(Docteur Evelyne N'datchoh TOURE est une enseignante chercheuse au Laboratoire des Sciences de la Matière de l'Environnement et de l'Energie Solaire (LASMES) de UFR SSMT de l'Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan.)
La poussière définie comme particules très fines provenant de la terre ou de matériaux divers à la suite de chocs ou de déflagrations est un élément de notre quotidien. Elle se dépose très souvent sur diverses surfaces dans notre environnement quotidien. Le plus souvent, dans nos maisons et lieux de travail, nous la combattons par un nettoyage des surfaces et objets où elle se dépose.
Cette poussière, du point de vue
scientifique, fait partie de la grande famille des aérosols qui sont définis
comme de fines particules à l'état solide ou liquide en suspension dans l’air.
De façon générale en météorologie et
science du climat, les aérosols ont une importance capitale puisqu’ils
interagissent avec le système radiatif terrestre (énergie provenant du soleil
reçue et perdue par le système climatique terrestre, au travers de ces
composante que sont l'atmosphère, le sol et les océans) dont ils modifient le
bilan de par leur capacité d’absorption ou de diffusion du rayonnement solaire
(effet direct). Ils sont essentiels à la formation de nuages et sans leur
présence dans l'atmosphère, il serait difficile voire impossible de former des
nuages (ils servent de noyaux de condensation à la vapeur d’eau).
Le Sahel et le Sahara sont reconnus comme la source la plus importante
d'émission de poussières dans le monde. Les tempêtes de poussière qui sont des
phénomènes météorologiques surviennent, le plus souvent en présence de vents
forts, soulèvent dans l'atmosphère de grandes quantités de sable et de
poussière sur des sols nus et secs où il existe de la matière mobilisable. Ces
particules de poussières une fois dans l'atmosphère ont des impacts sur
l’environnement, le climat, la santé humaine et de nombreuses conséquences
socio-économiques.
Une fois ces poussières du Sahel et
Sahara sont émises dans l'atmosphère, elles peuvent parcourir de longues
distances en fonctions des conditions météorologiques et sous l’action des
vents et ainsi parvenir par exemple sur les côtes du Golf de Guinée en Afrique
de l’ouest (principalement via le vent de l’harmattan), traverser l'océan
Atlantique et parvenir jusqu’au bassin de l’Amazonie ou encore parvenir sur le
continent Européen et même le moyen orient.
Au plan environnemental, les poussières
sahélienne et saharienne sont une source de nutriments pour les écosystèmes
marins et la forêt amazonienne par exemple. En réduisant la visibilité (surtout
au cours d'épisode intense de tempête de poussières), les poussières sont gênantes
pour le transport terrestre (obstruction des voies) et aérien (retard de vols,
déroutement de vols, endommagement des avions).
Concernant l’aspect climatique, ces
poussières du Sahel et Sahara absorbent et diffusent le rayonnement solaire et
modifient le climat à diverses échelles locale et régionale. Par exemple, les
poussières sahariennes et sahéliennes interagissent avec le système de
mousson d'Afrique de l'Ouest, où elles contribuent à l'affaiblissement du
déploiement du vent de mousson sur le continent occasionnant un assèchement
dans les zones Sahéliennes (mauvaise qualité de la saison pluvieuse) tout en
refroidissant les températures.
Au plan sanitaire, les poussières
sahélienne et saharienne contribuent à la transmission de maladie telle que la
méningite à méningocoques est une infection bactérienne des fines membranes qui
enveloppent le cerveau et la moelle épinière. Par ailleurs, dépendant de la
taille des particules constituant les poussières, elles sont une menace pour la
santé humaine. En effet, les particules dont la taille est supérieure à 10 μm (1μm=10-6
m) affectent le plus souvent les organes externes tels que la peau et les
yeux (irritation de la peau et conjonctivite pouvant aboutir à des infections
oculaires), car elles ne sont pas inhalables. Les particules inhalables sont
celles dont la taille est inférieure à 10 μm. Elles sont souvent subdivisées en
deux catégories (PM10 et PM2.5, PM signifiant Particulate Matter). Les PM10 se
déposent le plus souvent dans le nez, la bouche et les voies respiratoires
supérieures et peuvent causer des affections respiratoires (pneumonie, asthme,
rhinite allergique, …). Quant aux PM2.5 (taille inférieure à 2.5 μm), elles
sont susceptibles de s’infiltrer dans les voies respiratoires inférieures et le
sang, atteindre ainsi plusieurs organes et engendrer des troubles
cardiovasculaires.
Le plus souvent la présence de
végétation, sur les sols nus atténue l'érosion de sols et constitue une
barrière au soulèvement des poussières. Ainsi, le projet de la grande muraille
verte, s'il se réalisait, contribuerait à atténuer la mobilisation des
poussières dans le Sahel.
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