précèdent les grands bouleversements, notamment la guerre civile de 1979. Les jeunes et moins jeunes, ont essayé de mordre à pleine dent à ce que leur offrait la vie. Les écoliers de années 70s mettaient toute leur joie à posséder des cahiers de chants. Nous choisissons au hasard une des chansons. Il est possible d’ajouter des couplets oubliés ou de corriger des stances qui ne seraient pas justes.

1 L'espérance se nomme JST (bis)

Entre tes mains l'avenir reprendra,

Reprendra ses chansons merveilleuses.

2 Souviens-toi de l'oiseau cher ami (bis)

Qui fait son nid dans les branches brin par brin,

Brin par brin, brindille par brindille.

3 Finalement, termine un joli nid (bis)

Où habite sa famille avec lui

Avec lui parmi les oiselets.

Mon départ sera un jour férié (bis)

Pour visiter toutes les filles coin par coin.

Coin par coin, de maison en maison

samedi 14 septembre 2024

Tchad : Découpage administratif et électoral, la botte sécrète de Mahamat Kaka (Par Pascal Djimoguinan)

 Le microcosme politique tchadien est en effervescence. Une ordonnance a été publiée le 4 juillet 2024 au Tchad. Elle porte sur la restructuration des unité administratives. L’ordonnance n° 001/PR/2024 a introduit plusieurs changements significatifs ; le Tchad est désormais composé de 23 provinces, 120 départements et 454 communes. Il y aura 165 députés, avec un député par circonscription électorale, plus un autre dans les circonscriptions comptant plus de 90.000 électeurs. Quatre sièges sont réservés aux Tchadiens de l’étranger.

Le problème qui se pose, est que le nombre de députés n'a pas été équilibré, chaque département devant avoir un député, ce qui crée des disparités. Le quota de sièges accordés aux députés de la province de l'Ennedi-Est fait couler beaucoup d’encre dans l’opposition.

Par ailleurs, la date des élections législatives afin de renouveler les 188 membres de l’assemblée nationale a été fixé au 29 décembre 2024. Le corps électoral sera convoqué le 29 novembre et la liste définitive des électeurs sera publiée le même jour. La campagne électorale débutera le 7 décembre et prendra fin le 27 décembre. Les dépôts des candidatures auront lieu du 19 au 28 octobre 2024 et les résultats définitifs seront connus le 3 février 2025.

Deux griefs concentrent la lutte de l’opposition et de la société civile. Le premier étant le déséquilibre créé par le fait que certaines régions sont surreprésentées alors que d’autres, bien qu’étant plus peuplées, sont lésées. Le second grief est que la compagne électorale et les élections auront lieu pendant le temps de Noël, ce qui ne respecterait pas le temps liturgique des chrétiens.

Il se trouve que les faits ci mentionnés sont trop gros pour avoir échappé aux législateurs. Nous estimons qu’en fait, il ne s’agit que de l’arbre qui cache la forêt.

En réalité, la botte secrète de Mahamat Kaka, est de se défaire du MPS (Mouvement Patriotique du Salut). Certes il a eu besoin de ce parti, hérité de son père pour mener le dialogue national, la Transition, puis les élections présidentielles. Mais avec le temps, ce parti commence, comme tout héritage, à être pesant. Mahamat Kaka ne voudrait pas continuer à porter le passif de ce parti et supporter la pression de ses pontes.

Cette mise à l’écart du MPS se fera en douce. D’abord, le régime s’appuiera sur les représentations régionales. Les députés de certaines régions sauront qu’ils sont là grâce au président. Ils formeront un groupe parlementaire tel que le président n’aura plus besoin du MPS. Mis sous pression, le MPS changera de nom pour devenir le parti du président, sinon un nouveau parti sera créé. La MPS commencera alors sa descente aux enfers.

Ce sera avec ce nouveau partie que le présidera entamera la prochaine campagne présidentielle car, la Transition n’étant pas un mandat, le président se présentera pour le second mandat. Les législations ne serviront que de ballon d’essai. Qui vivra verra.




dimanche 11 août 2024

TCHAD/LU POUR VOUS : Le Père Madou libéré 24 heures après son arrestation

 " Le Père Madou va bien, même s'il dit avoir subi des mauvais traitements lors de son arrestation ", affirme à l'Agence Fides une source de l'Eglise locale de la capitale du Tchad, N'Djamena. Notre source, qui a requis l'anonymat, a rencontré le Père Simon-Pierre Madou Baïhana, curé de l'église Bienheureux Isidore Bakandja de Walia Goré, qui avait été arrêté dans la soirée du 5 août (voir Fides 6/8/2024), et qui a été libéré hier, 6 août.

"Sa libération est intervenue moins de 24 heures après qu'il ait été enlevé par des agents de sécurité en civil, d'une manière qui a fait craindre un enlèvement par des bandits ", rappelle la source de Fides. "La manière dont il a été arrêté, le fait que le procureur n'ait pas entamé de procédure formelle d'accusation et sa libération rapide font penser à un acte d'intimidation à l'encontre d'un prêtre qui a pris des positions critiques à l'égard du gouvernement".

"La réaction instantanée de Mgr Goetbé Edmond Djitangar, qui a immédiatement publié un communiqué sur l'arrestation du prêtre (voir Fides 6/8/2024) et la forte mobilisation des laïcs catholiques ont probablement contribué à la libération rapide du Père Madoua", souligne notre source. Dans un entretien accordé aux médias locaux, le Père Madou a même déclaré que "ma détention a été de courte durée parce que beaucoup de personnes sont intervenues pour ma libération, à commencer par l'archevêque Djitangar".

Le père Madou a été accueilli par une foule en liesse à son retour dans sa paroisse hier après-midi. Malgré son état de santé précaire, le Père Madou a tenu à célébrer la messe, après avoir salué et embrassé ses paroissiens. (LM) (Agence Fides 7/8/2024)



vendredi 2 août 2024

LU POUR VOUS/TCHAD - Nomination du nouveau directeur des Œuvres Pontificales Missionnaires

Le 22 avril, le Cardinal Luis Antonio G. Tagle, Pro-préfet du Dicastère pour l'Evangélisation, a nommé le Révérend Père Benoit Mbainada du clergé de Moundou comme Directeur National des Œuvres Pontificales Missionnaires (OPM) au Tchad pour un mandat de cinq ans. Le nouveau directeur des Œuvres Pontificales Missionnaires est âgé de 55 ans et a été ordonné prêtre en 1999. Après son ordination sacerdotale, il a été nommé curé in Solidium des paroisses de Bao-Mbalkabra (1999-2001), modérateur des paroisses Deli-Ndoguindi et quasi paroisse de Krim-Krim (2001-2005), curé de la paroisse "Saint Jean" à Dombao (2007-2011), administrateur des paroisses "Bon Pasteur de Koutou" (2011-2012) et "SSPP" à Doyon (Moundou : 2013-2014), curé des paroisses "SSPP" de Doyon (Moundou : 2014-2015), "Croix Glorieuse" de Krim Krim (2015-2019), Cathédrale "Sacré Cœur" de Moundou (2019-2020), Membre de la Commission diocésaine des vocations (2000-2005) et responsable de la même Commission (2005-2023), Secrétaire général de la Commission nationale des vocations (2006-2013), Directeur spirituel "du foyer séminaire" (2007-2013), Vicaire général (2009-2020). Membre de l'Equipe Pastorale Diocésaine depuis 2019, Secrétaire Général de la Commission Nationale des Vocations (2021-2023), Aumônier Diocésain du mouvement "Dewnodji" depuis 2022.
(EG) (Agence Fides 31/07/2024)



jeudi 30 mai 2024

TCHAD : Malheur aux vaincus (par Pascal Djimoguinan)

 Nous connaissons tous le vieil adage séculaire « Malheur aux vaincus », attribué à Brennus, chef Gaulois, lors de la prise de Rome en 390 avant notre ère. Ces mots traduisent l’atrocité et l’esprit de vengeance inhérente à toute guerre, surtout dans des sociétés non policées.

De la crainte qu’engendre une victoire, crainte que le vaincu d’aujourd’hui ne fourbisse ses armes pour vaincre demain, est née une barbarie dont l’objectif est de briser dans l’œuf tout idée de révolte ou de reconquête.

La barbarie s’exprime alors par la peur et l’humiliation.

 Il s’agit donc d’abord de faire peur à l’ennemi en faisant étalage de son arsenal et en brisant dans la force ce qui ressemble de près ou de loin à une expression de l’identité du vaincu : arrestations, assassinats etc.

Ensuite, il faut humilier le vaincu de telle sorte qu’il perde complètement sa dignité et n’ose plus relever la tête. ; on arrache donc les femmes des vaincus, on viole celles qui ont osé parler, châtiments corporels et moraux publics.

Voilà ce qui risque d’arriver au Tchad si la loi n’est pas respectée. Après les élections présidentielles qui viennent d’avoir lieu, dans le camp des vainqueurs, il y a trop d’esprits revanchards qui ne cherchent qu’en découdre avec les opposants, principalement les Transformateurs.

Il y a déjà des signes avant-coureurs de la mise en pratique de l’adage « malheur aux vaincus ». Il y a d’abord eu la démonstration de force à la suite de l’annonce des résultats provisoires (tirs, arrestations, intimidations…) Des tentations d’humiliation ont déjà commencé à l’égard des Transformateurs et cela risque d’aller, crescendo, jusqu’à l’horreur totale. Les femmes surtout doivent être prudentes ces jours-ci. Les hommes également vont connaître les pires humiliations, si leur vie n’est pas mise en danger.

Il est encore temps d’arrêter le processus diabolique qui se met en place et le gouvernement se trouve face à ses responsabilités.

Il faut se rappeler que nous sommes dans une république et ce qu’on appelle la Vème République ne saurait déroger à ses devoirs : le respect et la protection des citoyens, de tout citoyen.

Au Tchad, une lecture uniquement régionale qui sépare le pays en Nord et Sud est obsolète. La fracture est de plus en plus générationnelle et il faudra en tenir compte dans les analyses politiques et dans les projets de sociétés. Quitter la logique de la violence est, en fin de compte, bénéfique pour tous.

jeudi 23 mai 2024

TCHAD : Même dorée, la pilule est amère (par Pascal Djimoguinan)

 L’habileté politique de Mahamat Kaka, c’est d’avoir, amené Masra Succès à se tirer une balle dans le pied. Il a sans doute suivi pour cela les conseils des dinosaures de la politique tchadienne qui ne portent pas ce dernier dans leur cœur.

Grâce aux accords de Kinshasa, signés le 23 octobre 2023, entre le gouvernement tchadien et le parti les Transformateurs, le président de ce parti est devenu Premier ministre, ouvrant ainsi un boulevard aux membres de la Transition vers les élections. En effet, jusque-là, la communauté internationale, ainsi que les Transformateurs ainsi que la coalition des actions citoyennes, Wakit Tama, étaient opposés à ce que les membres de la Transition ne participent aux élections présidentielles qui allaient marquer la fin de la Transition.

Par les accords de Kinshasa, Mahamat Kaka a réussi un double coup : il a d’abord réussi à couper les Transformateurs de Wakit Tama et tout le groupe du boycott. Ensuite, il profite de l’influence des Transformateurs, désormais acquis à l’idée d’aller aux élections, même avec les membres de la Transition.

Comme pour tout coup de poker, les Transformateurs avaient misé gros :

- Passer l’éponge sur les victimes de la répression du 20 octobre

- Accepter la Transition, au point d’en faire partie,

- Voter Oui au referendum pour la nouvelle constitution (contre l’avis de ses anciens alliés).

Par les accords de Kinshasa, les Transformateurs avaient accepté d’avaler les couleuvres, attirés par les mirages des élections qu’on leur présentait comme libres et démocratiques. En réalité, il s’agissait d’une carotte que le cavalier MPS tenait au bout d’un bâton devant l’âne pour le faire avancer.

Après les élections, c’est l’heure d’avaler la pilule ; elle avait été dorée, elle n’en est que plus amère. Pris au piège, Masra Succès ne peut s’en prendre qu’aux effets sans toucher à la cause. Il ne peut contester que les résultats des élections, sans remettre en cause la légitimité des membres de la Transition à s’y présenter, d’autant plus qu’il porte désormais de forts relents de cette transition.

Que laisse présager l’avenir pour ce jeune homme ? Ce n’est pas en regardant les verres et les bouteilles cassés, reliques d’une fête qu’on peut juger de sa réussite. Ce n’est pas non plus en comptant ses pas qu’on avance. Il faut marcher. Tout ce que l’on fait contre le temps, le temps se fait un malin plaisir de le détruire. Masra Succès doit désormais apprendre à s’inscrire dans la durée. Son atout et son capital, c’est sa jeunesse. Il peut rebondir en tenant compte de l’expérience acquise. Une seule chose lui manque, écouter désormais, non seulement dans son cercle, mais aussi des voix venant de l’extérieur.




mardi 21 mai 2024

Tchad : L'opposition doit-elle se ranger ? (par Pascal Djimoguinan)

 Les élections présidentielles se sont tenues le 6 mai 2024 et ont donné, selon la Commission électorale, la victoire au président de la transition le 9 mai 2024 ; cette victoire a été validée par le Conseil constitutionnel le 16 mai 2024, avec un score de 61%, rejetant le recours du Premier Ministre Masra Succès.

La question qui traverse tout le microcosme politique ces jours-ci concerne la place de l’opposition. Doit-elle, oui ou non, participer à la gestion de la chose publique. La situation s’est en plus réchauffée, suite à une polémique provoquée par Saleh Kebzabo, président de l’Undr et médiateur de la République, qui a demandé au président élu de ne pas travailler avec l’opposition et tous ceux qui ont voté contre lui. Sans doute un pavé dans la mare, mais qui a l’avantage d’éclairer les idées sur ce que pensent les uns et les autres.

La véritable question est de savoir si l’opposition doit chercher à se fourvoyer dans un gouvernement d’union nationale, surtout qu’elle n’a pas une vision commune avec le pouvoir.

Parlant de l’opposition, il faut clarifier les choses. A la sortie des élections, le paysage politique est assez clair et peut être défini comme suit :

- Nous avons la coalition de tous les partis regroupés autour de la dénomination « Tchad Uni », et que nous pouvons qualifier de la mouvance présidentielle.

- Nous avons ensuite les neuf (9) partis qui se sont présentés contre le président de la Transition, ainsi que les dix (10) autres dont les candidatures ont été rejetées.

- Il y a enfin tous les groupes du boycott :  Les partis politique du groupe de concertation des acteurs politiques (GCAP) et la société civile et les syndicats du groupe Wakit Tama.

Si « Tchad Uni » est un groupe hétéroclite dont le dénominateur commun se trouve dans les intérêts personnels de chacun, les deux autres groupes ont encore à panser les plaies consécutives aux dernières élections avant de se mettre ensemble pour construire une opposition constructive.

Bien sûr, il ne faudra pas laisser la tribune politique vide. L’échéance est constituée par les législatives. Il faudrait que l’opposition mette en place une stratégie pour être valablement représentée dans l’hémicycle. De là, elle pourra faire son travail d’opposition, ayant bénéficié de la légitimité populaire. Il ne faut pas laisser les affamés  mener le Tchad car un proverbe bien connu de chez nous dit que « Quand Sou est rassasié, il brûle le reste du grenier. »



jeudi 11 avril 2024

LU POUR VOUS/La justice du lion (par Joseph Brahim Seid)

 En ce temps-là, une entente cordiale régnait entre les bêtes. Le lion lui-même n’était pas ce maître féroce qui sème aujourd’hui la terreur dans la brousse. Bien que redouté il était affable et tenait volontiers compagnie aux autres animaux. Mais parmi tous, il aimait particulièrement la hyène ; elle lui paraissait en effet plus dégourdie que personne. C’est pour cette raison qu’il constitua avec elle une société où chacun apporta le capital qu’il possédait ; le lion, un taureau, la hyène une vache. Et le soin de gérer la fortune commune échut à la hyène. Elle y veilla avec beaucoup de diligence, à tel point qu’un jour, rendant compte de sa gestion, elle fit savoir à son coassocié que sa vache avait donné le jour à un veau. Mais le lion contesta aussitôt cette façon de voir. Il soutint dur comme fer que le veau ne pouvait provenir que du taureau et non de la vache. Une vive discussion s’engagea alors entre les deux associés.

Je suis persuadé, dit le lion que le veau appartient à mon taureau, car seul il possède la vertu de procréer.

Je jure par tous les Dieux que le veau est sorti des entrailles de ma vache, répondit la hyène.

Je ne veux pas écouter des niaiseries pareilles, rétorqua le lion. Le veau appartient à mon taureau il n’y a pas de pourquoi ni de comment, c’est comme ça !

Mais comme la hyène persistait à soutenir le contraire, le lion en appela à la justice des animaux réunis. Convoqués par lui, ceux-ci se rassemblèrent en une cour de justice extraordinaire. Le lion leur exposa le différend qui l’opposait à la hyène et invita chacun d’eux à dire le droit.

L’éléphant parla le premier, faisant semblant de réfléchir, il secoua sa vilaine trompe et opina : « A mon avis seul le taureau possède la vertu de procréer. »

A sa suite, le rhinocéros et l’hippopotame, dressant leurs masses pachydermiques, ne firent qu’approuver ce qui venait d’être dit.

La girafe, à son tour, balayant l’air de son très long cou comme pour chercher une opinion libre de toute contrainte, affirma avec gravité que le veau ne pouvait être né que du taureau.

Le buffle à l’aspect farouche, la panthère au regard rêveur et hypocrite, le phacochère au groin sordide justifièrent avec plus de subtilité et d’arguties le bien-fondé de cette assertion ; seul le taureau est capable de procréer ; le veau ne pouvait parvenir que de lui. Après que tous les autres animaux se fussent prononcés en ce sens, on s’aperçut que seul le lièvre n’avait pas donné son avis. Le lion l’ayant fait mander immédiatement, il se présenta, les oreilles rabattues, l’air triste. Après avoir pris connaissance du litige qui opposait le lion à la hyène, le livre répondit :

- Ni mon était physique, ni ma lucidité d’esprit ne me permettent d’émettre une opinion circonstanciée et équitable. Je viens en effet de recevoir de très mauvaises nouvelles qui m’accablent. Mon père, qui se trouve à cent lieues d’ici, es dans un état fort inquiétant ; il vient d’accoucher d’un petit levreau, et j’ai hâte de me rendre auprès de lui pou lui donne les soins que nécessite son état.

- Petit imbécile, gronda le lion. Depuis quand as-tu vu un mâle mettre au monde ?

- Sire, retorqua le lièvre, ne cherchez donc pas à faire dire aux autres ce qu’ils ne pensent pas. Vous venez de trancher le procès qui vous oppose à la hyène. Si le taureau a la vertu de procréer, le veau ne pouvait provenir que de la vache. La hyène a raison contre vous. Et sur ces paroles, le lièvre détala à toutes jambes. Courroucé, le lion se lança à sa poursuite. Quand aux animaux, il se dispersèrent aux quatre vents.

C’est depuis ce jour-là qu’ils renoncèrent à jamais de se réunir pour dire le droit. Chacun retrouva sa liberté pour apprécier tout seul ce qui pouvait être vrai et juste, car ici-bas ne triomphe en justice que le plus fort. Le faible a toujours tort et les juges, toujours convaincus, le condamnent au nom d’un mot très vague, au masque souriant, qui s’appelle l’équité.